Intervention de Patrick Rayou, Université Paris 8

Publié le : 18/11/2009


Assises FSU - Défendre et rénover la formation des enseignants - 7 novembre 2009 - Paris Sorbonne

Table ronde - Quels pas en avant sont possibles à partir du contexte actuel ? Quels cursus de formation pour demain ?

Patrick Rayou, université Paris 8 : quelle articulation entre les divers formateurs ? quel lien avec le terrain ? quelles évolutions nécessaires dans la formation de formateurs

1. Quels formateurs?
La formation par alternance dont la formule fait généralement accord dans le monde éducatif suppose des formateurs complémentaires. Il s'agit d'une part des formateurs d'Iufm dont le potentiel est à conserver absolument. Leurs compétences sont peu rendues visibles et reconnues, faute notamment d'une littérature professionnelle qui pourrait capitaliser et mettre en débat les savoirs et savoir faire qu'ils développent. La mise en place de masters « enseignement » ne porte pas en elle-même leur disparition, bien au contraire. D'autre part, les enseignants-chercheurs ont un rôle dans cette formation. En particulier pour l'encadrement des mémoires de recherche, mais pas seulement. Des interfaces sont à renforcer ou à construire dans ce qui concerne les aspects didactiques, épistémologiques, de connaissance du système éducatif. Les collaborations paraissent évidentes, sur le modèle de ce qui existe aujourd'hui dans les masters professionnels, dans la tenue de séminaires d'appui aux mémoires et dans celles de jurys mixtes. Les formateurs, de leur côté ont un rôle à jouer (ils le jouent d'autant plus qu'ils prennent part à des recherches collaboratives) dans la contextualisation des recherches qui caractérisent le champ.

2. quelle articulation entre les formateurs?
Une des difficultés majeures actuelles de la formation par alternance est que les médiations entre l'exercice professionnel en stage et sa reprise réflexive ne sont pas organisées. La synthèse de ces activités est dévolue aux stagiaires qui, pris par les urgences, s'installent dans une fausse opposition entre « théorie » et « pratique ». Organisée de façon quasi exclusivement administrative dans beaucoup d'Iufm, cette mise en œuvre est très éloignée de la version « intégrée » qui paraît souhaitable. La successivité de la formation qui recrute les futurs enseignants puis les forme professionnellement dans un laps de temps très court suscite chez eux des analyses erronées et dommageables de la formation. Ils voient souvent des tensions inconciliables entre le centre formateur et la périphérie du terrain, les savoirs « du haut » dispensés par les premiers et ceux « du bas » par les seconds. Lorsque des enseignants-chercheurs sont aussi formateurs et interviennent dans des séminaires communs d'encadrement des mémoires, les possibilités de métissage des savoirs à enseigner et des savoirs pour enseigner deviennent évidentes.

3. Quelles évolutions nécessaires dans la formation de formateurs
La formation de formateurs se doit de mieux organiser la diffusion des résultats des recherches en éducation. Celle-ci, nécessaire pour alimenter la pratique professionnelle, le devient encore plus avec la nécessité de rédiger un mémoire de recherche. Mais elle ne peut le faire selon le modèle de la diffusion «  verticale » dont on connaît la faible efficacité. D'une part les résultats de la recherche doivent être retravaillés dans le sens de leur pertinence pour des problématiques professionnelles. Il ne suffit donc pas de les mettre à disposition, mais il faut organiser leur re-problématisation. D'autre part les savoirs utiles à la formation sont aussi des savoirs d'action issus de la pratique elle-même. Des expériences dans le cadre de l'entrée dans le métier, de la co-observation ou de la co-intervention dans les réseaux Ambition Réussite montrent tout l'intérêt qu'il y a à compter sur la capacité d'analyse et de théorisation des jeunes praticiens. La nécessité aussi de capitaliser et diffuser ces savoirs par des canaux qui n'existent aujourd'hui que de façon informelle. Le passage aux masters constitue de ce point de vue l'opportunité d'intégrer à la formation les apports des mémoires de recherche qui seront réalisés.

Ces considérations conduisent aussi à réfléchir à la nécessité de doter de masters les formateurs de formateurs dont on voit mal qu'ils ne soient pas eux-mêmes formés à et par la recherche et dont la reconnaissance des compétences par un diplôme universitaire rendrait mieux visible le rôle indispensable qu'ils ont à jouer dans la formation.