Contribution de la section de Toulon sur le texte martyr

Publié le : 13/03/2012


Texte « Formation des enseignants » : Contribution de la section de Toulon en vue de l'élaboration d'un texte préparatoire au Congrès du Mans (mai 2012)

Ce contribution collective comprend deux parties :

  • I. Remarques d'ordre général sur le texte
  • II. Remarques et questions sur le détail du texte.

I. Remarques d'ordre général :

1. Cet argumentaire, s'il entend « fai[re] le point sur les mandats existants » et les compléter, semble étrangement faire l'impasse sur des revendications fondamentales (en particulier, retrait de la mastérisation, retrait de l'arrêté Licence) ou, pire, entériner comme irréversibles ces contre-réformes que le SNESUP est censé combattre (et avoir combattues). Une clarification s'impose pour permettre aux collègues et aux syndiqué-e-s de se mobiliser sur des objectifs qui ne soient pas des pis-allers ou une simple cosmétique de ses capitulations. Ce texte n'a pas pour vocation de faire des « propositions de terrain » destinées à donner des signes de bonne volonté un gouvernement, socialiste ou UMPiste, convaincu des bienfaits de la loi LRU et des destructions l'ayant accompagnée. Nous attendons du SNESUP une véritable « rupture profonde » avec les orientations gouvernementales actuelles en matière de FDE et, plus généralement, de formation.
2. Le texte FDE repose manifestement sur le leitmotiv justement revendiqué par le SNESUP en réponse, entre autres, à la contre-réforme de 2009 dite de la « mastérisation » : « Enseigner est un métier qui s'apprend ». Pour autant, le recours systématique à la « formation professionnelle » comme élément-clé de son argumentation expose ce texte à une ambiguïté extrêmement dangereuse : à aucun moment la notion de « formation professionnelle » n'est clairement définie, et encore moins distinguée de la « professionnalisation » des études supérieures prônée non seulement dans l'actuelle politique de formation des enseignant-e-s, mais plus largement dans l'ensemble du système de l'ESR (cf. exemple du nouvel arrêté Licence).
La « professionnalisation » des études a fait l'objet d'analyses connues de notre syndicat et de la FSU (parfois reprises dans les textes émanant de leurs instances), dénonçant sa « logique des compétences » conduisant à la destruction progressive des métiers, des qualifications reconnues, des statuts et de la valeur nationale des diplômes - selon la logique capitaliste oeuvrant à la privatisation du système d'enseignement, de la maternelle à l'université. Or force est de constater que cette critique idéologique fait défaut à l'ensemble du texte. Nous soulignons les principales conséquences de cette absence dans nos remarques de détail.
3. À aucun moment le texte FDE n'envisage de revenir sur la « mastérisation » : les masters enseignement sont purement et simplement entérinés, comme si la revendication majeure de 2009 pour une autre réforme de la FDE n'avait jamais été fondée, n'avait jamais fait l'objet d'un mandat du SNESUP : la direction de notre syndicat entend-elle faire allégeance à la direction du SNES au détriment de générations de reçu-e-s/collé-es, de stagiaires, d'enseignant-e-s, et d'élèves ? Adopter des mandats reposant sur le dispositif de la mastérisation de la FDE, comme c'est le cas du texte soumis, serait une véritable capitulation. D'autre part, ce dispositif annulerait complètement la revendication en faveur d'« IUFM rénovés », dont nous avons la preuve que la mastérisation a renforcé leur perte d'autonomie amorcée avec leur intégration aux universités : il n'est pas cohérent de demander à revenir sur l'une (l'intégration, avec l'objectif d'une « autonomie » retrouvée) sans exiger que l'on revienne sur l'autre (la mastérisation).
Ce faisant, nous ne contestons pas la revendication d'une meilleure reconnaissance du niveau d'étude des enseignant-e-s en vue d'une revalorisation des carrières, mais l'idée selon laquelle la « mastérisation » de la FDE en serait la seule modalité possible : l'obtention du concours, suivie d'une titularisation, pourraient parfaitement donner lieu à la délivrance d'un master enseignement dans le cadre d'une procédure d'équivalence.
Enfin, le texte propose que les IUFM puissent délivrer des diplômes : mais l'exigence de cadrage national des programmes de Licence est un leurre sauf à revendiquer l'abrogation du LMD et des décrets de 2002.
Car ce sont les décrets de 2002 qui ont supprimé la définition nationale des maquettes et le cadrage national des diplômes au profit de parcours individualisés et professionnalisés dont le dernier avatar est le nouvel arrêté Licence qui couronne l'entreprise de privatisation préconisée depuis 1998 et mise en oeuvre depuis lors.
4. Le texte FDE devra selon nous formuler des propositions sur des bases de revendications conformes à ses luttes passées, et ce malgré leur échec. La défense du statut de fonctionnaire et de la FDE implique en premier lieu de combattre

