CR pré-rapport Ecole

Publié le 9 octobre 2003

Article sur le pré-rapport du Haut Conseil à l'Evaluation de l'Ecole (HCEE) - 9 oct. 2003



François BOUILLON,
Secrétaire National
responsable du secteur Formations Supérieures


Débattre

Les professeurs de l'enseignement supérieur - enseignants-chercheurs et professeurs de statut second degré - sont concernés à au moins deux titres par le débat national sur L'avenir de l'école initié par le Ministre de l'Education Nationale lors de sa conférence de presse du 1er septembre 2003 ; débat national devant aboutir à une nouvelle orientation à l'automne 2004. A double titre en effet, car ils ont leur mot à dire, d'une part, sur la commande faite à la commission THELOT (cf. encadré sur sa composition), de livrer un "diagnostic partagé" sur les forces et les faiblesses du service public d'éducation et, d'autre part, sur la formation des maîtres qui entre dans le champ du débat.

Le diagnostic sur l'état de l'école renvoie pour une part au bilan que l'on peut faire de la démocratisation, à ses indicateurs. La formation des maîtres met sur la sellette les missions des IUFM et donc le contenu de l'article 17 de la loi du 12 juillet 1989 portant création des IUFM.

Trois temps du débat

Trois temps scandent et organisent le débat. Le premier temps, c'est celui du diagnostic qui devait se dérouler de la rentrée 2003-2004 ; tout d'abord, le Haut Conseil de l'Evaluation de l'Ecole (HCEE) produit un premier document de synthèse des évaluations disponibles qui pourra servir de premier support du débat. Le deuxième temps, de novembre 2003 à Mai 2004, c'est celui du débat national le plus large et de sa synthèse sous la houlette de la commission THELOT ; impulsant, accompagnant et synthétisant le débat, celle-ci a pour mission de compléter éventuellement le premier diagnostic du HCEE, de délimiter ses thèmes et questions qui structureront le débat, de faire des propositions pour la conduite du débat, de conduire des auditions publiques, de suivre et de participer à l'animation de toute la phase du débat public ; d'en analyser les remontées et les grandes tendances et de proposer des scénarios d'avenir.

Dans ce cadre, les modalités du débat public pourront être : réunions publiques à l'échelon local ; consultation d'institutions existantes (par exemple, les Conseils économiques et sociaux régionaux) ; réunions dans les établissements scolaires au cours d'une journée banalisée permettant la participation des partenaires.

Le troisième temps de la rentrée 2004, à la fin de l'année 2004, c'est celui du pouvoir politique qui préparera un projet de Loi d'orientation soumis au Parlement.

La démocratisation et la loi de 1989 Pour revenir en haut de cette page !

Deux grandes entrées vont structurer le bilan sur l'état de l'école ; celle de l'accès et de la réussite des classes d'age aux différentes étapes de la scolarité et celle des acquis effectifs des élèves à ces différentes étapes.

C'est la double face, quantitative et qualitative de la démocratisation qui a partie liée avec la problématique, contestée, de l'égalité des chances.

Le concept de démocratisation subsume au moins deux phénomènes : la démocratisation absolue et la massification d'une part ; la démocratisation relative et la ségrégation d'autre part.

Sur les vingt dernières années, si la démocratisation-massification - au sens où de plus en plus d'enfants de toutes les catégories sociales ont accédé à des diplômes de plus en plus élevé ; bac et diplômes de l'enseignement supérieur par des cursus de plus en plus diversifiés - a poursuivi son élan jusqu'en 1996-97, celui-ci s'est ralenti voir stoppé à partir de cette date. Sur la même période, il semble que la démocratisation-ségrégation est restée quasiment identique par la persistance de filières, d'inégale légitimité scolaire, plus ou moins masquées et par l'invariance des pourcentages relatifs de jeunes de catégories sociales contrastées accédant aux filières "nobles" (par exemple : enfants d'ouvriers par rapport aux enfants de cadres supérieurs accèdent aux grandes écoles). Toutefois, sur cet aspect de la démocratisation ségrégative, il y a litige dans la mesure où les enquêtes de la DEP et de l'INSEE n'aboutissent pas aux même conclusions (cf. en particulier la polémique à partir des résultats de la DEP concernant quatre grandes écoles".

Arrivera-t-on en cette matière à un diagnostic partagé ? Rien n'est moins sur. Mais en creux de ces différences d'interprétation et d'évaluation se sont les objectifs-mêmes de la loi d'orientation qui risquent fort d'être l'enjeu principal ; il y va notamment de l'objectif des 80% d'élèves au baccalauréat et de la totalité d'une génération ayant au moins un CAP ou un BEP. La remise en cause de ces objectifs étant d'autant plus rendue possible que disparaît dans le Code de l'Education, le premier alinéa de l'article 3 de la loi d'orientation qui les mentionne.

Occultation justifiée par le fait que cet alinéa dit que l'objectif est "à dix ans". Autrement dit, légalement, l'objectif du 80% n'existe plus. Dès lors, la nouvelle loi d'orientation annoncée peut le réviser à la baisse voire abolir toute référence quantifiée ou non du réalisme, du fil de l'eau ou d'une option politique ; c'est selon.

