Conseil des Humanités et des Sciences Sociales (CDHSS) Une inquiétante réouverture …

Publié le 27 novembre 2009

Conseil des Humanités et des Sciences Sociales (CDHSS) Une inquiétante réouverture ...

Un Conseil des Humanités et des Sciences Sociales est remis en place dans une vision utilitariste.

Heidi Charvin et Isabelle Krzywkowski

 

Avec la reconstitution du CDHSS, formé par Claude Allègre en 1998, on pouvait penser que les Sciences Humaines et Sociales (SHS) avaient mangé leur pain noir et que la période de dénigrement voilé était enfin terminée.

Hélas tout comme le LMD, sous une apparence d'harmonisation « européenne », s'est avéré être la plus grande forme d'ultra-localisme de la formation, le CDHSS, visant officiellement à « poser les grandes lignes directrices d'une politique des sciences de l'homme et de la société dans les dix années à venir », s'annonce dangereusement réductionniste et laisse une nouvelle fois craindre pour le devenir des SHS. Dès la lecture de la composition de la commission, on rit jaune. Sans douter des qualités respectives de chacun des protagonistes, on s'étonne déjà que, sur 23 membres, ne soient représentées que 13 sections CNU sur les 31 que comptent les SHS, dont 2 psychologues, 2 sociologues, 3 philosophes, 2 historiens du monde ancien, 4 historiens du monde moderne et 2 géographes ... Le ton est donné ! Le choix des « extérieurs » s'avère encore plus édifiant. Quels extérieurs peut-on attendre pour un conseil engendré dans les arcanes ministériels ? Le grand patron du groupe Danone, un médecin explorateur, un historien-éditorialiste, le directeur de France Culture et le président de PricewaterhouseCoopers France !

C'est à la lecture de l'allocution d'ouverture de Valérie Pécresse(1) que l'on comprend la composition de la commission et que le rire jaune devient amer ! Notre ministre va tout au long de son discours esquisser sa vision des SHS : la prestation de service. Tout en pensant rassurer les SHS, elle débute en réaffirmant la « subordination » des SHS aux « sciences dures » qui « les a nourries, ... stimulées, ... leur a offert un nouveau souffle ». Inoculée par le bacille de la « mise en concurrence », elle développe ensuite que « les humanités et sciences sociales n'ont rien de savoirs superflus, reliquats d'une époque surannée où les arts et lettres tenaient toute la place, faute de mieux » ! Un certain nombre de journaux y voient la volonté du gouvernement de museler les disciplines par trop contestataires. Sans doute ! Mais il n'y a que cela. Le déclassement brutal des arts et lettres et la mise en concurrence entre « humanités » et sciences sociales ne sont que la traduction d'une vision étriquée de la finalité de SHS.

Valérie Pécresse, diplômée de HEC et de l'ENA, n'a indubitablement pas rencontré le contexte opportun pour appréhender que les SHS n'ont pas pour fonction première de produire des services de sous-traitance mais qu'elles sont avant tout productives, quelle que soit la discipline. La traque à la rentabilité et la conséquente confiscation de la liberté de création s'opposent de fait aux légitimes revendications des SHS pour pouvoir continuer à produire des savoirs. Si la finalité du CDHSS reste telle que définie par le ministère, on doit redouter un appauvrissement des offres de formation et de recherche, notamment celles qui ne rentrent pas dans la logique comptable et d'assujettissement du gouvernement ! Plus que cela, nous devons nous inquiéter des retards que prennent déjà les SHS sous le joug des réformes délétères. À force de pousser le haut du corps vers l'avant et de tirer le bas vers l'arrière, c'est le corps en entier qui risque de tomber !

 

 (1) http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid48774/installation-du-conseil-pour-le-developpement-des-humanites-et-des-sciences-sociales.html.