Violences policières à Grenoble : Lettre ouverte de personnels de l'IUGA et du laboratoire PACTE

Publié le : 10/05/2018

À Grenoble, le 9 mai 2018

 

Monsieur le Président de l’Université Grenoble Alpes,

Mesdames et Messieurs les Vice-Président.e.s,

 

Le 7 mai 2018 des policiers sont intervenus devant la galerie des amphithéâtres sur le campus de Saint-Martin-d’Hères et s’en sont pris aux étudiant.e.s et aux membres du personnel de l’Université Grenoble Alpes. Les forces de l’ordre ont pris pour cible toutes les personnes sur place, qu’elles soient mobilisées ou non, en grève ou non, pour ou contre la loi ORE. Des collègues ont été choqué.e.s par la violence physique, en l'occurrence un déploiement de matraquages et d’usages de gaz lacrymogène sur des personnes désarmées, ainsi que par la violence symbolique sous la forme d'insultes nombreuses à l’encontre des personnes présentes.

Nous, membres du personnel de l’IUGA et/ou du laboratoire PACTE signataires de cette lettre, rappelons le caractère intolérable de l’exercice d’une telle force, en particulier à l’encontre des personnes qui font partie de notre communauté universitaire, quelles que soient leurs opinions et leurs positions politiques. Le blocage n’est ni une solution, ni une fin en soi, ni même nécessairement une stratégie dont nous penserions tou.te.s qu’elle est valable. Ces blocages se sont pourtant imposés comme des nécessités en l’absence de toute possibilité de discussion sur le “plan campus” et sur la loi ORE avec la Présidence, et au-delà avec le Ministère. La loi est littéralement passée en “force”, appliquée avant son vote par les deux chambres législatives, puis appliquée, depuis son vote, au mépris de toutes les formes de contestations professionnelles et syndicales exprimées localement et nationalement.

La force n’est pas une métaphore, elle dit aussi l’usage répété de la violence sur le campus universitaire grenoblois. Ainsi, l’épisode grave de recours à la force ce lundi 7 mai 2018 n’était pas le premier. La présence policière augmente très fortement les tensions et nous place toutes et tous dans une grande insécurité :

  • le 22 mars 2018 les forces de l’ordre interviennent sans sommation contre des manifestant.e.s lors d’un colloque, dont une majorité d’étudiant.e.s, trois personnes sont transportées à l’hôpital par les pompiers ;
  • le 9 avril 2018 une dizaine de camions de CRS sont sur le campus, des policiers interviennent devant le bâtiment Veil pour empêcher un comité de mobilisation ;
  • le 23 avril 2018 une intervention policière devant le DLST entraîne plusieurs étudiant.e.s blessé.e.s. Une collègue, ex-directrice du DLST, a une côté fêlée par une matraque lors de cette intervention ;
  • le 26 avril 2018 une intervention policière a lieu devant le bâtiment des Alpilles, des étudiant.e.s en grève et par ailleurs désarmé.e.s, sont à nouveau matraqué.e.s ;
  • le 3 mai 2018 une dizaine de cars de CRS sont en stationnement à proximité des bâtiments où se tiennent des examens ;
  • le 7 mai 2018 des policiers interviennent devant la galerie des amphithéâtres, matraquant et usant de gaz lacrymogènes contre des étudiant.e.s et collègues, mobilisé.e.s ou non, entraînant l’évacuation de trois étudiant.e.s à l’hôpital.

Nous ne supportons plus la situation de déni dans laquelle nous enferme la communication institutionnelle et médiatique, qui soit ne dit pas un mot de la situation, soit la présente de manière complètement biaisée.

Ainsi, il n’y pas de "casseurs" dans ce mouvement de contestation grenoblois, mais des étudiant.e.s mobilisé.e.s contre une loi dont elles et ils dénoncent, comme beaucoup d'autres à l'échelle nationale, le danger social, et qui ont un tel respect de la chose publique qu’elles et ils ont mis en place une université alternative où de nombreux et nombreuses collègues et doctorant.e.s de diverses disciplines assurent depuis au moins un mois des conférences ou du soutien.

En contact avec les étudiant.es, solidaires de leurs revendications, nous ne faisons que constater une volonté d’agir pour la société, pour les générations futures, dans le sens de

préserver et améliorer l’accès à l’éducation pour tou.te.s. C’est l’absence d’espaces de discussions, de négociations et de délibérations avec les instances publiques qui les pousse à considérer le blocage comme étant un des seuls moyens possibles pour faire réagir les instances publiques et travailler à l’ouverture de tels espaces.

Les étudiant.e.s engagé.e.s, avec lesquel.le.s nous sommes solidaires, cherchent à être entendu.e.s. Nous, personnels, enseignant.e.s et enseignant.e.s chercheur.e.s demandons avec elles et eux l’ouverture de débats de fond sur les valeurs que promeut la réforme, la conception de l’éducation et de l’enseignement qu’elle engage, et ses conséquences sur les modalités de nos pratiques professionnelles.

Non, la violence n’est pas celle des étudiant.e.s mobilisé.e.s mais des forces de l’ordre qui, à plusieurs reprises, ont précisément usé de violences à l’encontre des étudiant.e.s et personnels, qu’elles soient mobilisé.e.s ou non. Qu'en est-il de la franchise universitaire, garante pour nous tous depuis le Moyen Âge de notre indépendance critique face à tous les pouvoirs, et de la quiétude des débats, y compris les plus polémiques ?

