Discours introductif de S TASSEL, secrétaire général du SNESUP-FSU

Publié le 4 juin 2010

Discours introductif de S TASSEL, secrétaire général du SNESUP-FSU

 

Un congrès pour des alternatives ... Mais quelles alternatives pour le service public d'enseignement supérieur et de recherche ?

Si je débute mon introduction par une question, c'est qu'avant d'avancer des réponses attendues par la communauté universitaire il va falloir nous poser les vraies questions !

La réflexion qui s'ouvre devant nous aujourd'hui est ambitieuse. Sans être conclusif, ce congrès doit constituer, sur la base des analyses qui sont les nôtres depuis de nombreuses années, le socle d'une réflexion globale et donner lieu à un projet crédible structuré autour de quelques idées forces :

  • de la recherche partout, comme terreau de réussite sociale citoyenne professionnelle des étudiants ;
  • un maillage territorial assurant proximité, coopération, collégialité et démocratie universitaire
  • des carrières revalorisées et épanouissantes pour tous les collègues.

C'est un projet de rupture porteur d'espoir, apte à être mis en œuvre en tenant compte de toutes les articulations avec l'école dans son ensemble, avec la société, et qui est attendu.

Le contexte politique, social, économique, dans lequel nous nous trouvons, est particulièrement menaçant. Le pire est encore devant nous. Dans toute l'Europe, les développements de la crise nourrissent la violence des coups portés aux populations, aux solidarités, au service public, aux systèmes de retraite solidaire et intergénérationnelle. Entretenue ou non, cette situation n'est pas sans effet sur notre capacité d'action. S'appuyer sur nos solidarités, les revivifier, se révèle plus que jamais nécessaire.

Avons-nous déjà traversé une telle situation où la brutalité des coups côtoie des plans de communication gouvernementaux cherchant systématiquement à tordre le sens de nos propres expressions ? Dans le même temps, avons-nous déjà traversé une période où la contestation des réformes gouvernementales n'aura soulevé une telle levée de boucliers et élevé le niveau de conscience collective ?

C'est fort de ce constat que nous devons être en capacité de mener en même temps :

  • la bataille des idées -préalable- sans laquelle notre projet serait voué à l'échec ;
  • les luttes contre des attaques incessantes du gouvernement ;
  • et la construction de notre projet.

De front, il nous faut construire notre projet et assurer les conditions de son existence !

 

Depuis 3 ans, le gouvernement s'acharne à imposer, dans la plus grande impréparation, ce que l'Élysée présente comme la réforme phare du quinquennat la loi « LRU » : faire accéder les universités à l'autonomie. De quoi parle-t-on, les universités n'étaient-elles pas autonomes ?
Quand nous bataillons pour garantir nos libertés scientifique, pédagogique,... et que nous demandons le cadrage des moyens -humains financiers- en fonction des besoins, le gouvernement nous impose le cadrage de toutes nos activités, et autonomise financièrement les équipes présidentielles. Jamais les universités n'auront été si peu autonomes. L'abrogation de la loi LRU, sa substitution par un nouveau cadre législatif, sont au centre de ce congrès d'études. Loin de donner plus de temps à la recherche, la bureaucratie tatillonne, le temps perdu à justifier chacun de nos actes contribuent d'une part à entretenir la défiance envers les universités ... les universitaires, et d'autre part à contraindre nos libertés.

Les bouleversements qui ont secoué tous les établissements du supérieur ont enclenché une mutation des rapports que nous entretenons entre collègues, entre équipes, entre établissements... Le recours à la mise en concurrence, la course individuelle effrénée à une reconnaissance dévoyée... mettent à mal les coopérations, la collégialité et la démocratie. Comment revenir sur l'individualisation forcenée des salaires, les documents dans vos pochettes montrent l'ampleur des écarts tant dans les montants que dans les méthodes d'attribution de la PES ?

