Formation des enseignants : un cas édifiant

Publié le : 15/10/2012


Formation des enseignants : un cas édifiant

par Thierry Astruc, co-responsable du collectif FDE

Les pré-recrutements comme moyen de redonner une
attractivité au métier, tout en permettant aux
étudiants les moins aisés de poursuivre leurs études.

Le SNESUP demande la création d’une allocation
d’autonomie pour tous, sans condition
de ressources en plus du logement étudiant
et de l’accès aux soins. Cette allocation
peut sembler un bond quantitatif important
par rapport à l’existant. Il ne s’agit en réalité
que de rattraper le retard pris. 
L’exemple du cursus Formation des Maîtres est
saisissant. Le MEN est le principal employeur
dans ce cursus, ce qui en fait sa particularité.
À la fin des années 80, il
est décidé la mise en
extinction du corps des instituteurs
au profit de celui
nouvellement créé des professeurs
des écoles. Outre
les aspects carrières (grille
de rémunération, âge de
départ à la retraite…), le
concours avait lieu désormais
à BAC+4, avec un
niveau licence exigé. Cela permettait un alignement
des concours second degré (hors
agrégation) et premier degré. 
Un des prix à payer pour les étudiants concernés
fut le fait que les trois premières années
d’études étaient désormais à leur charge. Ainsi
que l’année de préparation au concours.
Les contre-réformes de 2009 ont encore accentué
ce phénomène. La 5e année, qui correspond
maintenant à la deuxième année de
master est à la charge financière des étudiants.
La démocratisation de l’accès à la Formation
des Maîtres est en net recul. Cela se
constate depuis 2 ans dans les universités.
La lisibilité des cursus a depuis, en effet, complètement
disparu. Entre réformes permanentes
et grandes annonces, il est quasiment
impossible à un bachelier et à sa famille de
connaître la meilleure voie pour atteindre les
concours. Beaucoup se sont découragés et ont
opté pour une meilleure « sécurité » en choisissant
un autre parcours, souvent plus court.
Même les professionnels (enseignants,
conseillers d’orientation, etc.) s’y perdent. Et
il vaudrait mieux éviter que ces futurs bacheliers
demandent à un de nos étudiants en
master.  L’exemple de cette année est emblématique. 
Les étudiants entrant en septembre dernier
dans un des masters enseignement ont attaqué
l’année dans un master calibré pour un
concours en plein milieu avec des épreuves disciplinaires. Début octobre, ils ont appris que
les écrits de leur concours seraient avancés en
juin, avec une alternance non prévue dans les
maquettes à hauteur probablement d’un tiers
de service payé un peu moins de 800 € par
mois (contractuel). 
La crise des viviers est présente. La FSU,
comme le candidat/président Hollande, a une
réponse : les pré-recrutements (1). Ils redonnent
pour tous une attractivité pour ce cursus, tant
du point de vue pécuniaire
que du simple point de vue
des carrières, notamment
en termes d’annuités de
retraite. Ils permettent aux
étudiants les moins aisés de
poursuivre leurs études.
Nul ne peut ignorer que
l’apprentissage du métier
d’enseignant, qui est avant
tout un concepteur, est
long. Trois années de pré-professionnalisation
et deux années de master ne sauraient y suffire.
Et pourtant, à l’issue du master, les nouveaux
enseignants seront devant une classe en
responsabilité. Dès lors, même en dehors de
la préparation aux concours, le programme de
ces masters est particulièrement copieux. Il
devrait comprendre un travail autour de la
recherche (en éducation et disciplinaire) en
plus de stages, longs, sur le terrain et d’un
mémoire à soutenir. La comparaison avec la
situation d’avant 2009 incite à penser qu’aucun
étudiant salarié ne pourra tout mener de front.
Ces situations existent dans les autres cursus.
Mais l’État, futur employeur d’une grande partie
de ces étudiants, a une responsabilité
encore plus grande du fait de cette mission de
service public. Et la démocratisation de l’accès
aux métiers d’enseignant est un des meilleurs
moyens d’aller vers plus de mixité sociale. 
1. Il n’est pas sûr que le candidat Hollande
accorde au mot la même signification que nous.