Quel signal la société envoie-t-elle à la jeune génération qui ose formuler des revendications d’égalité, de démocratie, d’éducation pour tou.te.s, pour le respect des choix d’études réels de chaque nouvelle et nouveau bachelier.e ? Répondre par la force et la violence revient à un déni de leurs revendications et des valeurs qu’ils et elles portent. Ce déni est aussi celui de nos revendications en tant que personnels, qui partageons l’idéal d’une université démocratique, ouverte à tou.te.s, respectant les voeux réels d’étude de toutes et tous, et tout au long de la vie, indépendante des intérêts particuliers et privés, au service de l’intérêt général et de savoirs critiques, en prise avec les questions sociales.

Dans de telles conditions d’insécurité organisées par la Présidence et les forces de l’ordre, dans un tel contexte de mise sous silence de revendications légitimes, nous demandons à ce que les examens puissent être aménagés, comme c’est le cas dans de nombreuses universités, comme l’Université de Nanterre ou encore de Paris 3 Sorbonne.

Nous demandons que localement et nationalement un débat de fond puisse avoir lieu qui porterait sur la loi ORE et ses implications pour l’Université que nous tentons collectivement de construire, dans un cadre démocratique, d’égalité de toutes et tous pour l’accès aux études et la réussite, et de défense de l’intérêt général.

Nous demandons enfin la fin des violences policières et le retrait immédiat des forces policières qui n’ont rien à faire sur notre campus.

 

Signatures par ordre alphabétique:

1. Khaled Amrani, doctorant, PACTE

2. Hélène André-Bigot, MCF, SHS-IUGA/PACTE

3. Lhassan Badri, doctorant PACTE

4. Pierre-Louis Ballot, doctorant, PACTE

5. Romain Bérard, doctorant, IUGA/PACTE

6. Michela Bevione, doctorante, INRIA/PACTE

7. Solène Billaud, MCF, SHS/PACTE

8. Jérémy Bouillet, docteur, IEP/PACTE

9. Nadir Boumaza, Professeur émérite, UGA, PACTE

10. Philippe Bourdeau, PR, IUGA/PACTE

11. Nicolas Buclet, PR, IUGA/PACTE

12. Jennifer Buyck, MCF, IUGA/PACTE

13. Christelle Casse, post-doctorante, PACTE

14. Alan Confesson, doctorant, PACTE

15. Sami Ramzi Chibane, doctorant, IUGA/PACTE

16. Pierre Chomette, doctorant, PACTE

17. Jérémy Damian, post-doctorant, IUGA/PACTE

18. Paule-Annick Davoine, PR, IUGA / PACTE

19. Joan Deas, doctorante, IEP/PACTE

20. Cristina Del Biaggio, MCF, IUGA/PACTE

21. Eva Deront, doctorante, IUGA/PACTE

22. Adriana Diaconu, MCF, IUGA/PACTE

23. Claske Dijkema, doctorante, PACTE

24. Paulette Duarte, MCF, IUG/PACTE

25. Bérangère Durok, BIATSS, IUGA

26. Humbert Fiorino, MCF, IUGA/LIG

27. Bénédicte Fischer, MCF, UGA/CERDAP2

28. Antoine Fontaine, doctorant, PACTE

29. Pierre-Olivier Garcia, MCF, IUGA/PACTE

30. Federica Gatta, MCF, IUGA/PACTE

31. Simon Godard, MCF, IEP/PACTE

32. Frédéric Gonthier, MCF, IEP/PACTE

33. Jean-Baptiste Grison, post-doctorant, PACTE

34. Julia Grosinger, PACTE

35. Elsa Guillalot, MCF, UGA/PACTE

36. Nassima Hakimi, doctorante, IUGA/PACTE

37. Myriam Houssay-Holzschuch, PR, IUGA/PACTE

38. Martine Kaluszynski, DR CNRS/PACTE

39. Olivier Kraif, MCF, LLASIC/LIDILEM

40. Kirsten Koop, MCF, IUGA/PACTE

41. Olivier Labussière, CNRS, PACTE

42. Pierre-Antoine Landel, IUGA/PACTE

43. Clémence Lehec, doctorante, PACTE

44. Anne Leman, bibliothécaire, IUGA

45. Sébastien Leroux, PRAG, IUGA

46. Raul Magni-Berton, PR, IEP/PACTE

47. Marco Marcer, PACTE

48. Sarah Mekdjian, MCF, ARSH/PACTE

49. Aurore Meyfroidt, post-doctorante, IUGA/PACTE

50. Julie Murat, PRAG, IUGA

51. Françoise Papa, MCF, LLASIC, PACTE

52. Anastasia Panenko, doctorante, PACTE

53. Marta Pappalardo, post-doctorante, PACTE

54. Laura Péaud, MCF, ARSH/PACTE

55. Inès Ramirez-Cobo, enseignante, LRU/IUGA

56. Claire Revol, MCF, IUGA/PACTE

57. Magali Talandier, PR, IUGA/PACTE

58. Sarah Thiriot, doctorante, PACTE

59. Silvère Tribout, MCF, IUGA/PACTE

60. Fanny Vuaillat, MCF, IUGA/PACTE

61. Melike Yalcin-Riollet, post-doctorante, PACTE

.....