Gestion du bâti universitaire : une dérive inquiétante

Publié le 4 septembre 2024
L’entretien et la gestion du patrimoine immobilier par les universités – qu’elles aient la dévolution du patrimoine ou pas – constituent une préoccupation absorbant beaucoup de ressources, financières et humaines. Cela devient un aspect majeur du développement des universités : au détriment de leurs missions premières ?

 

La part de plus en plus grande consacrée aux questions touchant les bâtiments universitaires dans l’administration de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) paraît justifiée compte tenu de l’état majoritairement préoccupant des bâtiments et de la nécessaire prise en compte de leur rénovation énergétique, notamment pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des universités. Mais, d’un côté, se développe tout un ensemble d’injonctions pour que chaque université se saisisse de ces questions et, d’un autre côté, faute d’investissements de l’État à la hauteur des besoins, on voit s’accroître une recherche de financements dont les dérives sont inquiétantes.

DES INJONCTIONS PRESSANTES AU FINANCEMENT HASARDEUX

Les injonctions faites aux universités de se saisir des questions immobilières ne sont pas récentes, mais elles se font plus pressantes. Dans un contexte budgétaire pour le moins tendu, elles apparaissent ainsi dans la partie gouvernance des contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP) des universités pour une part qui peut être importante. Ainsi, l’université de Nantes (EPE), qui consacre 27,6 % du montant obtenu par l’intermédiaire du COMP à l’objectif ministériel « gestion et pilotage », fait de la production des schémas pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) et directeur immobilier et d’aménagement (SDIA) l’un des deux indicateurs de réalisation de cet objectif. L’université de Montpellier (EPE) dédie quant à elle la totalité du contenu de ce même objectif ministériel au déploiement d’un système d’information du patrimoine immobilier, ce qui représente 19,1 % (soit un peu plus de 1,5 million d’euros) du montant du COMP et comporte le financement de quatre emplois sur trois ans.

Cette recherche de financements ne se limite pas aux COMP et, au-delà des contrats de plan État-région (CPER), on voit se développer des instruments financiers divers : intracting et partenariat public-privé (PPP) pour les plus anciens, recours au tiers-financement ou aux sociétés publiques locales universitaires (SPLU) pour les plus récents*. Exception faite de l’intracting, tous présentent un danger pour la sécurité financière des universités, spécialement les deux derniers, qui permettent le recours à l’emprunt. Pourtant, ils font partie des voies dans lesquelles s’engagent les universités, comme l’université d’Aix-Marseille (AMU), qui va expérimenter le tiers-financement dans le cadre de l’acte II de l’autonomie, ou l’université de Rennes (EPE), qui envisage la création d’une SPLU.

UNE MODIFICATION DES RAISONS D’ÊTRE DE L’UNIVERSITÉ

Cela s’accompagne d’un développement important des structures des universités qui s’occupent de l’immobilier. Ainsi, à l’AMU, on compte une direction du développement du patrimoine immobilier, rattachée directement à la direction générale des services et au vice-président en charge du patrimoine, et une direction d’exploitation du patrimoine immobilier et de la logistique Mais on note également un discours sur l’« optimisation du patrimoine », sa « valorisation », oublieux de la fonction des bâtiments universitaires qui est de pouvoir assurer au mieux les missions d’enseignement, de formation et de recherche du service public de l’ESR.

STOPPER UNE ÉVOLUTION DÉLÉTÈRE

Pour le SNESUP-FSU, la gestion de l’immobilier par les universités creuse les inégalités entre elles, les pousse encore davantage sur la voie de la transformation en structures privées. Elle met aussi en danger le financement de la formation et la recherche, fonctions premières du service public de l’ESR. Il est urgent que cette évolution délétère soit stoppée et que l’on revienne à une amélioration et une gestion du bâti universitaire au service de l’ESR, en développant des instruments communs et des financements adaptés.

par Michèle ARTAUD, coresponsable du secteur Service Public