Le bilan de la démocratisation appelle aussi une évaluation plus qualitative de ses résultats par le biais notamment de ceux des élèves. En ce sens, par-delà la diachronie des évaluations nationales, il faut avoir en mémoire l'évaluation de l'enquête OCPE-PISA qui semble indiquer que, comparativement avec les pays développés, les élèves français de 15 ans ont des acquis somme toute moyens dans le domaine de compétences de plus haut niveau en mathématiques, français et sciences. Beau champ de débat que celui du "niveau" des élèves !

Mais le "diagnostic" ne s'arrête pas à ces deux aspects principaux. Il est évident que les sujets brûlants de l'heure : les contenus/méthodes d'apprentissage de la lecture-écriture et l'illettrisme, le collège unique, les cycles et leur effectivité, la diversification des séries menant au baccalauréat, la laïcité et les signes d'appartenance, l'orientation et la voie professionnelle, la "deuxième chance" pour tous ceux qui sortent du système éducatif sans niveau de qualification… risquent fort de susciter des débats où le consensus n'existe pas.

Bref, il est clair que seront dans le collimateur de la politique gouvernementale un certain nombre d'articles de la loi de 1989 qui peuvent servir de repoussoir pour écrire les articles de la nouvelle loi. Sans vouloir être exhaustif, ainsi en est-il, bien sur, de l'article 3; ainsi en est-il de l'article 4 sur les cycles qui n'ont pas trouvé en près de quinze ans une traduction solide sur le terrain ; ainsi en est-il de l'article 8 sur l'orientation et sur le poids respectif des parties prenantes ; ainsi en est-il de l'article 9 sur le calendrier scolaire ; ainsi en est-il de l'article 10 qui garantit la liberté d'expression, sous conditions, des élèves et qui est l'une des pierres de touche ayant fondé notamment l'avis du conseil constitutionnel sur le port du foulard ; ainsi en est-il des articles 18-19-20 sur les établissements d'enseignement qui peuvent être réécrits dans le sens du plus d'autonomie et de la mise en réseau…

Et les IUFM Pour revenir en haut de cette page !

Ainsi en est-il aussi, peut-être, de l'article 17… de la loi portant création des IUFM et définissant leurs missions (alinéas 3-4-5). Nul n'a oublié le projet FERRY-DARCOS qui visait pour l'essentiel à les vider de leur substance et du caractère indissolublement universitaire et professionnel du projet fondateur.

Nul n'a oublié que le Ministre avait annoncé, sous la pression des personnels, le report du projet. Mais nul ne peut ignorer aujourd'hui que le Ministre qui avait annoncé dans la même période, le report de la loi dite de "modernisation universitaire", vient de faire savoir, qu'après débat, il comptait la remettre en selle et la présenter au Parlement en Juin ! Nul ne peut ignorer les intentions de la droite ultra-libérale de supprimer les IUFM.

Les lignes de fond, les orientations politiques, demeurent. Les raisons qui ont fait que les personnels se sont dressés contre demeurent. Dans de telles conditions, légitimement, ils peuvent se poser la question de la sincérité du débat proposé… Ils peuvent se demander si les dès ne sont pas pipés. Faut-il participer aux débats initiés par le gouvernement ?

N'ayant aucune garantie sur la fidélité des synthèses et suspectant la duplicité qui préside à la conduite du grand débat sous le magister médiatisé, d'un coté, de la commission THELOT et de ses membres occupant le devant de la scène et, de l'autre, d'un gouvernement tirant les marrons du feu, l'objectif premier dans ces conditions c'est de peser fort dans ce débat en proposant des alternatives crédibles entraînant l'adhésion du plus grand nombre.

Pour ce faire, il faut porter la contradiction, intervenir et proposer partout où des espaces publics et démocratiques de discussion sont ouverts.
Mais, en même temps, il faut ouvrir nous-mêmes de nouveaux espaces démocratiques permettant d'œuvrer au rassemblement large de nos professions et au-delà sur des objectifs communs et ambitieux pour l'avenir du service public d'éducation.

En ce sens, pour ce qui concerne le chantier spécifique de la formation des maîtres et des IUFM, le SNESUP-FSU propose à tous ses partenaires syndicaux, aux associations de parents d'élèves, aux associations de spécialistes, aux élus… de tenir ensemble des ASSISES NATIONALES DE LA FORMATION DES MAITRES.

Leur objectif serait de définir en commun un socle exigeant de propositions pour sortir du statu quo et aussi d'articuler, comme un des leviers d'invention d'une nouvelle démocratisation, les transformations de la professionnalité enseignante à celles de la formation initiale et continue des maîtres.

La liste des membres de la Commission du "débat national sur l'avenir de l'école" Pour revenir en haut de cette page !

Jean-Pierre Raffarin vient d'installer officiellement, aujourd'hui, lundi 15 septembre 2003, la "Commission du débat national sur l'avenir de l'école", présidée par Claude Thélot.

