Commission Administrative Nationale du SNESUP du 15 mai

Publié le : 15/05/2009

 

Motion de la Commission Administrative Nationale du SNESUP du 15 mai 2009

Depuis plus de quatorze semaines, alors que 100 000 personnes se sont retrouvées plusieurs fois dans la rue, alors que la ronde des obstinés a tourné à Paris plus de 1 000 heures, ressurgit en « rondes intempestives » et essaime dans d’autres villes universitaires, le mouvement des universités et des laboratoires de recherche se poursuit. Cette mobilisation est inédite tant dans la durée et l’intensité que dans son unité.

Dans un contexte économique et social de plus en plus dégradé par la crise du capitalisme, redoublée en France par la politique fiscale du gouvernement en faveur des plus riches (bouclier fiscal), par les parachutes dorés, les retraites-chapeau et autres stock-options des grands patrons et par un partage de plus en plus inégalitaire de la valeur ajoutée en faveur des dividendes du capital au détriment des revenus du travail, ce mouvement démontre une capacité forte de résistance et d’unité.

Cela se traduit par un accroissement des inégalités, par des vagues de licenciement, par des plans sociaux et des délocalisations, par l’augmentation du chômage et par la précarisation de millions de gens qui touche et va toucher de plus en plus de jeunes. Les services publics sont de plus en plus attaqués avec les annonces de suppressions d’emplois (le chiffre de 34.000 a été avancé dans la fonction publique d’Etat). Le service public hospitalier est particulièrement touché et se bat contre la loi Bachelot ou « Hôpital, Patients, Santé, Territoires », les suppressions d’emplois et la tarification à l’acte. Les propositions du rapport Marescaux sur « l’avenir des Centres Hospitaliers Universitaires », dont le président de la République a annoncé la mise en œuvre complète, sont une attaque de plus visant simultanément le service public d’enseignement supérieur et de recherche et le service public hospitalier, ce qui nécessite d’approfondir les convergences entre ces deux secteurs. La Fonction Publique Territoriale est aussi  menacée.  Seuls les acquis du « modèle social français » qui ont été préservés par l’action des salariés et de leurs syndicats offrent des points de résistance voire d’appui pour de nouveaux acquis. Plus que jamais, après la dernière grande mobilisation inter-professionnelle et exceptionnellement unitaire du 1er mai, il importe de tendre nos forces pour la réussite d’autres actions d’ampleur. Elles sont nécessaires pour ouvrir les voies de transformations profondes en France et en Europe et au plan international, à la mesure de la crise économique, sociale, environnementale, démocratique qui s’approfondit. Des questions cruciales sont posées comme la maîtrise démocratique des moyens financiers, la répartition et l’élaboration des richesses et la mise en œuvre d’un autre mode de développement, la démocratie dans la cité et l’accès du plus grand nombre aux  savoirs et aux formations. Le développement et la transformation du service public d’enseignement et de recherche doit être inscrit dans cette perspective de transformations sociales en profondeur. A quelques semaines des élections européennes, ces enjeux considérables doivent trouver leur expression dans le scrutin du 7 Juin. Il faut à cette occasion que soient portés en particulier les enjeux de l’enseignement supérieur et de la recherche, dix ans après le lancement du processus de Bologne, relancé à Louvain les 28 et 29 avril 2009. Cela aboutit aujourd’hui à leur dérégulation, via l’assurance qualité et l’autonomie version néolibérale.

Le sens de toutes les  actions menées par les universitaires est de défendre l’idée d’une université ouverte sur l’avenir et au plus grand nombre, démocratique, tout entière vouée à sa mission qui est de former des générations d’étudiants, en formation initiale ou continue, et de contribuer à la création de nouveaux savoirs. Former des étudiants pour qu’ils s’insèrent de manière critique dans le monde du travail et dans la cité, répondre aux demandes de savoir et de culture qui s’expriment chez toute personne à tous les âges de la vie, sont les missions que porte dans ce mouvement la communauté universitaire. Elle sait quelle université elle veut : celle qui est fondée sur la démocratie et la collégialité, celle qui permet – sur la base des coopérations et de l’indépendance intellectuelle -  la réussite du plus grand nombre d’étudiants et un développement de la recherche sur tout le front des connaissances. Elle sait quelle université elle refuse, celle dont l’unique mission assignée serait de donner une valeur marchande aux formations, aux savoirs et aux personnes. Elle sait quelles sont les missions de l’université en réponse aux besoins sociaux.

LES MANŒUVRES DU GOUVERNEMENT

Plus particulièrement ces dernières semaines et ces derniers jours, le gouvernement tente de nier cette détermination des personnels et des étudiants, leur attachement au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche et l’ampleur de la contestation. Il caricature son expression. Il jette le doute sur les missions de l’université. Il oppose par le mépris une fin de non recevoir aux revendications solidaires des universitaires. Simultanément, il fait pression, menace de sanctions, et il fait recours aux vigiles, à la répression policière, notamment contre les étudiants.  La droite et ses affidés dans le monde de la presse attisent la peur en faisant croire que les étudiants et les examens seraient les otages du mouvement. Alors que c’est le gouvernement qui, par ses tergiversations, par sa stratégie d’enlisement et son refus de répondre aux revendications, porte l’entière responsabilité de la poursuite du conflit.

