Hold-up au Sénat
Hold-up éclair au Sénat :
les universités perdent deux millions d'euros
Les faits :
Jeudi 28 novembre, le budget 2003 de l'enseignement supérieur a vu disparaître deux millions d'euros de crédits, à l'issue du débat qui amené à l'approbation de ce budget amuté par le Sénat.
L'opération a été menée en un temps éclair par trois sénateurs, apparemment bien connus des services de la Commission des Finances. Ses auteurs ont tenu à justifier leur geste par la richesse des universités en réserves, en se prévalant d'un souci de bonne gestion. Ils sont intervenus sous les yeux du ministre, qui a désapprouvé à mi-voix sans pouvoir (d'aucuns disent vouloir) s'opposer à cette "ponction". Des mauvaises langues font cependant remarquer que cet escamotage suit d'un jour la diminution proposée par le gouvernement de 700 millions d'euros des recettes de l'Etat, diminution qui a servi de prétexte à cette douteuse opération.
En attendant de savoir ce que fait la police, une chose est sûre : sauf récupération de dernière minute du butin, les universités vont devoir se serrer la ceinture d'un cran supplémentaire. En période de vache maigre, le genre de détail qui fait mal !
Nos lecteurs seront tenus au courant en direct de la suite de ce malencontreux fait divers. Dans l'attente, ils trouveront ci-dessous deux moments de cette triste journée :
- une intervention de Luc Ferry où il est question du LMD, de(s) décentralisation(s) et de remise au pas des IUFM
- la transcription des minutes qui ont précédé la "disparition" des 2 millions
Intervention du Ministre au Sénat 
....
M. FERRY, ministre de la Jeunesse. – Le système des assistants d'éducation est beaucoup plus intelligent.
Et prétendre que je supprime les MI-SE est-ce une contre-vérité : 40 000 sont maintenus !
L'échec dans le premier cycle universitaire est grave ; il résulte de dysfonctionnements liés à des questions d'orientation. Près de 80 % des bacheliers technologiques échouent au cours du premier cycle universitaire. Je ne souhaite par introduire une sélection à l'entrée de l'enseignement supérieur : je réaffirme nettement que le bac est le ticket d'entrée à l'université.
Cela étant, est-il raisonnable de refuser à 50 % des bacheliers technologiques l'affectation qu'ils demandent en sections de techniciens supérieurs (S.T.S.) ? Il y a là un terrible facteur d'échec. J'ai donc demandé aux recteurs de faire le nécessaire pour donner satisfaction en priorité à ces étudiants, ce qui ne devrait pas être difficile. Chacun sait que les S.T.S. sont encombrés en juin, mais disposent de places en septembre !
Je mets aussi en place – en dehors de la validation des acquis de l'expérience pour les assistants d'éducation – une formation en culture générale. Il ne s'agit pas de leur donner un supplément d'âme, mais d'inviter les professeurs des différentes disciplines à réfléchir aux besoins de leurs étudiants ; les étudiants en médecine par exemple, ont besoin de notions sur l'économie de la santé ce qui n'est pas le cas des étudiants en histoire ou en philosophie. Il faut égaliser quelque peu la situation des étudiants avec celle des élèves des classes préparatoires qui les surpassent, le concours venu, du fait de leur meilleure culture générale. (M. le rapporteur spécial approuve). Ne lançons pas trop tôt les étudiants dans des filières spécialisées !
Deuxième grand axe de ce budget : la recherche universitaire. L'université est le seul lieu de notre système éducatif où les professeurs transmettent et, en même temps, fabriquent le savoir, ce que traduit le statut d'enseignant-chercheur. Pour que cette recherche se développe dans de bonnes conditions, le soutien aux laboratoires universitaires est augmenté de 4,5 %.
J'ai trouvé le dossier L.M.D. – licence, maîtrise, doctorat – dit aussi du « 3-5-8 » dans un triste état… Claude Allègre avait mis en place ce système et je lui en rends hommage mais, depuis le processus de Bologne, rien n'avait été fait pour régler les différends entre grandes écoles et universités, et entre grandes écoles elles-mêmes. A la rentrée 2003, les grandes écoles n'avaient plus le droit de délivrer de master ! En outre, les grandes écoles de commerce et celles d'ingénieurs ne s'accordaient pas sur les procédures d'habilitation : celles-ci bénéficient du concours d'une commission des titres, qui fait autorité, tandis que celles-là ne disposent que d'une commission récente dont la légitimité est beaucoup moins établie. Il fallait accorder les uns et les autres et calmer la polémique, souvent vive, qui les opposait, tout en mettant en place un système d'habilitation qui garantisse le caractère national des diplômes. Nous avons trouvé un principe simple et une solution simple. Le principe est : à diplôme national, évaluation nationale, selon une procédure unique et commune. Cette évaluation est confiée à la mission scientifique universitaire (M.S.U.) rebaptisée mission scientifique, technique et pédagogique (M.S.T.P.). Pour la première fois, les diplômes délivrés par les universités auront un caractère vraiment national. Ce n'était pas le cas auparavant, mon expérience de professeur d'université qui a dû valider D.E.A. et maîtrises, peut faire foi : rien ne garantissait vraiment l'égalité des diplômes ! La procédure était comparable à celle que suivent les constructeurs de voitures qui confient leurs véhicules aux Mines : les critères sont purement formels. Nous aboutirons à une habilitation commune, avec une procédure commune et une commission unique.
