Déclaration liminaire du SNESUP-FSU, SNCS-FSU et SNASUB-FSU au CNESER du mardi 17 juin 2025
CNESER : commission permanente du 17 juin 2025
DÉCLARATION LIMINAIRE
Madame la Ministre de l’EN-ESR, Monsieur le Ministre de l’ESR,
Monsieur le Directeur Général,
Mesdames et Messieurs
Nous faisons le constat que le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) n’a plus les moyens d’assurer ses missions et que le projet politique de privatisation de l’enseignement supérieur (ES) s’accélère, avec une fermeture de son accès à une part croissante de la population.
Le projet en cours de réalisation des contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP) sur la totalité de la subvention pour charge de service public y contribue clairement : alors que le nombre de bachelier·es continue de croître, le budget n’accorde pas de moyens supplémentaires permettant d’augmenter les capacités d’accueil ni de réduire les inégalités entre universités. Au contraire, il est envisagé une réduction des formations par adéquation aux bassins d’emplois des territoires sur la foi d’indicateurs biaisés, de ne financer la recherche que par l’intermédiaire d’appels à projet et, avec tout cela, de réduire drastiquement la collégialité, la démocratie universitaire comme la liberté académique. En témoigne la mise en place, dans l’académie d’Aix-Marseille, d’une « instance de concertation de l’ESRI coprésidée par le conseil régional et la région académique » sans la présence d’élu·es de l’université, de représentant·es des OS, ni même par exemple de la ville de Marseille qui est pourtant un des financeurs territoriaux de l’ESR. Les rapports qui se succèdent (les derniers en date émanant de la Cour des comptes et du Sénat) mettent pourtant en lumière la faiblesse des financements de l’État qui diminuent en euros constants depuis une quinzaine d’années tandis que les effectifs d’étudiants.es augmentent, le manque d’une technique d’allocation des moyens transparente et équitable, et une mise en place de ce nouvel instrument, dit COMP 100 %, précipitée et à marche forcée. La naïveté de certain·es président·es d’université qui croient que cela leur permettra d’obtenir plus de subsides est confondante quand on voit, d’un côté, la conjoncture budgétaire annoncée par le gouvernement ; d’un autre côté, le parti pris du ministère qui pense trouver une manne financière à travers une meilleure définition des montants de trésorerie fléchés ou une limitation de la trésorerie à 30 jours.
Conséquence : le manque de moyens accordés au public ouvre un boulevard à l’ES privé, qui fait payer aux citoyen·nes des frais d’inscription abusifs, et sans rapport avec la qualité des formations, ou offre des formations en apprentissage alors que cette modalité de formation n’est pas adaptée à la majorité des profils des étudiant·es ni à la majorité des formations… Non seulement Parcoursup sert de vitrine à l’ES privé, mais encore la sélectivité de la plateforme, liée au manque de places financées dans l’ES public, et la non hiérarchisation des vœux justifient pour une partie des étudiant·es et leur famille leur évincement de l’accès à l’université. Conséquence encore : certains établissements publics à la recherche de moyens augmentent les frais d’inscriptions de façon détournée – citons les diplômes d’établissement payants ou encore les doubles licences pour lesquelles il faut payer un supplément. Et, faute de financements, l’école d’art de Valenciennes disparaît... La liste des établissements contraints par le décret « Bienvenue en France » de pratiquer des frais différenciés pour les étudiant·es étranger·es s’allonge et le coût des études augmente. Les plus défavorisé·es se voient privés de l’éducation à laquelle ils peuvent prétendre et à laquelle ils ont droit : cela obère l’avenir de notre société et ce recul du service public fait le lit de la progression de l’extrême droite.
La pénurie a également des conséquences délétères sur les conditions de travail des personnels, notamment liées au manque de postes de titulaires qui empêche un travail collectif pérenne, à la souffrance de se voir privé·es de moyens pour faire réussir les étudiant·es ou faire avancer la connaissance par leur recherche, mais aussi au manque de considération et au déclassement salarial subi par l’ensemble des corps. Concernant la fameuse « revoyure de la LPR », à part la reconduction des CPJ – que le SNESUP continue de dénoncer – rien ! Où sont les moyens pour améliorer l’entrée dans la carrière des jeunes MCF ou CR, à qui il a été promis une dotation initiale qui n’a jamais été abondée par le ministère ? où sont les moyens pour promouvoir les collègues qui s’investissent au détriment de leur santé pour pallier les insuffisances de l’État ?
Pas de nouvelles non plus des moyens pour assurer l’égalité hommes-femmes, l’égalité de la PES et du C1 du RIPEC et leur intégration dans le traitement indiciaire, etc. La liste serait longue alors que le ministère ajoute toujours davantage de missions, non financées bien sûr.
La réforme en cours de la formation des enseignant·es et des CPE (FDE) est révélatrice de tout ce contexte. Les groupes de travail qui se succèdent, dans lesquels il nous est régulièrement dit qu’il s’agit de dialogue social, pas de concertation – comme si nous pouvions confondre ! – témoignent d’une méconnaissance de la réalité de la FDE : cette réalité est pourtant têtue et nous voyons s’annoncer une catastrophe… une de plus, une de trop !
Là encore, les moyens manquent pour aménager les licences existantes sans prendre sur les contenus de licences ou limiter les capacités d’accueil, ou fabriquer des licences PE sans dommage pour le reste de l’offre de formation. À un mois de la fin de l’année universitaire, rien ou presque n’est arbitré : dates des concours L3 et M2 ; liste des disciplines où les deux concours seront ouverts ; répartition des places aux concours entre M2 et L3 ; quotités d’intervention des enseignant·es issu·es du scolaire, etc. La liberté académique et le caractère universitaire de la formation sont ignorés ou foulés aux pieds : l’IGESR est ajouté à l’HCERES pour l’évaluation précédant l’accréditation comme si on ne pouvait pas intégrer des collègues enseignant·es-chercheur·es spécialistes des questions de FDE dans les comités d’expert.es ; un « directoire » prévu pour chapeauter le tout dans chaque académie sous la houlette du Recteur, sans les représentant.es des personnels, le recrutement des collègues issu·es de l’enseignement scolaire à la main du recteur sans égards pour la constitution des équipes, etc.
Et les conditions qui sont faites à la formation dans tout ce chaos, avec notamment un stage en responsabilité bien trop lourd en 2e année de master, vont aboutir à une lourde amputation de la formation initiale des professeur·es et des CPE.
Dans les conditions actuelles la rentrée universitaire 2025 ne pourra pas s’organiser. D’ores et déjà dans des établissements, des collègues ne participeront pas aux jurys des établissements privés ni aux jurys du baccalauréat. Il est urgent de prendre des mesures répondant aux besoins de la communauté et d’arrêter de maltraiter l’ESR, ses personnels et ses étudiant·es.
Le SNESUP exige notamment une loi de finances rectificative pour abonder la SCSP des établissements afin notamment d’éviter les suppressions d’emplois des plans d’austérité imposés par le sous financement des établissements, de réduire les inégalités de taux d’encadrement entre établissements, et de créer les places supplémentaires qui permettront au service public d’accueillir tous et toutes les étudiant·es qui souhaitent s’y s’inscrire.