Université Paris-Est Créteil : Lettre ouverte de l'intersyndicale à la Présidence et aux directions de composantes sur les « examens à distance » et le principe d'égalité de traitement des candidats - 13 avril 2020

Publié le : 20/04/2020

 

13 avril 2020

Lettre ouverte de l'intersyndicale de l'UPEC à la Présidence et aux directions de composantes sur les « examens à distance » et le principe d'égalité de traitement des candidats

 

Monsieur le Président,

Madame la Vice-Présidente de la CFVU,

Mesdames et Messieurs les directeurs de composantes,

Les personnels de l'UPEC ont appris par l'article du Parisien du 10 avril, et pour certains par des courriers internes aux composantes que l'université resterait fermée jusqu'à la rentrée mais que, conformément aux demandes du ministère, les examens se tiendraient « à distance » entre mai et juin, comme prévu par le calendrier universitaire.

Les conditions dans lesquelles une telle décision a été prise interrogent les personnels : la Commission de la Formation et de la Vie Universitaire n'a pas encore été consultée, et les directeurs de composantes qui se prononcent en faveur de ce maintien sont loin d'avoir eux-mêmes tous consulté leur propre Conseil de gestion, sur une question pourtant essentielle de politique des UFR.

L'enjeu de ce courrier intersyndical est de vous inviter à ouvrir un débat qui n'a pas encore eu lieu et qui pourtant concerne tous les enseignants et enseignants-chercheurs de l'UPEC. Car le maintien des examens coûte que coûte pose de multiples problèmes qu'il nous paraît impossible de traiter en les glissant sous le tapis d'un rapide coup de balai sans concertation...

Ces problèmes dépendent d'une question essentielle pour une université publique : doit-on ou non tenir compte des nombreuses difficultés d'accès à l'enseignement à distance rencontrées par toute une partie de nos étudiants depuis le début du confinement ? Difficultés qui génèrent d'énormes inégalités entre les étudiants. Cette question se pose de manière particulièrement cruciale pour une université comme l'UPEC qui accueille des publics très divers du point de vue sociologique.

En effet, à côté des étudiants dotés d'un ordinateur entièrement personnel et d'une connexion de qualité leur permettant de suivre tous les cours « à distance » proposés, il y a un large éventail de situations personnelles qui ne permettent pas, ou très partiellement, le suivi de ces cours : certains étudiants n'ont pas d'ordinateur et seulement un téléphone, d'autres doivent partager un ordinateur avec les membres de leur famille également en études à distance ou en télétravail, certains disposent d'un ordinateur mais avec une connexion faible qui ne leur permet pas de suivre les visioconférences... A ces conditions strictement matérielles s'ajoutent des conditions familiales difficiles : absence d'espace personnel dans le logement familial pour s'isoler, nécessité d'aider des frères ou sœurs dans leur propre scolarité « à distance », parfois aide à un parent malade, détresse économique de ceux qui ont perdu un emploi grâce auquel ils financent leurs études... A cela s'ajoutent les difficultés psychologiques qu'engendre le confinement, empêchant beaucoup d'étudiants de trouver assez de disponibilité mentale pour travailler seul(e), sans le soutien que fournit ordinairement une bibliothèque universitaire ouverte à tous...

Dans ces conditions, comment peut-on croire que des examens portant sur les contenus « enseignés » à distance depuis le 15 mars préserveront « l'égalité de traitement entre les candidats » requise par les ordonnances ministérielles pour qu'un examen diplômant puisse se tenir ? Sans compter l'impossibilité de garantir que le travail produit « à distance » sera vraiment un travail personnel...

En organisant ces examens à distance, nous nous apprêtons à mettre en place un simulacre d'évaluation dont le véritable critère discriminant sera la situation sociale des étudiants ! C'est inacceptable si l'on a un peu le souci de l'égalité de traitement due par le service public.

Pour maintenir ces examens, la présidence s'appuie sur le sondage lancé auprès des étudiants de l'UPEC : environ 15 000 étudiants auraient répondu, soit environ 45% des étudiants inscrits ; parmi ceux-là 80% suivraient les cours, « dont la moitié dans des conditions très correctes », et « 20% seraient en difficulté dont 5% sans matériel pour suivre » (Le Parisien du 10/04). Ces éléments statistiques pourraient à la limite être considérés comme représentatifs si la possibilité de répondre au sondage était égale pour tous... Or justement, ceux qui ont les plus grosses difficultés de connexion, voire aucun moyen matériel sont très logiquement ceux-là mêmes qui ne répondent pas aux sondages numériques !... Ils sont très majoritairement dans les 55% d'étudiants qui n'ont pas répondu à ce sondage !... En d'autres termes, ce ne sont pas « 20% » d'étudiants de l'UPEC qui se trouvent en difficulté pour des raisons matérielles mais au moins le double (et encore, en supposant qu'un tiers des étudiants qui n'ont pas répondu seraient très bien équipés !...).

Beaucoup d'entre nous ont pu le constater : parmi les étudiants assidus au contrôle continu avant le 15 mars, 15 à 30 % (selon les niveaux et selon les spécialités) ont disparu avec la mise en place des cours en ligne. Doit-on les passer par pertes et profits ?

Peut-on, dans de telles conditions, faire comme si les examens de ce semestre de confinement pouvaient avoir la même valeur et les mêmes garanties d'égalité des chances qu'en temps ordinaire ? Peut-on faire comme si un tiers, voire plus, des étudiants suivant nos formations n'étaient pas d'ores et déjà exclu de fait de ces évaluations à distance ?...

Pour nous la réponse est clairement non. Le maintien des examens « à distance » portant sur le 2e semestre est un déni de réalité d'autant plus grave qu'il revient à accepter comme une fatalité la sélection sur critère social, ce qui est contraire aux fondements mêmes de l'université publique.

D'autres solutions, à titre exceptionnel, sont envisageables, comme la validation automatique du semestre sur critère d'assiduité, ou la neutralisation du semestre dans le cursus de chaque étudiant (la moyenne obtenue par l'étudiant au 1er semestre est reportée sur le 2e semestre) assortie de la possibilité laissée aux jurys d'examen de prendre en compte, si elles sont positives, des évaluations facultatives effectuées à distance pendant le confinement ; ou encore la liberté laissée à chaque enseignant d'adapter au mieux son évaluation à la situation (car toutes les matières et toutes les sortes de cours - les TP par exemple - ne se prêtent pas au format de l'examen à distance), sans compter la possibilité d'organiser des rattrapage en septembre... De telles solutions éviteraient a minima une évaluation semestrielle sanctionnant avant tout des différences d'équipement et de conditions sociales.

La décision de maintien des examens s'appuie souvent sur le souci de « ne pas dévaluer ou déconsidérer nos diplômes » par une validation automatique... Certes, il n'y aura pas de solution idéale dans une situation comme celle-ci, mais nous devons nous interroger sur la solution la plus juste ; or celle qui consiste à maintenir à toute force les examens sans tenir compte des inégalités que la situation de confinement a introduites n'est assurément pas la plus juste.

C'est pourquoi, les organisations syndicales de l'UPEC, demandent à la Présidence, ainsi qu'aux directeurs de composantes, de reconsidérer les solutions proposées et d'ouvrir le débat au sein des instances représentatives pour qu'une solution sans exclusion soit trouvée.

 

L'intersyndicale de l'UPEC (SNESUP-FSU, SNASUB-FSU, FO-ESR, CGT-FERC, CFDT)