Université de Paris : Motion du conseil de la faculté des sciences du 12 juin 2020 sur la LPPR

Publié le 15 juin 2020

 

Université de Paris :

Motion du conseil de la faculté des sciences du 12 juin 2020

 

Suite à la diffusion, dimanche 7 juin 2020, du projet de Loi de  Programmation Pluriannuelle pour la Recherche (LPPR), nous, élus du  Conseil de la Faculté des Sciences de l’Université de Paris,  souhaitons exprimer notre profond désaccord sur la démarche et sur le  fond.

La démarche, pour commencer, n’est pas acceptable. Au début de  l’année, la communauté universitaire s’est largement mobilisée contre  les esquisses d’un projet que le gouvernement ne voulait pas rendre  public. Le 5 mars des milliers de collègues ont ainsi manifesté  partout en France. De nombreuses analyses et propositions alternatives  ont été publiées, co-signées notamment par plus de 700 directeurs  d'unité, 29 sociétés savantes, et la quasi-totalité des membres du  Conseil National de la Recherche Scientifique, dénonçant les dangers  de la politique qui s'impose aujourd'hui. Malgré cela, le gouvernement  fait le choix d’une diffusion du projet de loi de la LPPR juste avant  l’été, et d’un calendrier ultra-resserré pour sa présentation en  Conseil des Ministres, indiquant un objectif de promulgation de la loi  en plein milieu des vacances universitaires. Tout ceci au sortir d’une  crise sanitaire épuisante, et au moment même où un effort  supplémentaire considérable est demandé aux enseignants-chercheurs,  chercheurs et personnels BIATSS pour organiser une rentrée hybride en  présentiel et en distanciel, et simultanément mettre en place la  reprise d’activités de recherche stoppées pendant plusieurs mois.

Sur le fond, les augmentations budgétaires programmées pour de futurs  quinquennats restent à la marge et il est certain que les principes à  la base du texte de loi renforceront une mise en compétition  généralisée et entraîneront des effets délétères rapides pour les  personnels de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR).

Le texte dans son ensemble pose problème et ne répond pas aux  objectifs d’amélioration de la recherche en France. Nous nous  concentrons ci-dessous sur quelques exemples.

L’article 5 du projet de loi instaure par exemple un « CDI de mission  scientifique », qui « prend fin avec la réalisation de l’objet pour  lequel il a été conclu » mais « peut être également rompu lorsque le  projet ou l’opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas  se réaliser ». L’appréciation de ces motifs est laissée à l’employeur  et peut inclure une rupture unilatérale par manque de financement. De  tels contrats instaurent pour les chercheurs une précarité et une  dépendance permanentes vis-à-vis de leur employeur, contraires à la  Recommandation de l'UNESCO de 2017 concernant la science et les  chercheurs scientifiques.

Autre exemple, l’article 3 du projet de loi instaure des contrats de  type « tenure tracks/chaires d’excellence », en rupture complète avec  le mode de recrutement par concours de la fonction publique. Ces  chaires permettraient à des contractuels de bénéficier en 3-6 ans d’un  passage rapide au grade de Professeur ou Directeur de Recherche, sans  aucune des obligations statutaires imposées aux Maîtres de Conférences  et Chargés de Recherche pour espérer atteindre le même objectif.  Prélevées sur le même budget que les postes de Professeurs des  Universités et Directeurs de Recherche, elles diminuent ainsi les  possibilités d’évolution vers ces grades pour les Maîtres de  Conférences et Chargés de Recherche actuels et à venir.

Citons également le transfert à l'ANR de financements jusque-là  considérés comme pérennes (article 11), qui renforce la politique  actuelle d'appels à projets et de mise en concurrence systématique  pour l’accès aux moyens. D’autres propositions de ce texte contribuent  également à la dégradation du management de l’ESR, comme l’attribution  de primes en dehors de tout principe de collégialité (article 14).

Face à ces orientations néfastes pour le fonctionnement collectif de  l’ESR, nous, élus du Conseil de la Faculté des Sciences de  l’Université de Paris, demandons qu’un nouveau projet de loi voie le  jour, élaboré de façon collégiale par les personnels de l’ESR. Nous  n’accepterons pas, ni maintenant ni à l’avenir, que soient signés des  « CDIs de mission scientifique » ou des contrats de type « tenure  tracks » au sein de la Faculté des Sciences. Nous appelons  solennellement la Présidence de l’Université de Paris, et plus  largement l’ensemble des membres de la Conférence des Présidents  d’Universités, à soutenir notre démarche et s'engager pour une  réécriture du projet de loi conforme aux enjeux de l’ESR et aux  attentes de ses acteurs.

Texte approuvé à l’unanimité moins une abstention par le conseil de  faculté, réuni le 12 juin 2020