Du Sommet mondial des Universités au Sommet du G8 de Deauville : déclaration commune du SNESUP et du SNCS

Publié le : 26/05/2011

Du Sommet mondial des Universités au Sommet du G8 de Deauville
Déclaration commune du SNESUP et du SNCS

Cette année, le 4ème G8-G20 des universités (1) (volet éducation et recherche du G8 qui
se tient à Deauville ces 26 et 27 mai et du G20 qui aura lieu à Cannes en novembre 2011)
devait se dérouler en Bourgogne et Franche-Comté. La Conférence des présidents d’universités (CPU),
en lien étroit avec le Pôle de recherche et d’enseignement supérieur local, l’avait organisé
en le déclinant en deux temps : un Sommet des étudiants (Université de Franche-Comté, Besançon,
du 28 au 30 avril) et un Sommet des recteurs et présidents, censé se dérouler à l’Université
de Bourgogne, à Dijon, du 5 au 7 mai.

Pour des raisons de sécurité, les autorités ont décidé quelques jours avant, que l’accueil
des délégations étrangères était risqué à Dijon et ont décidé de reporter ou déplacer
le Sommet des présidents et recteurs. Sans plus de précision. Celui des étudiants s’est
tout de même tenu, à Besançon, protégé par un impressionnant service de sécurité.

Pendant plus de deux semaines, le Sommet des présidents et recteurs avait disparu,
sans laisser d’adresse …. Grâces soient rendues aux princes qui nous gouvernent : nous venons
d’apprendre que, « grâce à la volonté du Président de la République, avec l’aide
et l’engagement de la Ministre, de son Cabinet et de ses services, le Sommet
des présidents, recteurs et vice-chanceliers des universités a pu se tenir à Paris,
aux dates qui étaient prévues, dans les lieux prestigieux du Collège de France,
de la Sorbonne et du Muséum National d’Histoire Naturelle » (2)

Ce Sommet s’est conclu par une déclaration, solennellement adoptée en Sorbonne,
de 32 présidents, recteurs et vice-chanceliers d’universités issus de 21 pays (3), à la liste
desquels manquaient le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie
et quelques autres. Cette déclaration a été communiquée par la CPU aux Chefs d'Etat
et de gouvernement (4).

Tout en ne consacrant pas un seul mot aux organismes de recherche, pourtant acteurs essentiels
dans de nombreux pays, elle « rappelle le rôle central des universités dans la Société
de la connaissance et leur responsabilité dans les champs éthique, moral
et de solidarité », Elle réaffirme l’éducation comme bien public, ce qui est bien la moindre
des choses. De plus, un indice encourageant est donné par l’absence des termes de compétition
et de concurrence, par l’emploi répété de celui de coopération, et par une apparition modérée
de celui d’excellence. Cela signifie-t-il que nous allons revenir sur la stratégie de Lisbonne,
lancée en 2000, et sur celle qui lui fait suite, dénommée Europe 2020, qui reposent sur la
construction en cours d’un marché de la connaissance basé sur des compétences et des savoirs
directement exploitables et sur le postulat généralisé de la concurrence?

Mais nous nous inquiétons quand nous lisons dans la 1ere recommandation de la déclaration,
« Networks & cooperation, que les universités « doivent travailler en partenariat avec
toutes les parties prenantes : gouvernements nationaux, autorités locales,
industrie et société civile. (…) dont l’investissement dans le coeur des missions
des université est crucial
. »

La 2ème recommandation, « International mobility of students and research fellows»
reste bien floue. S’agit-il de parcours erratiques à travers le monde de postes précaires
en postes précaires ? Ou bien s'agit il d’une mobilité choisie, entre organisations, entre pays…
pour un enrichissement de toutes et tous, et pour l’avancement des connaissances ? Des moyens
financiers conséquents et des statuts pérennes, gages d’une mobilité choisie, sont-ils envisagés ?
L’exemple d’Erasmus montre que les jeunes de milieu populaire sont pénalisés dans leurs possibilités
d’étudier à l’étranger. Et comment se lancer dans des projets scientifiques audacieux quand on doit
en permanence chercher le contrat suivant ?

