Communiqué de presse : grandes écoles, grandes hypocrisies ?

Publié le 8 janvier 2010

GRANDES ECOLES, GRANDE HYPOCRISIE ?

La Conférence des Grandes Ecoles (CGE) refuse les quotas de boursiers pour les jeunes issus des quartiers populaires, selon l'argument que favoriser les jeunes des milieux populaires pourrait faire baisser le niveau moyen des filières, et par conséquent dévaluer le prestige des écoles aux yeux des employeurs… et à l’international. Selon la CGE, le recrutement doit être basé sur le mérite vérifié par un concours d’un seul type et il est donc hors de question de modifier quoi que ce soit au système d'admission hyper-sélectif des "grandes" écoles. Aborder la question des « Grandes Ecoles » par la seule proportion des boursiers, ou le changement de la méthode de recrutement, c’est biaiser la question. Sous le terme « Grandes Ecoles » se cache une réalité diverse : des écoles qui recrutent au niveau baccalauréat, d’autres après les classes de CPGE, des écoles publiques aux droits d’inscription de montant fixés par l’Etat, des écoles consulaires ou privées dont les droits sont considérables, des écoles d’ingénieurs et des écoles de commerce et d’administration, … si l’on met à part les ENS et Polytechnique. Les liens de ces écoles avec la recherche et les universités varient, allant d’écoles intégrées dans les Ecoles doctorales à d’autres sans réel lien avec la recherche. La qualification du corps enseignant est très diversifiée : du professeur d’université au contractuel possédant simplement une licence dans certaines écoles privées. Dans le processus actuel de restructuration-fusion à marche forcée, seules quelques unes – jouant dans la cours des grands- sont concernées. De plus, contrairement aux déclarations triomphantes de Valérie Pécresse, aucune avancée réelle n'a eu lieu en termes de démocratisation :, si le pourcentage de boursiers dans les CPGE est bien passé à 30%, cette opération est le fait, non d'un changement dans la structure sociale de la population étudiante, mais d'une répercussion mécanique de l'augmentation du seuil d'attribution des bourses – dont on ne peut par ailleurs que se féliciter –..

Prétendre élargir et démocratiser l'accès aux formations post-baccalauréat les plus qualifiantes en fixant un objectif de 30 % de boursiers dans les grandes écoles pour « intégrer des jeunes issus des quartiers populaires », alors que dans le même temps se poursuit l'asphyxie des licences universitaires relève d'un cynisme consommé. Le plan licence, qui ne prévoit aucune amélioration du taux d'encadrement des étudiants par des enseignants-chercheurs et enseignants titulaires est une illustration évidente de cette politique méprisante qui maintient la coupure néfaste pour l'enseignement comme pour la recherche entre les universités et les filières grandes écoles. Par ailleurs, les universités ont développé, en leur sein et avec de faibles moyens, de nombreuses formations professionnelles liées à la recherche qui permettent de former les nombreux cadres dont le pays a besoin (plus de la moitié des ingénieurs en sont issus). Ainsi donc, Valérie Pécresse, en présentant constamment la filière CPGE/grandes écoles comme la filière d'excellence, contribue à dénigrer les formations universitaires qui sont pourtant celles qui s'efforcent, dans un climat hostile et avec des moyens sans commune mesure (8970 € par étudiant en université contre 13880 € en CPGE), de faire réussir l'essentiel des jeunes de milieu modeste présents dans l'enseignement supérieur.

Pour le SNESUP, il faut poser le problème dans toutes ses dimensions :

  • rapprocher les divers types de formation, pour que le lien enseignement-recherche –société participe à enrichir toutes les formations professionnelles de l’enseignement supérieur, -
  • favoriser les coopérations entre établissements publics (universités, grandes écoles) -
  • harmoniser les conditions d'encadrement et de financement des établissements -
  • développer des classes préparatoires universitaires plus ouverte aux jeunes des milieux populaires que les CPGE et conforter les cursus universitaires professionnels de qualité -adossés à la recherche- jusqu’aux diplômes de Master et d'ingénieurs, -
  • Engager une réflexion de fond sur des modalités d'admission (concours, admission sur titres, …) contribuant à démocratiser l’accès aux grandes écoles -
  • faire reconnaitre le réel niveau de qualification de tous les diplômes universitaires -
  • mettre en place pour tous les étudiants une allocation d’autonomie leur permettant, quelle que soit la filière choisie, de réussir sans être contraints d'exercer une activité salariée
 Tels sont des 'éléments qui pourront permettre de répondre plus efficacement aux besoins du pays, et plus particulièrement d'opérer une vraie relance de la démocratisation de l'enseignement supérieur.

Paris, le 8 janvier 2010