Dans les conseils, et particulièrement au CA, les élus, parfois isolés, soumis à de nombreuses pressions, sont mis dans des situations kafkaïennes. Ils mènent des batailles courageuses dans des conditions exécrables : des documents nombreux, souvent remis sur table, impossibles à décrypter sans un travail préparatoire. Au-delà des effets du décret électoral, des effets de la prime majoritaire dans des CA croupions inféodés au président d'université, et d'un rétablissement de modalités conformes à la démocratie et à la collégialité universitaire ; comment les soutenir dès maintenant, nos travaux doivent apporter des solutions ? Associer le temps long et l'urgence doit faire partie de nos préoccupations dès aujourd'hui. Sans quoi le risque de laisser le champ libre au promoteur du libéralisme universitaire est à craindre.

Outre la possibilité ouverte de capter les ressources privées par le biais de fondations, de renforcer l'effet du crédit impôt recherche et des PPP dans le désengagement de l'état et le détournement des ressources publiques, la publication du décret financier préfigurait déjà la recomposition profonde du tissu universitaire. En bloquant les coopérations entre établissements, il a enclenché un processus de fusion d'établissements, de remembrement des formations et des laboratoires catalysé par le plan campus et le grand emprunt. A quel moment un débat démocratique contradictoire sur telle ou telle priorité a-t-il eu lieu ?

La sélectivité et l'opacité de ce processus assombrissent l'avenir des universités de proximité. Quel est l'avenir d'une université comme celle de Limoges ? Je pourrais citer d'autres exemples ... Artois, Perpignan, Pau, Dunkerque... A l'opposé de l'incitation financière comme outil de pilotage autoritaire orchestré par l'ANR, quels doivent être les mécanismes et les instances démocratiques permettant de garantir un maillage territorial équilibré alliant proximité et qualité du service public ?

Après 2 sessions de recrutements par des comités de sélections, dont la légalité risque d'être battue en brèche, les exemples d'interventions arbitraires dans les recrutements se sont multipliés. Qu'il s'agisse de l'utilisation du droit de veto du président, de modifications de classement par le CA devenu jury, ou passant outre les avis de comités composés pour l'occasion et soumis au clientélisme,... ces dérives confirment toutes nos craintes.

Au cœur de la fronde universitaire, les modifications des conditions d'exercice des missions des enseignants-chercheurs (le risque de modulation, de gestion individualisée des carrières, de dépossession du CNU de son rôle national de gestion des carrières) se surajoutent aux dégradations des conditions de recrutement. Si nous ne sommes pas aujourd'hui dans une généralisation de la modulation à la hausse, et que la gestion nationale des carrières par le CNU -certes fragile- demeure, c'est bien le résultat de nos mobilisations.

Malgré cela, les pressions souvent insidieuses sur les collègues augmentent de façon inquiétante. Notre vigilance est de rigueur et cette situation nous confère une responsabilité singulière. Les camarades du SNESUP dans les établissements sont souvent les seuls vers lesquels ont peut se retourner et le seul rempart pour se protéger.
A un moment où l'éclatement du service public d'enseignement supérieur creuse les inégalités entre établissements et risque de faire diverger les situations des personnels d'un établissement à l'autre, qui d'autre que nous est en mesure de contrer cette dislocation ? Comment coordonner le travail local des sections ? La mise en œuvre du référentiel des tâches constitue déjà un premier enjeu pour éviter de fortes dérives entre universités.

D'une manière générale, quelles seront les propositions du SNESUP concernant le triptyque recrutement, exercice des missions et évaluation ? Revenir au commissions de spécialistes ne pourrait constituer une solution, n'oublions pas les critiques que nous formulions déjà ? Comment sortir des effets du localisme ? Comment donner du sens à des regroupements d'emplois ? Comment retrouver les fondements de la collégialité et de la démocratie dans l'université ?


Les questions sont nombreuses, le problème n'est pas simple, mais qui d'autre que nous est en mesure de l'aborder dans toute sa complexité !