Quant à la 3ème recommandation, « Virtual networks and distance cooperation », elle nous réjouit
en ce qu’elle renforce nos initiatives en matière de formations à distance, de coopérations et
de travail en réseaux que nos équipes et laboratoires ont engagé depuis plus d’une dizaine d’années
dans différents cadres (5), mais nous inquiète dans le même temps : quid des risques de confiscation
des accès aux contenus et de leur contrôle par des opérateurs privés, ainsi que de la menace
d’une substitution aux enseignements présentiels ? quid de la tentation de faire disparaître
des domaines de connaissance au prétexte du péché de fragmentation et de poésie quand
les « universities are required to structure areas of sciences and technologies
that are currently undergoing fragmentation so that knowledge can be effectively
applied to various problems of the real world ? »
.

Malgré la fuite du Sommet mondial des universités qui n'a pas facilité la mobilisation
des organisations nationales ou internationales, et sans l’aide d’aucune autorité,
un Contre G8 s’est tenu à l'Université de Dijon et a rassemblé environ 200 participants
sur 3 jours, pour débattre dans différents ateliers de l’enseignement et de la recherche
que nous voulons.

  • Nous y avons dénoncé la marchandisation planifiée de l'éducation, de la recherche et
    de la culture et réaffirmé notre détermination à lutter pour une éducation émancipatrice
    tout au long de la vie, et pour une recherche indépendante au service de tou-te-s.
    Nous avons réitéré notre engagement pour :  la permanence d'un enseignement et d'une recherche publics de qualité,
  • le développement des savoirs et des connaissances fondés sur les coopérations,
    la non-mise en compétition, et le rejet d'une vision managériale de « l'excellence »,
  •  la "débureaucratisation" du fonctionnement de nos institutions (6) et le respect du contrat
    que nous avons passé avec la fonction publique en la choisissant comme cadre de
    nos activités professionnelles,
    -
  • la collégialité, la démocratie et la représentativité des assemblées,
  •  le respect et la solidarité entre les domaines de la connaissance et de leurs acteurs,
    respect et solidarité garants de la créativité, de la diversité et de la richesse intellectuelle
    de la communauté éducative,
  • une pédagogie permettant aux étudiant-e-s de participer activement à la construction de leurs
    savoirs et à leur réussite dans des cursus diversifiés, la stabilité de l'emploi statutaire,
    contre toute forme de précarité y compris la mobilité contrainte, et à des conditions de travail
    décentes et respectueuses de la dignité des personnes,
  • la liberté pour tou-te-s d'étudier et de travailler partout dans le monde, dans le respect
    du principe de la libre circulation des personnes.

Des engagements ont été pris pour dénoncer la marchandisation de l'éducation et de la recherche,
et travailler à la convergence des luttes, interprofessionnelles et transnationales et promouvoir
les initiatives visant à construire une autre société, démocratique, juste et égalitaire.

Le contre-sommet n’a pas eu peur de se montrer à visage découvert. L’avenir n’appartient pas
à ceux qui se cachent pour organiser l’université, mais à ceux qui veulent ouvrir
ses portes à tous et au monde entier !
(1) http://www.university-summit2011.org/commun.php?langue=FR
(2) Lettre spéciale sommet mondial des universités - 23 mai 2011 –
n°70 http://www.cpu.fr/Besancon_Dijon_2011.1249.0.html
(3) Le site de la CPU annonce 40 délégations S’y ajoute un membre du bureau de l’association
européenne des universités, regroupant les Présidents et les Recteurs des universités d’Europe.
A côté de participants de pays dits développés, se trouvaient des présidents ou recteur d’Afrique
du Sud, Egypte, Turquie,Viêt-Nam, Colombie, Bénin.
(4) http://www.cpu.fr/Besancon_Dijon_2011.1249.0.html

(5) Avec, parmi d’autres, l’UNESCO (une des recommandations du Cadre d'action de Dakar (avril 2000),
l’Agence universitaire de la francophonie (Campus numériques, formations à distance),
le Fonds de solidarité prioritaire du ministère français des Affaires étrangères SIST lancé en 2003
(http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/sist.pdf) …
(6) http://www.sncs.fr/IMG/pdf/CSN2011_Structure.pdf: « Il convient donc d’abord de mettre un terme
à la politique technocratique et de supprimer les multiples instances entièrement nommées qui ont
été mises en place comme instruments de pouvoir pour contourner l’expression démocratique
de la communauté scientifique. Il s’agit aussi de limiter au minimum le temps incroyable perdu
pour répondre à une multitude d'appels d'offre en raison de l’insuffisance des crédits de base.
Une nouvelle politique incitative forte devra être menée pour simplifier le système en favorisant
la coopération directe entre équipes, laboratoires et établissements. »

Paris, le 25 mai 2011

Courriel : international@snesup.fr