Loi de rénovation du dialogue social (2010)

Publié le : 21/10/2010

Loi de rénovation du dialogue social

par Philippe ENCLOS

 

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La loi n°2010-751 du 5 juillet 2010 de rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique

 

Avertissement : ce texte ne vise pas à l'exhaustivité et se borne à présenter les principales nouvelles règles « à plat » ; par souci de simplification, il n'indique pas, quand elles existent, les positions déjà arrêtées de la FSU ni ne préjuge de la teneur du débat qu'il s'agit de lancer. Les informations et précisions nécessaires pourront être présentées en réunion.

 

Rappel historique

Une loi du 23 décembre 1946, abrogeant la « charte de Vichy », rétablit le principe adopté par une loi du 24 juin 1936 qui limitait aux seules organisations syndicales (OS) les plus représentatives la possibilité de signer des conventions collectives.
Ce fut une « décision » gouvernementale du 8 avril 1948 qui dressa pour la première fois, dans le cadre du droit instauré par l'Organisation Internationale du Travail, une liste d'OS habilitées à cet effet : CGT, CGT-FO, CFE-CGC et CFTC. Puis un arrêté du 31 mars 1966 y ajouta la CFDT, créée deux ans auparavant par scission de la CFTC. Enfin, dans une série d'arrêts du 7 juillet 1983, la chambre sociale de la Cour de cassation jugea que ces textes instituaient une véritable présomption irréfragable de représentativité (PIR) au profit de ces OS, dont bénéficiaient de plein droit toutes celles leur étant affiliées ou s'y affiliant. Cette jurisprudence, aussitôt entérinée par les OS concernées, la doctrine administrative et la quasi-totalité des spécialistes, notamment universitaires, interdisait aux employeurs de contester la représentativité de ces OS lorsqu'elles désignaient des délégués syndicaux ou présentaient des candidats aux élections des représentants du personnel. Accessoirement, elle incitait les éventuelles nouvelles OS à s'affilier à ces confédérations.

A partir des années 1990, CGT et CFDT commencèrent à exprimer le souhait d'ouvrir avec le patronat des négociations afin de modifier les règles de représentativité des OS (dans le secteur privé), afin, principalement, de préserver leur position dominante face à l'essor de nouveaux syndicats tantôt ayant quitté des OS présumées représentatives, tantôt se posant comme autonomes (G10 devenu ensuite Solidaires ! et UNSA dans une moindre mesure).
De leur côté, ces derniers, ne bénéficiant pas de la présomption édictée en 1948/1966, devaient mener bataille, y compris devant les juridictions, pour faire reconnaître leur représentativité (parfois avec succès, notamment dans le cas de Solidaires !).
Les négociations en question furent finalement ouvertes, et aboutirent à un accord que le législateur transcrivit dans la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale (et réforme du temps de travail), applicable au seul secteur privé, qui, pour l'essentiel, supprima la présomption réglementaire de représentativité et modifia très sensiblement les critères de représentativité syndicale posés par une loi n° 50-205 du 11 février 1950 relative à la négociation collective.

Dans le secteur public, les premières dispositions législatives en matière de représentativité des OS furent posées dans le cadre de la reconnaissance du droit syndical aux fonctionnaires d'État par la loi n° 46-2294 du 19 octobre 1946, et non, comme dans le secteur privé, dans celui de la négociation collective, puisque la nature non contractuelle mais statutaire de la relation de travail dans la FP faisait obstacle à la conclusion d'accords collectifs.
Ce fut principalement pour permettre de déterminer quelles OS pouvaient présenter des candidats aux élections des représentants du personnel que la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 posa une présomption irréfragable de représentativité au profit des OS disposant d'au moins un siège dans les Conseils supérieurs de la fonction publique institués par cette même loi (ainsi qu'aux OS y affiliées et s'y affiliant).
Toutefois, la répartition des sièges dans ces instances était confiée au ministre en charge de la fonction publique, au regard des scores électoraux obtenus par les OS aux élections professionnelles, sous le contrôle du juge de l'administration ; les OS écartées devaient alors, pour tenter d'obtenir de siéger dans ces Conseils supérieurs, déférer en annulation au Conseil d'État les arrêtés de répartition des sièges.

Le gouvernement issu des législatives de 2007, sous l'impulsion du nouveau président de la République, incita alors les OS représentatives de la fonction publique à s'engager dans une concertation tendant à transposer au secteur public les nouveaux principes adoptés le 20 août 2008 dans le secteur privé.
Cette concertation aboutit à l'« accord de Bercy » du 2 juin 2008 (intitulé officiel : « relevé de conclusions relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique »), signé d'une part par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publiques Eric Woerth et le secrétaire d'État chargé de la fonction publique André Santini, et, d'autre part, par l'UGFF-CGT, l'UFFP-CFDT, l'UFF-UNSA, l'US Solidaires FP, l'UFCFP CFE-CGC et la FSU.