Troisième grand axe de cette politique universitaire, la délicate mais importante question de la décentralisation, qui comporte deux volets : la décentralisation dite « fonctionnelle » – c'est-à-dire l'autonomie universitaire – et la décentralisation territoriale, évoquée par certains d'entre vous avec une inquiétude, feinte ou réelle, mais injustifiée.
La décentralisation fonctionnelle exige une réforme modérée, mais importante, des textes en vigueur. Le projet de loi qui sera présenté au Parlement au printemps renforcera l'autonomie des universités dans des domaines qui peuvent sembler techniques, mais qui sont déterminants : assouplissement des quorums dans les conseils d'administration afin de leur permettre de prendre des décisions, délégation de signature des présidents d'université, modification des structures interne et des comités techniques paritaires, mandat des présidents d'université… Enfin nous accorderons à la conférence des présidents d'université l'autonomie qu'elle réclame et à laquelle elle a droit ne serait-ce que pour se conformer à la norme de nos partenaires européens. D'autres mesures encore seront discutées. L'objectif est d'accroître l'autonomie de nos universités – ce qui est indispensable tant dans le cadre de la décentralisation territoriale que par souci d'harmonisation européenne – afin qu'elles puissent défendre toutes leurs chances, entrer dans des réseaux d'excellence avec leurs homologues européennes dans le cadre de projets comme, Erasmus par exemple, et concurrencer ainsi les université américaines.
En ce qui concerne la décentralisation territoriale, le débat n'est pas clos : les régions doivent formuler leurs propositions et ce sera au ministre de décider en fin de parcours. Les propositions des régions tournent autour de deux projets principaux. D'abord mieux associer les collectivités territoriales à l'élaboration des schémas de formation professionnelle jusqu'à la licence ; il n'y a là rien d'inquiétant.
Pas de motif à s'alarmer non plus dans le second dossier intéressant les régions : la vie étudiante. Certaines régions sont intéressées par la gestion des CROUS et du logement étudiant, notamment dans les zones frontalières. S'agissant des personnels A.T.O.S. ou IATOS, le ministère n'est pas particulièrement demandeur.
Si certaines régions sont intéressées et si les personnels en sont d'accord, je n'y serais pas opposé, mais, encore une fois, je ne suis pas spécialement demandeur.
Enfin, en ce qui concerne les I.U.F.M., le ministère et les recteurs doivent reprendre la main. Nous devons avoir le courage d'affirmer que même si la formation universitaire est importante, il faut redresser la barre et faire en sorte que les jeunes professeurs reçoivent une formation véritablement professionnelle. La plupart d'entre eux ne connaissent absolument pas la réalité des établissements ni le public qu'ils vont rencontrer, et il y a un décalage abyssal entre leurs études et la réalité du métier qu'ils vont exercer. C'est pourquoi, dès janvier, nous vous proposerons un certain nombre de réformes importantes en ce domaine. Ce ne sera pas une révolution : il ne s'agit pas de supprimer les I.U.F.M., mais de les engager vigoureusement dans la voie d'une formation plus professionnalisante qu'aujourd'hui. (Applaudisse-ments au centre et à droite.)
M. LE PRÉSIDENT. – Nous allons procéder à l'examen
et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant la
jeunesse, l'éducation nationale et la recherche.
Intégralité du débat sur http://www.senat.fr/cra/s20021128/s20021128H7.html#toc10
Vote de l'amendement 
M. LE PRÉSIDENT. – Amendement n° II-12, présenté
par MM. Arthuis, Marini et Lachenaud au nom de la commission des Finances. Titre
III Jeunesse, éducation nationale et recherche
Titre III 79 812 601 e Réduire ces crédits de 2 000 000 e
M. LACHENAUD, rapporteur spécial. – Merci, monsieur le Ministre, pour les précieuses réponses que vous nous avez apportées et pour les voies d'avenir que vous avez tracées.
Je voulais corriger un lapsus : je n'ai pas dit que la commission avait donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits et pourtant, dans un contexte d'extrême urgence et de recettes revues à la baisse, la commission des Finances a décidé de vous soumettre un amendement pour réduire les crédits affectés à l'enseignement supérieur.
Je vous demande de ne pas tirer sur le pianiste (sourires) de tous côtés de l'hémicycle : j'ai effectivement cosigné un amendement qui va vous être présenté par le président de la commission.
M. RENAR. – Quel malheur !
M. ARTHUIS, président de la commission. – Nous vivons un débat en temps réel et c'est tout à l'honneur du gouvernement d'avoir joué la carte de la transparence.
Lorsque le Conseil des ministres a approuvé le projet de loi de finances pour 2003, c'était sur la base de prévisions qui ont, depuis lors, été révisées. Au nom de l'exigence de sincérité, le gouvernement a proposé hier, au moment du vote de l'article d'équilibre, un amendement prévoyant une réduction des recettes fiscales de 700 millions d'euros.
À partir de là, votre commission se devait de rechercher dans tous les ministères des économies.
...
M. LE PRÉSIDENT. – Voici les résultats du scrutin : Nombre de votants 312 Suffrages exprimés 306 Majorité absolue 154 Pour 180 Contre 126
Le Sénat a adopté.
Intégralité du débat sur http://www.senat.fr/cra/s20021128/s20021128H9.html