Budget de la recherche : Les tours de passe-passe de la ministre et de son secrétaire d'Etat.

Publié le : 26/05/2016

Communiqué du presse du SNCS-FSU et du SNESUP-FSU du 24 mai 2016

Budget de la recherche : Les tours de passe-passe de la ministre et de son secrétaire d'Etat.

Suite à notre communiqué du 20 mai, suite à la tribune de sept Prix Nobel et une médaille Fields dans le Monde daté du 24 mai, suite à l'émoi suscité dans la communauté scientifique (motion du CNESER, des conseils scientifiques du CNRS ...), Najat Vallaud-Belkacem et Thierry Mandon répondent dans un communiqué du lundi 23 mai par des arguments techniques, en expliquant que les 134 M€ de crédits annulés aux CEA, CNRS, INRA et INRIA seront prélevés sur les fonds de roulement des organismes.

Une fois de plus on veut nous faire croire, par des tours de passe-passe, que les annulations de crédits n'en seraient pas ! Le SNCS-FSU et le SNESUP-FSU rappellent qu'en 2015, 45 M€ ont déjà été supprimés en crédits de paiement (CP) au CNRS. Le ministère avait alors déjà expliqué qu'il n'y avait pas de problème, car il n'y avait pas de suppression en autorisations d'engagement (AE). Il suffisait d'emprunter les CP nécessaires au fond de roulement .... mais les crédits en question n'ont jamais été restitués.

Jusqu'à quand les organismes de recherche pourront-ils donc mobiliser leur fond de roulement ? Le fond de roulement n'est pas une espèce de source miraculeuse de budget supplémentaire ! C'est une marge indispensable qui permet aux établissements de payer en temps et en heure leurs factures et leurs personnels. C'est aussi ce qui garantit leur capacité à financer sans accident leurs dépenses d'investissements (opération immobilières, grands équipements scientifiques ...).

Vouloir faire croire que 134 M€ de crédits annulés sur les organismes de recherche peuvent être compensés par une réduction des fonds de roulement, en prétendant ainsi qu'il s'agirait de crédits non utilisés, est un leurre. Dans le cas du CNRS, les 50 M€ supprimés aujourd'hui - coupure sèche - se rajoutent aux 45 M€ « reportés » de 2015 à 2016. Après avoir poussé le CNRS à la cavalerie, le ministère lui propose un tour de magie supplémentaire ... Assez de ces billevesées : une annulation de crédits reste une annulation de crédits ! Si ces 134 M€ étaient des crédits inutiles, ils n'auraient jamais été inscrits dans la loi de finance pour 2016 ...

Le SNCS-FSU et le SNESUP-FSU dénoncent la mise en danger des capacités de recherche de notre pays. Les conséquences de ces annulations brutales de crédits seront, dès 2016, une réduction de crédits dans les laboratoires, avec de très
graves conséquences, étant donnés les engagements pris, sur le déroulement des programmes de recherche. Le coup risque d'être fatal non seulement pour les organismes publics eux-mêmes, mais aussi pour leurs fournisseurs, car c'est tout un tissu de petites et moyennes entreprises de haute technologie qui est irrigué, normalement, par les commandes des laboratoires de recherche. Les retards de paiement sont parfois mortels pour les PME. Même si l'on suppose un instant qu'on ne ponctionne en l'occurrence - provisoirement - que des fonds de roulement, c'est déjà, en poussant à accentuer encore la dérive des paiements, un risque mortel qu'on fait courir à l'industrie de pointe et à la compétitivité industrielle du pays.

Au-delà, comme on le voit déjà dans les universités - dont les fonds de roulement ont été si bien ponctionnés qu'elles en sont réduites à ne pas republier leurs emplois pour rester dans les limites de leurs budgets - le risque est grand que la compensation des crédits perdus se traduise par le non-recrutement des ingénieurs et des techniciens dont les campagnes de recrutement ne sont pas encore ouvertes. Nous avions déjà déploré, avant les annulations de crédits d'aujourd'hui, la stagnation du budget 2016. Le pire à venir est le budget 2017, en préparation. Quelle crédibilité la communauté scientifique, en particulier les jeunes qui voudraient s'engager aujourd'hui dans les métiers de la recherche, pourra-t-elle accorder à ce budget ? Pour quels projets ?

Le SNCS-FSU et le SNESUP-FSU exigent que la recherche soit une réelle priorité, non pas dans les discours des présidents ou des présidentiables, mais sous forme d'un réel investissement.

Le SNCS-FSU et le SNESUP-FSU appellent la communauté scientifique à se mobiliser dans le cadre des actions qu'ils lanceront avec l'intersyndicale de l'ESR pour exiger que le budget 2016 de la recherche ne subisse pas de coupure, et pour une loi de programmation de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESR), avec un financement en augmentation de 3,5 milliards d'euros par année pendant dix ans. C'est seulement si cette condition est satisfaite que pourra être atteint l'objectif de 1% du PIB pour la recherche publique et 2% de PIB pour l'enseignement supérieur. Ces taux ne sont pas des rêves, mais ceux que pratiquent les pays qui comptent, aujourd'hui, dans le paysage mondial de l'enseignement supérieur, de la recherche et du développement technologique.

C'est l'avenir économique, social, culturel, scientifique et environnemental de la France qui est en jeu.

Patrick Monfort, Secrétaire général du SNCS-FSU,
Hervé Christofol, Secrétaire général du SNESUP-FSU,