Il aura fallu attendre deux ans pour que cet accord fasse l'objet d'une transcription législative : c'est la loi 2010-751 du 5 juillet 2010.
Pour l'essentiel, cette loi modifie profondément trois groupes de dispositions législatives :
1. les critères de représentativité des OS dans la FP, notamment en abrogeant « l'amendement Perben », à savoir l'article 9bis introduit dans la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 par l'article 94-I de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 lequel transposait au secteur public le principe de la présomption de représentativité ;
2. les modalités de la représentation collective des agents publics, notamment en supprimant le paritarisme dans les comités techniques ;
3. le champ de la négociation collective dans la FP, jusqu'alors restreint à la seule question de la rémunération et du pouvoir d'achat, qu'elle étend à de nouveaux domaines, et soumet, à l'instar du secteur privé, au principe de l'accord majoritaire.

 

I. Les nouveaux critères de représentativité syndicale dans la fonction publique

L'une des difficultés techniques présentées par le droit syndical dans la FP tient à ce que ses sources se répartissent à la fois dans le code du travail et dans le statut des fonctionnaires.
Il faut, en outre, distinguer deux degrés de représentativité :

  • la représentativité syndicale, à savoir le fait pour une organisation d'être reconnue en tant qu'organisation syndicale au sens du droit du travail (1) ;
  • la représentativité syndicale électorale, à savoir le fait pour une organisation syndicale d'être reconnue comme suffisamment représentative pour présenter des candidats aux élections professionnelles.

A. Représentativité syndicale

 

Les critères généraux de représentativité syndicale inscrits au code du travail sont applicables aux OS de la FP.
Depuis la loi du 20 août 2008, leur liste s'établit ainsi (art. L 2121-1 code du travail) :

  • « 1° Le respect des valeurs républicaines ;
  • 2° L'indépendance ;
  • 3° La transparence financière ;
  • 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ;
  • 5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L 2122-1, L 2122-5, L 2122-6 et L 2122-9 du code du travail ;
  • 6° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ;
  • 7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations ».

Ces critères sont désormais cumulatifs : il suffit qu'un seul ne soit pas rempli pour qu'une organisation ne soit pas considérée comme syndicale.

B. Représentativité syndicale électorale

 

Dans la FP, la loi 2010-751 du 5 juillet 2010 a supprimé « l'amendement Perben » en adoptant une nouvelle rédaction de l'article 9bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 :

« Peuvent se présenter aux élections professionnelles : 

  • 1° Les organisations syndicales de fonctionnaires qui, dans la fonction publique où est organisée l'élection, sont légalement constituées depuis au moins deux ans à compter de la date de dépôt légal des statuts et satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance ; 
  • 2° Les organisations syndicales de fonctionnaires affiliées à une union de syndicats de fonctionnaires qui remplit les conditions mentionnées au 1° ».

Il convient d'ajouter à ces critères celui de la transparence financière, les dispositions afférentes de la loi du 20 août 2008 s'appliquant à la totalité des OS.
On peut déduire de ces nouvelles règles que les critères 6 et 7 posés par le code du travail ne sont pas exigés des OS de la FP pour se présenter aux élections professionnelles (mais il est prudent d'attendre l'avis du Conseil d'État).

II. Les nouvelles modalités de la représentation collective des agents publics

La loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 ne modifie pas le principe posé par l'article 9 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 :

  • « Les fonctionnaires participent par l'intermédiaire de leurs délégués siégeant dans des organismes consultatifs à l'organisation et au fonctionnement des services publics, à l'élaboration des règles statutaires et à l'examen des décisions individuelles relatives à leur carrière ».

En revanche, elle modifie sensiblement la nature et l'architecture de certains organismes consultatifs, hormis les Commissions Administratives Paritaires qui continuent d'être soumises, pour l'essentiel, aux règles antérieures (à noter toutefois la préparation actuelle d'un décret par le ministère de la FP).

Au niveau national, les trois Conseils supérieurs sont conservés mais ceux de la FPE et de la FPH cessent d'être paritaires (c'est déjà le cas dans la FPT), et le ministère prévoit de modifier le nombre de sièges réservés aux représentants du personnel par voie de décret afin de prendre en compte la suppression de « l'amendement Perben » : du nombre de sièges dépend, en effet, la possibilité pour les OS les moins représentatives au plan électoral d'entrer dans ces Conseils.

Par ailleurs, un Conseil Commun de la Fonction Publique (CCFP) est institué, dont la composition et le fonctionnement feront également l'objet d'un décret : la question du nombre de sièges des représentants du personnel est également en discussion avec les OS.