En voici la composition:

  • "MEMBRES DE DROIT"

    • Claude Allègre, ancien ministre de l'Éducation nationale,
    • François Bayrou, ancien ministre de l'Éducation nationale,
    • Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l'Éducation nationale,
    • Olivier Guichard, ancien ministre de l'Éducation nationale,
    • Lionel Jospin, ancien ministre de l'Éducation nationale,
    • Jack Lang, ancien ministre de l'Éducation nationale,
    • René Monory, ancien ministre de l'Éducation nationale,
    • Bernard Derosier, rapporteur à l'Assemblée nationale de la loi d'orientation sur l'éducation de 1989.
  • "PERSONNALITÉS"

    • Monique Canto, directeur de recherches au CNRS,
    • Hélène Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuel de l'Académie française,
    • Jean-Claude Casanova, membre de l'Académie des sciences morales et politiques,
    • Jean-Marie Cavada, président-directeur-général de Radio-France,
    • Hanifa Chérifi, chargée de mission au ministère de la Jeunesse, de l'Éducation nationale et de la Recherche, membre du Haut conseil à l'intégration,
    • Jacqueline Costa-Lascoux, directeur de Recherche au CNRS, membre du Haut conseil à l'intégration,
    • François Dubet, professeur à l'université Victor Ségalen, à Bordeaux,
    • Alain Finkielkraut, professeur à l'Ecole polytechnique,
    • Marie Thérèse Geffroy, présidente de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme,
    • Jacques Julliard, éditorialiste, directeur délégué du Nouvel Observateur,
    • Jean-Marie de Ketele, professeur à l'université de Louvain,
    • Nicole Le Douarin, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences,
    • Claude Lelièvre, professeur à l'université René Descartes à Paris,
    • Tom Schuller, professeur à la Faculty of continuing Education Birkbeck College à Londres,
    • Alain-Gérard Slama, professeur, éditorialiste,
    • Tzvetan Todorov, directeur de recherches au CNRS.
  • "USAGERS DE l'ÉCOLE"

    • Bertrand Collomb, président honoraire du groupe Lafarge,
    •  Éric de Labarre, ancien président de l'UNAPEL (Union nationale des parents d'élèves de l'enseignement libre),
    •  Christian Janet, ancien président de la PEEP (Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public),
    •  Jean Lardin, Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment,
    •  Jean-Pierre Mailles ancien responsable de la FCPE (Fédération des conseils de parents d'élèves),
    •  Mélanie Opinel, étudiante,
    •  Muriel Pénicaud, directeur général adjoint chargé de l'organisation et des ressources humaines chez Dassault Systèmes,
    •  Matthieu Valet, lycéen.
  • "ACTEURS DE L'ÉCOLE"

    • Élisabeth Altschull, professeur d'histoire-géographie au lycée Jacques Decours à Paris,
    •  Christian Badinand, principal du collège Rameau à Versailles,
    •  Pascal Balmand, directeur du lycée Saint-Michel de Picpus, à Paris,
    •  Jeanine Barbé proviseur du lycée Félix Faure à Beauvais,
    •  Guy Bontemps, inspecteur d'académie, inspecteur pédagogique régional de mathématiques dans l'académie de Montpellier,
    •  Alain Cramer, chef de travaux au lycée professionnel Gaspard Monge à Savigny sur Orge,
    •  Sylvie Farineau, directrice de l'école maternelle Jules Ferry à Anthony,
    •  Jacqueline François, directrice du CIO (Centre d'information et d'orientation) d'Izeure,
    •  Françoise Gaussen, directrice diocésaine de l'Hérault,
    •  Jean-Marie Goursolas, secrétaire général de l'académie de Paris,
    •  Patricia Le Galloudec, proviseur du lycée professionnel Jacques Prévert à Combs-la-Ville,
    •  Marie-Hélène Leloup, inspecteur de l'Éducation nationale, 1er degré à Chalons-en-Champagne,
    •  Fulbert Meynard, maître-ouvrier cuisinier au lycée Maurice Ravel, à Paris,
    •  Michel Prejlocaj, professeur des écoles, école élémentaire de La Rotonde à Puteaux,
    •  Jacqueline Queniart, professeur d'anglais au collège Toulouse-Lautrec à Vaucresson,
    •  Benoît Raulin, professeur de sciences-physique au lycée Frédéric Mistral à Fresnes.
  • "PARLEMENTAIRES ASSOCIÉS"

    • Jean-Claude Carles, sénateur de Haute-Savoie (UMP),
    •  Annie David, sénatrice d'Isère (PCF),
    •  Guy Geoffroy, député de Seine-et-Marne (UMP),
    •  Monique Papon, sénatrice de Loire-Atlantique (UMP),
    •  Pierre-André Perissol, ancien ministre, député de l'Allier (UMP),
    •  Pierre-Christophe Baguet, député des Hauts-de-Seine (UMP).
    •  Luc Ferry précise que trois députés PS seraient également associés. Leurs noms devraient être connus demain, mardi 16 septembre 2003.