  • - pour l'abrogation de la « mastérisation » ;
  • - pour le rétablissement de la formation professionnelle initiale payée par l'État pour tous et toutes les lauréat-e-s aux concours ;
  • - pour le rétablissement de tous les postes supprimés ;
  • - pour l'ouverture des postes aux concours pour faire face aux besoins (évalués par les organisations syndicales)...

Cela implique d'exiger l'abrogation de toutes les contre-réformes qui mènent à la privatisation de l'enseignement (LRU, LMD, loi Fillon de 2005, loi sur l'orientation et la formation tout au long de la vie de 2009, loi Cherpion de 2011...).
Mais peut-on combattre les orientations du gouvernement et du patronat en participant aux différentes instances de mise en oeuvre et de suivi du LMD (Comités de suivi du Master, de la licence...), de la FDE, de la LRU ? Certaines ambiguïtés du texte qui nous est soumis donnent à penser le contraire.

II. Remarques et questions sur le détail du texte

Point
Page
Lignes
Commentaires
Intro 2 21-32 Le texte prend soin d'indiquer
que les écoles privées (sous contrat et hors contrat) font partie de
l'EN : va-t-on revendiquer le statut de fonctionnaire pour les
enseignant-e-s du privé au lieu d'exiger fonds publique à l'école
publique, fonds privés à l'école privée ?
1 3 70-79 Les moyens sont évoqués avec des
revendications justes, mais on ne trouve
pas un mot sur le nécessaire rétablissement des postes supprimés.
4 96 Sur la précision FDE « publique
et privée y compris hors contrat
», cf. commentaire des l. 31-32 supra.
3 5 151 L'objectif de la
préprofessionnalisation dès la L1 n'a de sens que dans le cadre de la
logique « compétences » entérinée par le nouvel arrêté Licence.
Il est purement idéologique.
5 157-165 Même remarque concernant des
stages à mettre en place sur les 5 années de formation. L'expérience à
Toulon incite à tout le moins à exclure la première année de cette
logique.
4 6 199-204 Tout ce paragraphe semble tenir
pour acquis que la « lisibilité des parcours » actuels est inexistante,
que la FDE constitue ou pourrait constituer un « cursus tubulaire » :
ce langage et ces présupposés sont ceux du ministère dont les objectifs
en matières de FDE ne sont pas ceux de notre syndicat, le SNESUP n'a
pas à s'y conformer.
6 228-229 « La cohérence de la FDE impose
que soient repensés les contenus de l'offre de licence.
» Il
conviendrait à tout le moins de préciser que ces contenus ne sauraient épouser les cadres définis par le nouvel arrêté
Licence, de sorte à éviter tout malentendu (que le texte par ailleurs
cultive sur ce point...)
7 235-240 Concernant la revendication
d'une « offre de préprofessionnalisation » effective pour l'ensemble
des étudiant-e-s etc., même remarque que les précédentes sur ce point :
le SNESUP serait-il finalement acquis au nouvel arrêté Licence après
l'avoir combattu ces derniers mois ? Une clarification, décidément,
s'impose.
6 7 270 L'expression « un vivier de
précaires bien formés
» présuppose que les usines à gaz mises en place
avec les maquettes de master permettent effectivement une bonne
formation des étudiant-e-s : n'est-ce pas là ce que le SNESUP a
toujours contesté, pour justifier son refus de la mastérisation ?
7 Note 7 Sur les pré-recrutements en fin
de L3 comme « objectif essentiel » : la note rappelle à juste titre
qu'il y a contradiction avec le mandat du refus de toute sélection.
C'est bien la raison pour laquelle ces pré-recrutements nous semblent
une aberration, directement liée à l'existence même des actuels masters
enseignement.
8 290-295 Ce paragraphe est calqué sur la
logique « compétences » définie par le nouvel arrêté Licence. Mais
surtout, il présente le concours de pré-recrutement comme un palliatif
au « morcellement des enseignements qui a marqué la réforme LMD » ! Il
faudra que les camarades nous expliquent comment – et ce même si par
