Déclaration SNESup Lyon 2 au CA du 30 avril 2010

Publié le 24 mai 2010

Déclaration SNESup Lyon 2 au CA du 30 avril 2010

L'ensemble de la communauté universitaire (CNESER, syndicats, CPU, associations, sociétés savantes, conférences des doyens et directeurs d'IUFM, jurys de concours) a perdu la lutte contre la réforme de la mastérisation. Nous n'avons jamais été entendus par le ministère depuis l'automne 2008, malgré des centaines de motions, dont celle votée dans ce CA le 22 janvier 2010. Rien n'y a fait.

Même lorsque Luc Ferry, ancien ministre de l'Éducation Nationale, a condamné la réforme, la jugeant une « mesure cynique », dont il rappelait que l'économie annuelle pour l'État (500 M €) sera dix fois inférieure aux pertes engendrées par la suppression de la TVA dans la restauration. Encore récemment, le vote sur la remontée des maquettes au CEVU de Lyon 2 traduit la persistance de la défiance et une opposition massive, quoique minoritaire de peu : 13 pour, 12 contre, 4 NPPV. Il en a été de même dans plusieurs départements et composantes.

1. Historique

Le 15/12/2009, lors d'une AG sur la mastérisation, M. Tiran avait appelé à « une opposition aux directives du ministère pour la remontée des maquettes » ; le 23/12/09, le ministère publiait une circulaire pour la confection des maquettes, laissant la possibilité de préparer aux concours sans nouveaux masters ; en janvier 2010, le président, conformément à ses engagements de candidat, consultait chacune des facultés concernées par la mastérisation et s'engageait alors : « il n'y aura pas de chute de la dotation en 2010-2011. Le problème ne se pose pas pendant l'année transitoire 2010- 2011 mais se posera à partir de septembre 2011 avec l'habilitation du quadriennal et en fonction de ce qu'aura retenu ou rejeté la DGESIP ». Certains collègues ont donc pensé pouvoir résister et ont rejeté le principe de nouvelles maquettes... jusqu'à ce que le président leur dise début avril 2010 que sans nouveau parcours, dès 2010-2011, il n'y aurait pas de nouveau financement. D'où les votes à répétition dans les composantes ou départements qui avaient dit non, jusqu'à ce que le oui à la remontée l'emporte. On a ainsi pu voir des composantes passer d'un NON clair et net à un OUI tout aussi unanime. Ne nous y trompons pas, ne vous y trompez pas : ce revirement n'est pas le signe d'une adhésion, mais il sera exploité comme tel par certains, tant dans ce CA, qu'au ministère.

Comment expliquer ce revirement ? Par une nouvelle donne du ministère, qui finance les préparations aux concours, sous réserve expresse que celles-ci s'inscrivent dans de nouveaux parcours, ou mentions, ou masters enseignement. La liberté que promettait la circulaire de décembre 2009 disparaît mécaniquement par arrêt des financements : à l'université de couvrir elle-même, en toute autonomie, le financement des préparations aux concours, si celles-ci restent dans l'ancien moule.
Si notre président nous dit que c'est mécaniquement qu'il dut renoncer à ce qu'il avait promis, nous répondrons que la mécanique n'était pas inéluctable : d'autres universités (Paris 10, Paris 8) ont trouvé des solutions alternatives, permettant de différer la mise en place de la mastérisation des concours, au
moins pour 2010-2011 ; la CPU elle-même avait envisagé, officieusement, ce jeu budgétaire permettant de mettre les nouvelles préparations sur la seule ligne du budget agrégation ; de la sorte, on conservait également le système des bourses en vigueur pour les préparationnaires aux concours. Cette alternative, c'était différer d'un an le saut dans la confusion et la destruction de nos formations : une même attitude d'observation, de prise de distance, d'affirmation d'opposition à la réforme que celle qui a conduit la présidence à s'engager à ne pas passer aux responsabilités et compétences élargies
(RCE) avant le 1er janvier 2012.

A Lyon 2, cette alternative n'a été retenue, ni par la présidence, ni par les collègues, qui étaient effrayés soit par la menace d'un non financement et par la mort, immédiate, de leurs disciplines, et donc de leurs départements et de leurs services (Fac. Langues), soit sous la pression de la concurrence avec une autre composante (Fac. LESLA) - ou qui ont, au contraire, renoncé à leur maquette, sous la pression de la concurrence externe (Fac. GHHAT). Le président André Tiran n'a pu ainsi faire totalement respecter l'engagement du candidat André Tiran d'« éviter toute concurrence entre les composantes ».

