Université Bordeaux Montaigne : Motion du département de philosophie sur la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche, 22 septembre 2020
22 septembre 2020
Université Bordeaux Montaigne :
Motion du département de philosophie sur la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche
Réuni ce jour, le département de philosophie de l’université Bordeaux Montaigne exprime son opposition totale au projet de Loi de Programmation de la Recherche (L.P.R., ex L.P.P.R.) adopté en Conseil des Ministres le 22 juillet et qui est actuellement en discussion au Parlement. Par ce vote, il est bien conscient de participer à un mouvement large témoignant d’un rejet général au sein de la communauté des chercheurs, chercheurs et enseignant.e.s chercheurs/-euses. Ce sont ainsi 39 sociétés savantes qui partagent un même jugement critique de ce projet ou bien encore le Conseil économique, social et environnemental, pour ne rien dire des tribunes et autres motions déjà votées.
Présentée désormais comme une réponse à la crise sanitaire, alors que son origine est bien plus ancienne, cette loi ne répond en rien aux besoins criants de la recherche et de l’enseignement supérieur. Si elle annonce des financements nouveaux, sans toutefois tenir compte de l’inflation ni de l’évolution du PIB national, elles en transfèrent la responsabilité effective à de futures majorités. Pour être tenus, les engagements énoncés requièrent des votes budgétaires annuels jusqu'en 2030, soit dix années de délibération parlementaire et, au minimum, deux élections législatives. Il en va de même de l'actualisation des engagements financiers demandée au gouvernement de 2023, postérieur à l'élection présidentielle de 2022.
En outre, pour l’essentiel, elle confie au monde des entreprises la responsabilité de financer et d’orienter la recherche. Les 500 millions d’euros annuels promis jusqu’en 2030 ne permettront en effet pas d’atteindre les 3% du P.I.B., l’objectif fixé. Cette somme doit servir de levier, c’est-à-dire amorcer un effort de recherche qu’il appartiendra ensuite au secteur privé de prolonger par des financements nouveaux. Dès lors, les chercheurs et les chercheuses deviendraient des opérateurs au service des intérêts privés. Ce sous-financement public chronique annonce le règne sans partage de la recherche par projet, c'est-à-dire de réponses à des demandes dans une grande partie formatées par les entreprises.
Les dispositions relatives au financement public des laboratoires vont dans le même sens. Au lieu d'augmenter les crédits de base, autrement dit les financements pérennes, la loi prévoit d'asseoir l'accroissement des budgets par les appels à projet. Elle décide d’une augmentation du budget de l’Agence Nationale de la Recherche (A.N.R.) et du taux d’acceptation des projets déposés. Dans le même temps, elle accroît le pourcentage du montant du préciput afin que celui-ci finance l’administration du projet accepté et abonde les crédits de base des laboratoires. Ce faisant, la LPR asservirait le budget pérenne des laboratoires à la réponse aux appels à projet. Une telle conception ne pourrait avoir à l'avenir que des effets particulièrement nocifs sur les recrutements, favorisant certains profils et objets de recherche par rapport à d'autres, sans tenir compte de la qualité. Un seul mot d’ordre régnerait désormais : hors de l’ANR, point de salut !
Enfin, tout en reconnaissant le niveau scandaleusement bas des salaires dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche, cette loi ne prévoit que des augmentations de prime et une dégradation supplémentaire des statuts, en enrichissant les moyens de production de la précarité : tenure track, CDI de mission…
Le département de Philosophie de l’université Bordeaux Montaigne demande l’abandon de ce projet. Il souhaite aussi que soit fait droit aux nombreuses et anciennes revendications portées par une très large majorité des membres de la communauté de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, notamment un plan pluriannuel de recrutement de personnels (chercheurs/chercheuses, maîtres et maîtresses de conférences, professeur.e.s et BIATSS) et une augmentation du budget annuel de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche d’un milliard d’euros constants. Il demande en outre que l’établissement ne remonte pas les auto-évaluations HCERES pour les formations.