Contribution du SNESUP-FSU du 9 Février 2016 - Les études de santé et la formation des médecins : pour en finir avec les déserts médicaux
Contribution du SNESUP-FSU du 9 Février 2016
Les études de santé et la formation des médecins : pour en finir avec les déserts médicaux
Pour en finir avec les déserts médicaux, il faudrait plus de médecins et autres personnels de santé formés. La Ministre Marisol Touraine a émis fin 2015 des propositions insuffisantes pour y remédier, dont une minime augmentation du numerus clausus. Le SNESUP-FSU propose des pistes de réflexion, s’inscrivant dans les mandats de la FSU adoptés au Mans (Février 2016).
Le constat et les premiers questionnements
Le constat est alarmant : départs en retraite non remplacés, déserts médicaux y compris en ville, spécialités très déficitaires avec des délais d’attente de 6 mois pour un rendez-vous, … un déficit de 50 000 médecins par rapport à l’Allemagne et de 25 000 par rapport aux Pays Bas. Au sein de la FSU cette question a été débattue. Certains s’interrogent sur la durée des études en France (plus longues qu’ailleurs) et sur leur forme (quelle alternance, quel rôle des CHU). Des propositions ont été émises : 50 000 médecins à former d’ici à 10 ans, moyennant un élargissement du numerus clausus à 12 000 par an, existence ou non de stages dans le privé en dehors de la médecine de ville, … Certains aspects interpellent directement le SNESUP, comme le nombre de médecins à former ou comment concevoir la répartition des médecins sur le territoire, avec l’hypothèse d’un service public d’intérêt général d’accès aux soins ?
Au Congrès du Mans de Février 2016, la FSU a adopté le mandat suivant, qu’il faudra concrétiser:
La loi de modernisation de la santé adoptée en octobre 2015 ne réglera pas les inégalités en matière de santé : elle ne revient pas sur les désengagements passés de l'AMO et ne remet pas en cause les dépassements d'honoraires qui participent d'un système de soins à plusieurs vitesses. Elle ne prend pas la mesure des déserts médicaux qui s'aggravent avec les départs à la retraite non remplacés. Ces déserts médicaux sont non seulement liés à l'inégale répartition de l'offre médicale sur l'ensemble du territoire mais aussi à la pénurie de médecins et de personnels de santé. Il faut donc augmenter significativement leur nombre, ce qui suppose des moyens supplémentaires pour leur formation initiale dans le cadre du service public (personnels de l'enseignement supérieur, locaux, places de stage dans les hôpitaux...). La FSU réaffirme par ailleurs la nécessité d'apporter des solutions efficaces aux conditions d'installation des médecins (maisons de santé, centres de santé...).
Quelques principes
Réaffirmons que la formation des médecins, des autres professionnels du secteur médical, paramédical et pharmaceutique doit être portée par le service public de l’ESR, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui pour nombre de formations paramédicales, souvent assurées par le privé. Rappelons aussi l’indispensable liaison formation-recherche-soin.
La démarche
Un état des lieux s’impose. Qui veut devenir médecin aujourd’hui (fort pourcentage de filles) ? Quelles attentes des futurs médecins en termes de conditions de vie ? Quels besoins (spécialités, répartition sur le territoire) ? Quel type de formation ?
Quelles alternatives au numerus clausus ? Quelles passerelles ?
Le numerus clausus avait été instauré en 1971 sous la double impulsion de la Direction du Budget qui espérait freiner les dépenses de santé, et de médecins attachés à l’exercice libéral de la médecine (Ordre des médecins, Fédération des médecins de France) voulant préserver le prestige de la profession médicale. Jusqu’en 1977, 9000 étudiants passaient de 1ère en 2ème année.
Si le SNESUP a depuis longtemps pour mandat la suppression du numerus clausus, nous n’avons jamais discuté de ses modalités. Passer de 7 500 étudiants entrant en 2ème année de médecine à 12 000 ne peut se faire sans recrutement d’enseignants chercheurs (PU-PH, MCU-PH, autres EC) ni sans moyens supplémentaires : mètres-carrés d’enseignement en médecine, places de stages en service hospitalier tandis que la restructuration des hôpitaux tend à la fermeture de services et que se développe l’ambulatoire.
Quelle 1ère année, quels contenus de formation, quelles évaluations (aujourd’hui centrées sur les QCM, au risque d’apprentissages par cœur de contenus incompris) pour une formation contribuant dès la 1ère année à faire réfléchir l’étudiant et à lui donner de meilleures connaissances en sciences humaines et sociales ?
Comment cette 1ère année pourrait-elle mieux déboucher sur diverses professions de santé, sur le paramédical ? Quelles validations possibles dans d’autres parcours de licence pour les étudiants ne visant plus le médical ou le paramédical ? Qui accéderait en 2ème année, les stages proposés devant correspondre au nombre d’étudiants ? On peut formuler diverses hypothèses :
- tous ceux ayant validé leur 1ère année
- certains seulement, avec une forme de sélection (sur dossiers comme en IUT ou CPGE ou autre), au risque de privilégier les étudiants socialement favorisés, mais excluant un concours basé sur le bachotage et l’actuelle formation de 1ère année aux conditions souvent catastrophiques (CM par vidéo multi-amphi) ?
- des étudiants liés par un contrat d’installation en un territoire donné suite à un financement d’études ?
Quelques questions à approfondir
Quid des années d’études suivantes ? Des stages ? En plus des stages déjà prévus chez les professionnels installés (médecins, dentistes, pharmaciens), le privé doit-il être associé ? Quel impact du regroupement des hôpitaux publics et des CHU sur la formation des médecins ?
Quels processus de régulation et d’aide pour favoriser l’installation de nouveaux médecins ? Que penser de la création de centres de santé, à condition que l’on puisse y recruter des médecins ? …
Quid des médecins étrangers ? Des formations de médecins français à l’étranger (Belgique, Roumanie) ?
Quid de l’extension des conditions d’accès des autres personnels de santé (infirmiers par exemple) à la profession de médecin (ou aux autres professions médicales), sans passer par la 1ère année ?
[1] Marc-Olivier Déplaude - Instituer la « sélection » dans les facultés de médecine : Genèse et mise en oeuvre du numerus clausus de médecine dans les années 68 - Revue d’histoire de la protection sociale, n° 2, 2009, p. 78-100.
[2] à Marseille : nombre étudiants en L2 plus de 315 en médecine, environ 200 en Pharmacie avec l’année précédente en PACES 3300 inscrits