Education Nationale : La loi Peillon, une loi de rupture ?

Publié le 15 octobre 2013

ÉDUCATION NATIONALE La loi Peillon, une loi de rupture ?

par Michel Fouquet, SNEP et FSU

La loi dite de « refondation » affichait la volonté d’une rupture avec les années Sarkozy notamment au niveau de l’Éducation nationale. Quel premier bilan peut-on tirer ?

La « loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République » a été votée le 8 juillet 2013. Une rupture avec les politiques éducatives Darcos/ Chatel/Sarkozy avait été annoncée dans les campagnes électorales et était attendue par les personnels et les usagers. Aujourd’hui, quel bilan la FSU et ses syndicats peuvent- ils faire cette loi ? Quelle ambition traduit- elle et comment se met-elle en oeuvre ? 

La programmation des moyens, le verre à moitié vide ou à moitié plein 


Une rupture incontestable réside dans la présence d’un volet « programmation ». Après les dizaines de milliers de suppressions de postes dans l’EN, l’annonce de la création de 60 000 emplois sur le quinquennat témoigne d’un changement de cap évident. Le détail de ces créations, dans le rapport annexé à la loi, traduit les grandes orientations de la politique éducative du nouveau pouvoir : formation des personnels (27 000), enseignants du premier degré (14 000), du second degré (7 000), accompagnement des élèves en situation de handicap, CPE, personnels administratifs, de vie scolaire, médico-sociaux (6 000). Sont également programmés 5 000 emplois pour l’ESR et 1 000 pour l’enseignement agricole. C’est bien un virage à 180° qui est effectué, même si ces 60 000 créations ne compenseront pas les plus de 80 000 suppressions des années précédentes, d’autant que l’évolution de la démographie scolaire crée des besoins supplémentaires importants. Et donc, 60 000 créations, c’est à la fois énorme dans des budgets très contraints, et bien peu au regard des besoins très importants pour « refonder l’école de la République ». 

La formation des enseignants, pivot ou tendon d’Achille ? 


Pour ce qui est du versant « orientation » de la loi, certains choix méritent d’être salués. Celui de refonder la formation initiale et continue des enseignants, notamment, qui aurait dû être le pivot de la refondation. Or, à vouloir à tout prix ouvrir les ESPE dès la rentrée 2013, alors qu’il était évident que les délais étaient bien trop serrés pour le faire dans de bonnes conditions, les ministres de l’EN et de l’ESR font courir le risque de gâcher l’opportunité d’une réforme qui aurait dû être le symbole de cette nouvelle politique éducative. La situation, un mois après la rentrée scolaire, reste très problématique sur de nombreux aspects, et ce sont une nouvelle fois les jeunes – élèves, étudiants, stagiaires – qui essuient les plâtres d’une réforme mal préparée et mal engagée, et les personnels qui s’efforcent de colmater les brèches… On avait espéré une autre situation, avec notamment une formation « intégrée et repensée » et pas diminuée, avec aussi des prérecrutements réels en lieu et place du pis-aller que représentent les EAP (Emplois d’avenir professeur) ! 

La priorité à l’école primaire, mal engagée avec la réforme de la semaine scolaire 


Donner la priorité à l’école primaire est un choix pertinent, car on ne construit bien que sur des fondations solides, et on ne peut espérer améliorer les résultats de notre système éducatif sans donner à l’enseignement du premier degré les moyens de faire accéder tous les élèves au niveau attendu en fin de CM2. Les programmes de 2008 vont être revus, à la demande générale ; on va mieux scolariser avant 3 ans, et d’abord en éducation prioritaire ; on va expérimenter « plus de maîtres que de classes ». Tant mieux ! Mais cela doit concerner le plus grand nombre, et par ailleurs, l’actualité de cette rentrée, c’est la réforme de la semaine scolaire qui est en train de passer complètement à côté de ses objectifs, malgré le volontarisme du ministre. 

Socle, culture, programmes : quelle ambition démocratique ?

 
Sur le plan des contenus, la rupture est pour l’heure sémantique, le « socle commun » étant devenu « de connaissances, de compétences et de culture ». Le Conseil supérieur des programmes nouvellement nommé sera chargé de formuler des propositions sur la conception des enseignements, sur le contenu du socle, sur les programmes et leur articulation avec les cycles. Ce CSP aura-t-il le pouvoir et la volonté de penser ce socle – le mot est dans la loi, travaillons sur son sens – autrement que celui de la loi Fillon ? D’en faire un outil de culture et d’émancipation de tous les élèves, s’appuyant sur des programmes ambitieux pour tous, ce qui ne signifie pas plus chargés, mais sans doute mieux pensés, mieux articulés entre eux ? La composition du CSP, ses premières prises de position, seront déterminantes et éclairantes. D’autres éléments de la loi seront jugés sur les mises en oeuvre : le service public du numérique, celui de l’orientation, la gestion de la carte des formations, les chantiers collège, lycées, éducation prioritaire… La loi votée n’est en fait qu’une étape, et il reste beaucoup à faire. Avec la FSU, nous nous y emploierons. ?