Et la science, dans tout ça ?

Publié le : 21/04/2012


Et la science, dans tout ça ?

Par Gaêl Mahé, secrétaire de la section SNESUP de Paris 5

Censés viser l'excellence scientifique, les Idex ont un contenu scientifique bien pauvre et l'excellence se réduit à un slogan creux justifiant une opération de « new public management ». Étude de cas : l'Idex « Université Sorbonne Paris Cité ».

Pourquoi fusionner quatre universités et quatre grands établissements ? Selon une récente note du bureau du PRES Sorbonne Paris Cité(1), loin d'un effet d'aubaine lié aux Idex, il s'agirait de se regrouper pour tout faire en mieux : « des formations plus riches », « innovantes et attrayantes » ; « des recherches plus ambitieuses, pluridisciplinaires » ; « des services plus performants en soutien à la recherche ou à l'enseignement ».
Pourtant, à la lecture du dossier d'Idex(2), le principal argument scientifique de la fusion est, en substance : nous fusionnons pour rompre avec l'actuelle « fragmentation de l'excellence » (sic) ; en additionnant les indicateurs d'excellence de nos huit établissements, nous sommes les meilleurs du monde (ou presque). Puissant. Et le dossier de lister les indicateurs témoins de « l'excellence » du futur ensemble : 106 unités A+, 37 bénéficiaires de bourses de l'European Reasearch Council (ERC) dans les quatre dernières années, 2e rang pour le nombre de membres de l'IUF, 3e rang pour le nombre de médailles d'or et d'argent du CNRS, 23 des 166 chercheurs français les plus cités... Ainsi, nous serions 43e au classement de Shanghai. Tout est dit.
On aurait pu fusionner pour amplifier des synergies existantes en enseignement et en recherche... En réalité, côté enseignement, le projet vise essentiellement à « rationaliser » l'offre de masters (supprimer les doublons et les cours de sanscrit pour six étudiants). Quant à la recherche, les quelques collaborations existantes exhibées (comme l'indispensable département d'études bibliométriques) maquillent mal le caractère artificiel du regroupement.
On ne parle naturellement pas des vraies collaborations qui existent déjà depuis longtemps avec des établissements des autres PRES, menacées depuis que nous sommes « concurrents » : écoles doctorales communes, labos communs, cohabilitations de masters... La « valeur ajouté » de la fusion est plus proclaméeque démontrée. À côté d'un exemple convaincant comme la bio-informatique qui nécessite des moyens importants et donc une mutualisation (mais cela justifie-t-il toute la fusion ?), on peine à comprendre en quoi la fusion dépasse la juxtaposition de structures sur le papier. Nulle part le document n'explique en quoi la fusion des structures serait plus que leur somme. Comme le rappelle Alain Trautmann dans une lettre ouverte au président de Paris Descartes(3), « les universités mastodontes existent aux USA, mais ne sont jamais les universités les plus réputées, lesquelles ont rarement plus que 10 à 30 000 étudiants. »
Le projet scientifique n'est pas défini en termes de contenu (à part l'addition de ce qui existe déjà), mais essentiellement en termes de niveau à atteindre, celui de « l'excellence ». Ce qui se traduit par une politique de concentration des moyens vers les « excellents » et d'exclusion des autres : redéploiement des ressources financières et humaines vers les structures « excellentes », meilleurs salaires pour les chercheurs « excellents » et meilleures conditions
d'études pour les étudiants « excellents ». Misant sur ce qui est déjà bien reconnu et bien financé, l'Idex est un placement à rentabilité assurée, à l'opposé d'une politique de recherche, qui suppose une prise de risque. « L'ambition majeure du projet d'Idex-SPC est de montrer comment transformer la nature et la structure du système français d'enseignement supérieur et de recherche ». Cette annonce du dossier résume bien la véritable nature de l'Idex. Il ne s'agit pas d'un projet scientifique, mais d'un projet de « new public management », visant à gérer la pénurie de moyens et à soumettre l'activité scientifique
et pédagogique à une nouvelle bureaucratie, peuplée de managers, d'évaluateurs, d'auditeurs et de communicants.

1. Note du bureau de Sorbonne Paris Cité, « Premières propositions d'organisation pour la construction de l'université Sorbonne Paris Cité »,23 mars 2012 : www.sauvonsluniversite.com/ spip.php?article5438
2. www.sciencespo.fr/sites/default/files/asset/USPCfiche-b_150212.pdf
3. http://sauvonslarecherche.fr/spip.php?article3649