Evaluation des enseignants-chercheurs : non à une évaluation punitive, pour une évaluation formative

Publié le 9 février 2010

EVALUATION DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS : NON A UNE EVALUATION PUNITIVE, POUR UNE EVALUATION FORMATIVE

Positions du SNESUP sur l'évaluation

Le SNESUP rappelle que les enseignants-chercheurs sont soumis tout au long de leur carrière à des évaluations régulières et déterminantes. Ils ne sauraient donc être suspectés de vouloir s'y soustraire. Le SNESUP, en particulier, a toujours pris ses responsabilités au CNU afin de promouvoir une évaluation par des pairs, respectueuse de la variété des carrières et de la liberté scientifique des collègues. Le SNESUP reconnaît la légitimité d'évaluer les missions effectuées par les enseignants-chercheurs. Cette évaluation doit aider sur un temps long les collègues alors que le contexte d'exercice de leurs missions est particulièrement difficile.

Nous récusons la logique promue par le gouvernement d'évaluation-couperet, délétère, produisant des effets durables, voire irréversibles. Depuis 2007, la loi LRU et les décrets d'application qui en découlent, en particulier le décret statutaire et le décret CNU qui instaurent l'évaluation quadriennale des enseignants-chercheurs, sont source d'effets nocifs. Dans un contexte de suppressions massives d'emplois dans la Fonction Publique et d'un manque criant de postes d'enseignants-chercheurs, fonctionnaires d'Etat, dans les universités Parmi ceux-ci, les collègues dont l'évaluation serait défavorable pourraient être interdits de promotion et de primes, voir leur service modulé à la hausse ou encore être sanctionnés dans le cadre de la loi mobilité et de la Révision Générale des Politiques Publiques.

La mobilisation de l'an dernier a permis de réaffirmer le CNU comme seule instance légitime d'évaluation des enseignants-chercheurs. Le SNESUP appelle le CNU à s'opposer à une évaluation quantitative et à être pour les collègues un rempart à l'application de la modulation des services et à toute forme de sanction.

Ce texte a pour objet de rappeler d'une part les revendications du SNESUP concernant l'évaluation, tant ce terme peut recouvrir de multiples définitions et facettes, et d'autre part les principes en dehors desquels le SNESUP refuse qu'une évaluation soit faite.(1)

Dans le cadre du service public de l'enseignement supérieur et la recherche, l'évaluation doit être au service des objectifs suivants : aider les collègues dans l'exercice de leurs missions de formation, de recherche, et plus généralement dans toutes les facettes du métier d'enseignant-chercheur, leur permettre de bénéficier de promotions et de surmonter leurs difficultés. La conséquence de ce suivi doit être l'amélioration des dispositifs de formation (mise en place d'un dispositif de formation pédagogique initiale et continue pour les enseignants-chercheurs, passant notamment par le prolongement du rôle des anciens CIES et l'appel aux compétences des IUFM, etc.), l'amélioration des conditions d'exercice de la recherche, notamment par attribution d'un volant de congés de recherche et conversions thématiques systématique, la prise en compte réelle des diverses tâches collectives (y compris électives), etc. Cela doit amener à « contraindre » les établissements à fournir les conditions structurelles, matérielles et humaines permettant l'exercice du métier selon toutes ses facettes.

Quelques principes sont intangibles :

1) Un rapport d'activité périodique, établi par chaque enseignant-chercheur, doit permettre de faire le point sur toutes ses activités et constituer la pièce de référence pour l'évaluation effectuée par le CNU. Ce rapport, visé collégialement dans les instances de l'établissement, devrait confirmer que, dans leur immense majorité, les enseignants-chercheurs accomplissent leurs missions en fonction des moyens et du contexte dans lequel ils travaillent. Les sections du CNU seraient ainsi amenées à se saisir des situations collectives et individuelles réellement délicates avec, au besoin, une discussion contradictoire entre l'enseignant-chercheur évalué et le CNU.

2)Un travail commun fructueux doit pouvoir s'opérer entre CNU et CoNRS, les deux seules instances légitimes (pairs, élus, parité, etc.) pour l'évaluation des enseignants-chercheurs et chercheurs.

3) Si chaque section établit ses éléments d'appréciation selon les spécificités de chaque discipline, ces éléments doivent être rendus publics, et on doit pouvoir se mettre d'accord sur un certain nombre de règles communes (s'abstenir de critères réducteurs et normatifs, pas de bibliométrie par exemple) pour avoir une proposition commune de l'ensemble du CNU. Le CNU doit dissocier session de promotions et session d'évaluation. Le classement en A, B, C préconisé par le ministère pour les promotions, et usité également pour les primes, est une mesure contestable car elle transforme des opérations de gestion de carrières en concours. Le SNESUP refuse totalement les classements en ce qui concerne l'évaluation périodique car de tels classements seraient contradictoires avec les objectifs de l'évaluation tels qu'affirmés plus haut. Les conclusions de l'évaluation d'un enseignant-chercheur devraient allier reconnaissance des activités effectuées pour accomplir ses missions, et recommandations adressées à la fois à l'intéressé et à l'établissement dans lequel il exerce.

  • L'évaluation individuelle ne peut se faire en dehors du contexte d'exercice du métier. D'où l'importance de l'évaluation en amont des structures de recherche et de formation de l'établissement. En l'état actuel des choses, cette évaluation amont est réalisée par l'AERES que le SNESUP récuse comme instance pour une telle activité. Il exige son remplacement par une instance dont la composition et le fonctionnement soient reconnus par la communauté universitaire. Rappelons que l'AERES est dans l'illégalité lorsqu'elle évalue des enseignants-chercheurs ou des équipes de recherche (2). L'appréciation collégiale par l'établissement de l'investissement collectif et pédagogique d'un collègue doit être prise en compte selon des modalités à préciser.

  • Si le suivi et l'évaluation récurrente sont mis en place, ils ne peuvent être menés à bien que par une instance nationale, collégiale, paritaire, composée majoritairement d'élus. A l'heure actuelle seul le CNU répond à ces exigences et nous nous prononçons pour lui confirmer cette mission. Il doit déterminer de manière autonome les documents (et sous quelle forme) nécessaires (aussi bien de la part des collègues que des établissements ou d'autres instances intervenant dans l'évaluation). L'activité des enseignants-chercheurs n'est pas réductible à des chiffres et les grilles d'évaluation prétendument « objectives » sous forme de chiffres ou lettres sont à proscrire.

  • Modalités :

Le SNESUP demande à tous les collègues, à tous les syndiqués et à tous les élus du CNU ainsi qu'à la CPCNU d'exiger un moratoire jusqu'à la fin du présent mandat du CNU afin de mettre en place les conditions favorables de cette évaluation selon les principes énoncés ci-dessus.

Le SNESUP continue d'exiger une revalorisation salariale et des conditions de travail décentes pour tous les enseignants-chercheurs, seuls moyens équitables de répondre à la perte de pouvoir d'achat des universitaires, et que l'accomplissement d'heures complémentaires ou l'obtention de primes ne sauraient remplacer. La satisfaction de cette exigence ne peut en aucun cas être liée à la question de l'évaluation.

Texte adopté par la Commission Administrative Nationale du 28 janvier par 26 pour - 7 abstentions

 

1. Nous ne parlerons ici que de l'évaluation récurrente quadriennale et à chaque demande de promotion telle que prévue dans le décret statutaire.
2. http://www.aeres-evaluation.fr/Missions