miracle on revenait à un état de fait antérieur au LMD (sans l'avoir
abrogé ?), où le cadrage national de la Licence pourrait effectivement
être assuré... Ce type de revendication nous parait incohérent sauf à
revendiquer l'abrogation des décrets de 2002 (ce que nous préconisons).
8 296-297 cf. remarque précédente. La
position contre l'arrêté Licence est bienvenue mais semble
malheureusement de pure forme.
8 299 « Le passage par une telle année
ne doit en aucun cas être la norme
» : une telle phrase présuppose
qu'il pourrait être toléré à la marge. Par ailleurs, quels sont les
moyens pour mettre en œuvre de telles préconisations ?
8 313-314 « permettre une plus grande
mobilité géographique
» des stagiaires : il est vrai que la mobilité
est à la mode, mais en quoi et pour qui cette mobilité constitue-t-elle
une nécessité ?
9 322 S'agit-il de créer deux statuts
d'étudiant-es de master, les pré-recruté-es et les autres ? Quel intérêt
pour les non pré-recruté-es si ils ou elles ne peuvent passer le
concours ?
7 9   De manière générale, le point 7
consacré au master va à l'encontre de la revendication du maintien des
concours de recrutement : comme l'ont démontré les analyses de 2009 et
comme semblent le confirmer les rapports officiels parus sur le sujet
(cf. Grosperrin), la mastérisation va de paire avec la suppression à
terme de ces concours. Ce faisant le texte FDE prend acte de la
capitulation du SNESUP, qui s'aligne de fait sur les positions du SNES
en la matière.
9 330-332 Les concours de recrutement ne
sont pas en soi des débouchés, sauf à confondre concours et recrutement
effectif sur un poste de fonctionnaire.
9 334-336 « En aucun cas ces autres cursus
ne sauraient être majoritairement destinés...
» : même remarque qu'à la
l. 299, à quoi sert une telle phrase si l'on n'envisage pas les mesures
concrètes pour éviter ce cas de figure ?
Sont-elles même envisageables ?
9 369 La perspective du mémoire de
recherche est présentée comme indépassable alors que, sur le terrain,
l'exigence de ce mémoire (directement liée à la mastérisation) a
toujours été présentée comme un des principaux éléments de l'usine à
gaz « master enseignement ».
9 369 La « conquête d'une
professionalité globale » ? Le SNESUP fait-il un concours de novlangue
avec le gouvernement ?
10 376-380 Nouvelle capitulation à la
lettre (et à l'esprit ?) de l'arrêté Licence : le présupposé selon
lequel les stages en entreprise seraient un bienfait pour élèves et
étudiant-es... Que vient faire ici ce paragraphe ?
8 10   Cette remarque générale rejoint
celle concernant le point 7 : la question de la place de la recherche
est un dommage collatéral de la mastérisation de la FDE.
10 12 462-464 La « cohérence » des masters
enseignement ? Elle existe donc ? Les analyses de 2009 parlaient plutôt
d'« usines à gaz ». Il est vrai qu'en l'absence d'un mot d'ordre clair
de boycott des maquettes, le SNESUP a par la suite oeuvré à leur
confection et à la mise en place des masters, ce qui limite quelque peu
les propensions à l'auto-critique.
12 467 Quel rapport avec les
prérecrutements massifs ?
12 12 504 On s'étonne que la recherche
soit envisagée de manière presque exclusive comme recherche en
éducation : comme si la recherche disciplinaire (puisque recherche il y
a en master) n'avait rien à voir avec la FDE. Ce n'est pas notre avis.
12 510 « il ne doit pas s'agir de la
norme
» : cf. remarques précédentes l. 334-336, 299.
13 14 565 On a du mal à comprendre cette
fixation sur la recherche : la formation continue, n'est-ce pas aussi
(et peut-être avant tout) de la formation ?
Pourquoi l'adossement de la formation à la recherche (juste mandat du
SNESUP) devrait-il nécessairement passer par une pratique de recherche
de la part des personnes formées ?

La Garde,
06 février 2012
Section de Toulon