De surcroît, les récentes provocations verbales dans les médias et par ailleurs du premier ministre, de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, du ministre de l’éducation nationale renforcent l’exaspération des collègues et les tensions au sein des universités. Alors qu’il faudrait ouvrir une négociation d’ensemble, le gouvernement a usé du passage en force (décrets présentés au conseil des ministres puis publiés pendant les vacances de Pâques) pour imposer la réforme du statut des enseignants-chercheurs et la création du contrat doctoral, au mépris de l’opposition massive de la communauté universitaire à ces projets. Malgré l’ampleur du mouvement, la Ministre n’a pas convoqué de CNESER plénier, montrant ainsi son mépris pour les instances consultatives et leurs élus.

La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et le ministre de l’éducation nationale tentent maintenant de faire passer la réforme dite mastérisation de la formation des enseignants ; tout en laissant croire qu’ils négocient –annonce des concours 2009-2010 maintenus en l’état, constitution de groupes de travail et d’une commission nationale-, ils refusent encore maintenant de revenir sur les annonces précédentes de réduction de la formation en alternance lors de l’année de formation professionnelle post-concours et sur la perte de la rémunération en 5ème année d’études. Il en résulte inquiétude, indignation et colère chez les étudiants et les enseignants.

C’est par rapport à ces manœuvres et au rapport de forces créé que la CA porte appréciation sur les concessions faites par le gouvernement aux revendications majeures portées par le mouvement, et réaffirme son opposition au Pacte recherche et à la loi LRU et ses décrets d’application.
 

  • 1. Statuts des enseignants-chercheurs. Le décret concernant le statut des enseignants-chercheurs a été publié le 23 avril 2009. La circulaire l’accompagnant, publiée au BO le 7 Mai 2009, traduit la difficulté du pouvoir à faire accepter son décret. Elle représente un recul politique du gouvernement. La question de l’évaluation est fondamentale et nécessitera une intervention forte des élus au CNU contre une vision restrictive de la recherche, mais restera impossible si les moyens ne sont pas donnés. L’équivalence des tâches, forte revendication syndicale, doit se traduire non par une modulation, mais par un allégement de service. En redonnant au CNU la responsabilité de la moitié des promotions et d’une partie des CRCT au niveau national, le Ministère a dû revenir sur la quasi-sortie de la Fonction Publique d’Etat qu’il voulait imposer aux enseignants-chercheurs.
    Pour autant, le fond le plus inacceptable de ce décret reste, avec la gestion locale des personnels, tout comme est inacceptable le décret régissant les modalités de recrutement avec les comités de sélection. Le SNESUP exige l’abrogation de ces décrets.
  • 2. L’emploi et les moyens. L’application conjointe du décret et du cadre contraint de la circulaire met aussi au premier plan la question de l’emploi. La seule mise en œuvre de l’égalité TP=TD, revendication du SNESUP de longue date, nécessite la création de 2000 emplois pour préserver le potentiel d’enseignement des universités. Ces emplois supplémentaires sont nécessaires mais insuffisants compte tenu du sous-encadrement des universités. C’est pourquoi nous continuons à demander la création de 5000 emplois par an dans les prochaines années pour rattraper les retards et améliorer l’encadrement pédagogique. Le SNESUP exige la mise en place d’un plan pluriannuel de création d’emplois statutaires dans l’enseignement supérieur et la recherche. Le SNESUP exige que les moyens suffisants soient affectés aux universités, avec une négociation pour un tout autre mode de répartition que SYMPA. Le SNESUP exige un collectif budgétaire.
  • 3. La formation des enseignants. Le gouvernement vient d’annoncer le 13 Mai 2009 de nouvelles « mesures transitoires » pour l’année 2009-2010 concernant le dispositif de formation des maîtres. Le ministère a dû concéder que tous les étudiants admis au concours à  la session 2010 seraient recrutés comme fonctionnaires stagiaires sans condition d’obtention du M2. Les étudiants non titulaires d’une M1 ou un M2 devant être « inscrits à la rentrée en première année d’études en vue de l’obtention d’un master ou d’un titre ou d’un diplôme jugé équivalent ». Les deux ministères ont annoncé qu’une circulaire va préciser que si les étudiants réussissent le concours en 2010, ils se verront délivrer un M1.
    C’est un recul du gouvernement, limité à l’année 2009-2010, obtenu grâce aux luttes. C’est un pas en avant qui correspond  en partie à des revendications du SNESUP pour les étudiants titulaires d’une licence (cf. Lettre-flash 92). Reste que le ministère maintient sa conception que nous refusons pour l’année de formation professionnelle post-concours où la partie formation ne représente qu’1/3 du temps. Le SNESUP demande au gouvernement, dans l’intérêt des élèves, de maintenir intégralement l’année de formation professionnelle pour 2010 comme celle de 2009. Sans engager l’avenir, ces mesures donnent du temps pour la réflexion et pour obtenir une tout autre réforme de la formation et du recrutement. C’est pourquoi nous exigeons toujours la remise à plat complète du dossier de la formation et du recrutement des enseignants et une véritable négociation. La consultation des organisations syndicales dans le cadre des groupes de travail ou de la commission Marois-Filâtre ne saurait en tenir lieu.
    Le bureau national du 26 mai décidera de poursuivre ou non sa participation aux groupes de travail.
  • 4. La recherche. Dans ce secteur, seule concession bien insuffisante: la restitution aux organismes des emplois correspondant aux chaires. Nous nous opposons au principe même de ces chaires, source de disparités entre collègues et facteur d’éclatement des laboratoires. Rien d’autre sur l’emploi. Le démantèlement de la recherche se poursuit avec la création sans concertation de l’Alliance nationale pour les Sciences de la Vie et la Santé. La dynamique que nous avons créée et qui amène le gouvernement à lever petit à petit des obstacles à la satisfaction de nos revendications appelle d’autres succès, y compris dans le domaine de la recherche, notamment  pour mettre un coup d’arrêt à l’atomisation des droits des doctorants, à la désumérisation des unités de recherche, au regroupement imposé d’équipes, au démantèlement des organismes de recherche et aux atteintes aux libertés scientifiques, notamment par le pilotage via des financements ANR. C’est pourquoi nous exigeons toujours l’accroissement de l’effort national de recherche, une nouvelle fondation des relations entre universités et organismes de recherche, un véritable statut pour les doctorants, contrairement au décret « contrat doctoral », la reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives…