Lors de l'AG du 15 décembre, le candidat André Tiran avait ému l'assistance, en retraçant son parcours et son expérience dans le secondaire et pointant les conséquences de la réforme de la mastérisation. Quelle est donc cette réforme qui conduit, mécaniquement, un président à ne pas tenir ses engagements ? C'est une réforme qui illustre parfaitement les contraintes de système, qui ne laissent aucune liberté de décision, et une réforme qui exemplifie tout ce que nous avons dénoncé dans la loi « Libertés et Responsabilités des Universités » (LRU).

 

2. Mastérisation et LRU

Nous voudrions à titre de bilan, rappeler à quel point la mastérisation est à rattacher intégralement à la LRU. Lorsque le SNESup, dès juin 2007, a alerté les personnels sur les conséquences de cette loi, il en a pointé les risques majeurs, dans des réunions d'information :

  • la LRU, c'est « moins de service public », disions-nous, en ciblant le problème de l'autonomie budgétaire : la mastérisation fait de même, on le voit dans la pression ministérielle sur le financement des préparations aux concours ou dans les cas nombreux de concurrence - y compris dans une université - ou encore dans la suppression programmée des IUFM et des services des personnels de ces instituts ;
  • la LRU, c'est « moins de fonctionnaires » : la mastérisation fait de même, en supprimant 16 000 postes dès cette année, en faisant croître la contractualisation (vivier des reçus au master-collés au concours, futurs précaires) et en faisant tout reposer sur un turn-over de stagiaires pour enseigner dans le primaire et le secondaire ;
  • la LRU, c'est « moins de garanties pour les personnels » lors du recrutement : la mastérisation fait de même, avec une absence d'accompagnement financier compensée par des stages à faire pendant la préparation au concours, une absence de formation didactique, des contenus à la baisse dans les épreuves aux concours et une obligation d'obéissance sans réserve dans l'épreuve « agir en fonctionnaire de manière éthique et responsable » ;
  • la LRU, enfin, c'est « moins de démocratie » : nous avons vu des décisions de composantes régulièrement remises en cause et conduisant à de nouveaux votes. Quelle valeur accorder à un vote, dans ces conditions ? À quel moment décrète-t-on que le vote est démocratique et qu'il doit être respecté ? Quand le doyen, le président ou la ministre le disent ? Le vote de ce CA sera-t-il remis en cause, sous peu, au prétexte que la donne a changé ?

Il est vrai que, dans ce système peu démocratique, une telle remise en cause du vote trouverait sa place. D'abord, parce que le ministère vous fait, aujourd'hui, juger, alors que rien n'est décidé : ni dates officielles pour les concours, ni programmes officiels, ni cahier des charges officiel, ni clarification définitive sur les conditions d'inscription ou de d'accompagnement financier. Ensuite, surtout, parce que le ministère de l'Éducation Nationale vient d'envoyer aux membres des organisations syndicales qui siègent au Conseil Supérieur de l'Éducation (qui aura lieu le 6 mai) et au CTP du Ministère de l'Éducation Nationale (CTPMEN, qui se tiendra le 18 mai) des projets de décret, arrêté et circulaire, qui reviennent sur plusieurs points qui semblaient acquis.

3. Tout est fini ? Tout recommence !

En premier lieu, l'arrêté promet, dans son article 3, l'abrogation du cahier des charges, lequel impliquait entre autres l'obligation de stages pour tous les préparationnaires aux concours, admissibles aux écrits. Les universitaires pousseront un grand « ouf » de soulagement, car c'était bien les stages qui, par leur caractère désynchronisé, rendaient impossible l'organisation des cours de master.
Pourquoi cette abrogation ? Parce que les rectorats n'ont eu de cesse de faire remonter l'impossibilité à gérer une mécanique aussi folle et parce que les stages en master 1 (M1), inaugurés cette année, ont été la catastrophe annoncée : étudiants sans formation placés devant une classe, incapables de la gérer et en pleine détresse psychologique et didactique, et abandonnant avant terme leur stage - et la classe.

Mais attention : il demeurera des stages, suffisamment pour que ce soient seulement les universitaires qui aient à gérer le problème, et non plus le rectorat. Si l'offre de stages se réduit très fortement, l'Éducation Nationale pourra toujours recourir à des contractuels, pour compenser le manque d'enseignants en primaire et secondaire ; en revanche, quel financement pour les étudiants pauvres, puisqu'il n'y a pas de réel dispositif d'accompagement ? L'UNEF comptait sur les stages pour pallier les déficiences de la réforme en matière d'accompagnement financier. Et maintenant ?

En second lieu, l'abrogation du cahier des charges pose un problème juridique : ce cahier est inscrit dans un article du code de l'éducation, qu'il faudrait donc également abroger.
Art. L. 625-1. - La formation des maîtres est assurée par les instituts universitaires de formation des maîtres.