 

Ces trois années passées par le gouvernement à mettre en application une loi majoritairement rejetée par la communauté universitaire a vu le contexte budgétaire se tendre. Si 2009 a vu pour la première fois depuis 15 ans le nombre de créations d'emplois réduit à néant. 2010 projetait initialement la suppression de plus de 1000 emplois. Après les décisions de gel des dépenses publiques et de poursuite massive des suppressions d'emplois dans la fonction publique, ce ne sont pas les dotations en capital liées au grand emprunt qui changeront la donne. 2011 laisse augurer de nouvelles coupes claires dans le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche. On peut s'interroger sur l'engagement de Fillon de non suppression d'emplois pour 2011.

La récente publication sur le site du ministère d'un vade-mecum pour passer du public au privé est lourde de sens. Après la RGPP, la loi mobilité, la promotion du départ volontaire... dévoile un peu plus chaque jour la volonté gouvernementale d'économie à grande échelle dont fait les frais l'ensemble de la fonction publique.

Le diaporama, circulant dans la presse, dans lequel le ministère de l'éducation national donne tous les moyens pour réduire le nombre de postes dans le primaire et le secondaire, est un comble de cynisme. Sur l'autel budgétaire, le gouvernement a sacrifié la formation des enseignants, cherche à mettre en extinction les IUFM et bouleversé l'ensemble des masters et la recherche en général. En l'absence de tout cadrage, des projets de formation de master voient le jour dans une totale cacophonie. Dès septembre, de jeunes enseignants stagiaires privés de formation professionnelle vont être projetés à temps plein devant des élèves. Dans le même temps, les collègues dans les UFR et la IUFM, jusque là chargés de la formation des enseignants, se retrouveront privés d'enseignements, contraints au « sous-service » ou, plus grave, à une mobilité forcée.
Cette actualité est brûlante. Dans le cadre de notre lutte contre le projet de mastérisation, nous avons déposé il y a deux jours un premier recours auprès du conseil d'état sur la circulaire relative au dispositif d'accueil, d'accompagnement et de formation des enseignants des 1er et 2nd degrés.

Depuis 2003, par les vagues successives d'habilitations, les rationalisations, les mutualisations, les évaluation opaques de l'AERES, les pressions exercées par les conseillers d'établissements dans le cadre de la signature des contrats quadriennaux, les formations dans leur globalité ne sont pas épargnées. Depuis une vingtaine d'années, le public étudiant des universités s'est à la fois élargi et diversifié. A rebours du mouvement actuel, sous la pression du gouvernement, les formations universitaires opèrent un repli sans précédent. Unifier le service public ne doit pas être synonymes de l'uniformiser. Comment opérer le rapprochement nécessaire entre universités et grandes écoles ? Quelles articulations entre les formations technologiques IUT, BTS et formation générale ? Quelles organisations ? Comment aborder les passerelles entre formation professionnelle et générale ? Comment garantir la richesse du lien enseignement recherche, la présence partout de la recherche ? Comment faire réussir nos étudiants ?

Nous avons défini 4 grands axes pour le service public d'enseignement et de recherche :

  • Allier les réponses aux besoins de la société et les garanties des libertés scientifiques et pédagogiques.
  • Retrouver les fondements de la collégialité et la démocratie dans les universités.
  • Réengager la responsabilité des pouvoirs publics dans l'enseignement supérieur et de recherche.
  • Opposer à la mise en concurrence les coopérations et les synergies dans l'ensemble de la recherche publique et de l'enseignement post-baccalauréat.

C'est un travail considérable, nous nous donnons une année - ce qui est peu- au regard de l'ambition qui est la nôtre. Il n'est pas question ici de quelques aménagements mais d'une réelle rupture qu'il nous revient de rendre accessible, ce congrès d'étude est déterminant !

Ensemble, pour tous, nous avons la capacité d'imposer un changement profond de l'enseignement supérieur, nous y gagnerons tous !