CONTINUER À AGIR DANS L’UNITÉ POUR GAGNER

Le SNESUP réaffirme que c’est le gouvernement, par son refus de prendre en compte la protestation des universitaires et par ses passages en force, qui porte la responsabilité de mettre en cause la fin de l’année universitaire.

Le SNESUP appelle la communauté universitaire à prendre localement des décisions collectives qui ne pénalisent pas les étudiants, et qui sont compatibles avec les actions de grève se traduisant par des interruptions d’enseignement dans le cadre du mouvement. Il dénonce la campagne du gouvernement qui manie les menaces sur la validation du semestre et la répression contre les actions de grève administrative.

La communauté universitaire et elle seule est à même de décider de la façon dont elle entend valider le semestre. Le SNESUP dénonce à cet égard les pressions qui visent à effacer des actions de grève provoquées par les contre-réformes du gouvernement.

Le SNESUP refuse d’entrer dans le piège qui consisterait à opposer poursuite de la mobilisation et validation du semestre.

La CAN du  SNESUP appelle à poursuivre les actions dans les établissements par :

  • la suspension des responsabilités administratives,
  • la grève administrative avec rétention des notes

Alerté par la multiplication des mesures d’intimidation dans les universités, le SNESUP met en place un suivi national des cas de répression antisyndicale et de retenues de salaire (recensement, actions locales nécessaires à l’action nationale, …). Le SNESUP condamne ces mesures et met en place une caisse de grève.

La CAN du SNESUP met en débat pour la prochaine rentrée :

  • l’idée d’une ½ journée hebdomadaire consacrée à l’action,
  • le refus des heures complémentaires et de toute modulation à la hausse, accompagné du chiffrage du nombre d’emplois manquants.

Dès maintenant, la CAN du SNESUP appelle à faire voter des motions dans tous les conseils :

  • contre le passage aux responsabilités et compétences élargies ;
  • contre le décret sur les statuts des enseignants-chercheurs, l’actuel projet de réforme de la formation et du recrutement des enseignants, les suppressions d’emploi annoncées et pour des créations d’emploi correspondant aux besoins.

La CAN du SNESUP appelle à participer à :

  • la journée interprofessionnelle du 26 mai, à l’initiative des 8 confédérations et fédérations ;
  • la réunion publique à Paris « Pour une autre Europe du savoir » du 30 mai organisée par le collectif « Printemps 2010 » ;
  • la Marche de tous les savoirs ou « Academic Pride » du 4 juin ;
  • la manifestation interprofessionnelle du samedi 13 juin, à l’initiative des 8 confédérations et fédérations.

Elle organisera une initiative rassemblant le plus grand nombre de membres de toutes les sections du CNU en septembre.

S’INSCRIRE DANS LA DURÉE, RENFORCER LE SNESUP

Le SNESUP appelle à inscrire et à amplifier dans la durée le mouvement de riposte aux réformes du Pacte Recherche, de la loi LRU, et pour la défense des collègues et l’élaboration d’un tout autre cadre législatif. A cette fin, le SNESUP travaillera à la convergence de la mobilisation de l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, et s’attachera à éclairer les enjeux de société des réformes actuelles et à en informer l’ensemble de nos concitoyens.

Dans ce mouvement exceptionnel, de nombreux collègues ont découvert l’action syndicale et se sont rapprochés du SNESUP. Pour contribuer à enraciner dans la durée ce mouvement, la CA appelle les responsables syndicaux, les syndiqués à proposer largement l’adhésion aux collègues actifs dans le mouvement. Renforcer le SNESUP, c’est aussi un moyen de peser sur l’avenir !