Ces instituts accueillent à cette fin des étudiants préparant les concours d'accès aux corps des personnels enseignants et les stagiaires admis à ces concours. La formation dispensée dans les instituts universitaires de formation des maîtres répond à un cahier des charges fixé par arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de l'éducation nationale après avis du Haut Conseil de l'éducation. Elle fait alterner des périodes de
formation théorique et des périodes de formation pratique.


Or, abroger cet article, c'est supprimer de facto les IUFM, faire sauter le cadrage national de la formation des enseignants... et supprimer la formation en alternance : exactement ce que nous avions annoncé à partir de la lecture des différents textes publiés par le ministère depuis juillet 2009. Que feront les personnels des IUFM, si le tiers de formation théorique / didactique post-concours n'est plus obligatoire ? Sous-service, application de la loi mobilité... ? Souvenez-vous qu'en votant des maquettes, sous couvert de sauver entre autres les personnels de l'IUFM, vous les faites entrer en réalité, avec leur accord, dans un processus qui annonce déjà leur fin.

En troisième lieu, le projet de décret introduit la modification suivante à sa rédaction initiale : « les établissements d'enseignement publics relevant du ministre chargé de l'éducation » deviennent systématiquement « des établissements d'enseignement publics ou privés sous contrat ». Non plus « les » établissements publics, mais « des » établissements : tous ne prépareront pas aux concours, et apparaît alors le spectre des collèges universitaires, universités au rabais promises par la LRU. Non plus seulement des établissements « publics » mais aussi des établissements « privés », dans la suite des accords Kouchner : entrée en force du privé et de la concurrence.

4. Conclusion ?

L'université Lyon 2 n'a pas à être « le porte-avion de la contestation », a-t-on dit dans le CEVU du 9 avril. Si le CA vote les maquettes, l'université Lyon 2 jouera cependant les poissons pilotes de la réforme, en se soumettant au calendrier fictif, non officiel, de la date butoir du 30 avril, bien avant l'examen des maquettes par le CNESER les 21-22 juin 2010. Nous ne voudrions pas être à votre place pour voter sur un tel sujet - encore que nous, qui avons lutté des centaines d'heures contre ces textes, nous sachions ce que nous ferions, comme agents de la fonction publique. Souvenez-vous, au moment de voter, que le ministère vous prive financièrement d'autonomie pour faire du CA une chambre d'enregistrement des volontés gouvernementales. Mais souvenez-vous qu'en contre-partie, le même ministère vous laissera endosser la responsabilité de cette réforme :

  • responsabilité historique de mettre un terme à la formation des enseignants, formation républicaine mise en place au XIXe siècle avec les Écoles Normales d'Instituteurs ;
  • responsabilité historique de casser vous-mêmes la fonction publique, d'ouvrir un monde de précarité aux futurs enseignants, une misère sociale sans accompagnement financier à nos étudiants, une formation trouée et délirante aux élèves ;
  • responsabilité historique de contribuer à casser les fondements laïcs acquis en 1905.

Lorsque vous voterez sur la remontée des maquettes, nous vous prions de ne pas assortir votre vote d'une motion disculpante, rappelant votre lucidité ou votre souci de l'intérêt des étudiants : vous savez, mieux que nous, que cela n'est pas vrai. Le seul geste de courage politique que nous vous demandons aujourd'hui, c'est tout au moins de voter une motion de soutien aux collègues qui servent la fonction publique et qui se sont exprimés contre la réforme, que le ministère veut priver de leur liberté d'expression, mais qu'il ne parvient pas à priver de leur conscience de fonctionnaires responsables.

Motion à soumettre au CA, suite à celles votée par les CA de Paris 4 et Grenoble 3 (26/02/10)

Le CA de l'université Lyon 2 réuni le 30 avril 2010 tient à exprimer son soutien envers les présidents, viceprésidents ou membres des jurys des concours nationaux qui cherchent, de façon éthique et responsable, à exprimer leur réprobation face à un dispositif qui aurait des conséquences durables sur le bon fonctionnement de l'École de la République.
Le CA de l'université Lyon 2 condamne la démarche de la DGRH du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche qui a convoqué Sabine Luciani, Vice-présidente du jury du CAPES de Lettres Classiques, suite à la motion votée par ce jury attirant l'attention du ministère sur les dangers actuels de la réforme de la formation des enseignants.
Cette motion, approuvée par l'ensemble des membres du jury sauf 7 personnes n'ayant pas pris part au vote, ne faisait que rejoindre les innombrables motions votées dans les CA d'établissement, les conseils d'UFR, les associations de doyens, les sociétés savantes, la CPU, la CDIUFM, les sections du CNU. Elle reflète donc l'avis très massif de la communauté universitaire.