Au niveau local, la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 transforme les Comités Techniques Paritaires (CTP) à plusieurs égards :

  • ouverture du droit de présenter des candidats à toutes les OS qualifiées conformément au nouvel article 9bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 (voir supra) ;
  • suppression du paritarisme, les CTP se trouvant remplacés par des Comités Techniques (CT) ;
  • modification des niveaux auxquels des CT peuvent être créés : « CT de proximité » et « CT intermédiaires » ;
  • scrutin de listes, et non plus de sigle, pour les CT ministériels et de proximité ;
  • suppression des organismes consultatifs paritaires compétents pour les agents non titulaires, ces derniers étant désormais représentés par les CT (et, bien sûr, participant aux élections professionnelles avec les titulaires).

Le ministère a soumis le 20 juillet dernier aux OS de la FP un projet de décret relatif aux CT qui soulève plusieurs questions difficiles (voir infra IV).

 

III. Les nouvelles règles de la négociation collective dans la fonction publique

La loi 2010-751 du 5 juillet 2010 a modifié la condition requise pour négocier : désormais, seules sont habilitées à participer à la négociation collective les OS « disposant d'au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s'exerce la participation des fonctionnaires et qui sont déterminées en fonction de l'objet et du niveau de la négociation » (nouvel article 8bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983).

Par ailleurs, cette loi ouvre le champ de la négociation collective dans la FP aux domaines suivants :
conditions et à organisation du travail, télétravail,

  • déroulement des carrières et promotion professionnelle,
  • formation professionnelle et continue,
  • action sociale et protection sociale complémentaire,
  • hygiène, sécurité et santé au travail,
  • insertion professionnelle des personnes handicapées,
  • égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Enfin, une règle inspirée du principe majoritaire préexistant en droit privé du travail dispose que seuls seront valides les accords signés par une ou plusieurs organisations syndicales de fonctionnaires ayant recueilli au moins 50 % du nombre des voix lors des dernières élections professionnelles organisées au niveau auquel l'accord est négocié.

IV. Les points sur lesquels le SNESUP doit se mandater rapidement

La seule découverte de cet ensemble de dispositions permet aux militants, même non spécialistes du droit syndical, d'imaginer qu'elles vont provoquer de grands et profonds bouleversements dans les pratiques syndicales.
C'est pourquoi il est urgent pour la FSU et ses SN (SNESUP inclus) d'engager enfin le débat qu'aurait dû déclencher la signature de l'accord de Bercy il y a deux ans...
Mais une étude approfondie et détaillée (dont ce premier texte n'est pas l'objet) de la loi n° 2010-751 et des premiers projets de décrets d'application transmis aux OS lors d'une réunion le 20 juillet révèle une multiplicité de difficultés en apparence techniques mais soulevant de redoutables problèmes de fond quant à la conception du syndicalisme lui-même.

Dans l'immédiat, une partie de ces difficultés et problèmes transparaît clairement dans les questions posées le 20 juillet par le ministère aux OS à propos de la préparation du futur décret relatif aux CT :

  • le nombre de sièges réservés aux OS dans les CT de proximité doit-il être proportionnel au nombre d'agents que ces CT représenteront ? Si oui, selon quelle échelle ?
  • dans les CT « intermédiaires », faut-il instaurer un seuil de voix nécessaire pour l'attribution du premier siège ?
  • dans les Conseils supérieurs, quelle proportionnalité faut-il introduire (i.e. : combien d'agents un siège doit-il représenter) ?
  • dans le Conseil commun de la FP, combien faut-il de sièges ? La proposition ministérielle est 33.

La dernière question-piège concerne les CAP : faut-il harmoniser le nombre de sièges entre tous les corps, entre les 3 FP ?

Il est apparu que la plupart de ces questions divisent les OS, et divisent les syndicats de la FSU. Par exemple, dans les secteurs où la FSU est inexistante ou faiblement implantée, ses syndicats sont hostiles à l'introduction de seuils (question 2) ; à l'inverse, dans les secteurs où les syndicats FSU sont très implantés, voir majoritaires, ils y sont favorables, ce qui va à l'encontre de la conception du syndicalisme au nom de laquelle la FSU a dénoncé « l'amendement Perben » et, donc, signé l'accord de Bercy...
Il n'est donc pas exclu que la FSU se trouve dans l'impossibilité de se doter de mandats complets fédéraux pour certaines de ces questions (et d'autres qui viendront ultérieurement).

Amusez-vous bien.

 

(1)  Articles L 2131-1 et L 2131-2 : les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts. Les syndicats ou associations professionnels de personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des métiers connexes concourant à l'établissement de produits déterminés ou la même profession libérale peuvent se constituer librement.