Université Bordeaux Montaigne : Mensonges et illégalités

Publié le 31 janvier 2018

 

Communiqué de la section SNESUP-FSU de l'université de Bordeaux Montaigne

31 janvier 2017

 

Mensonges et illégalités

Cher.e.s collègues,

Demain, à l'appel de plusieurs fédérations syndicales regroupant les personnels des universités, les étudiant.e.s et les lycéen.ne.s, une première journée de mobilisation contre le projet de loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants est organisée. Dans notre établissement, elle prendra la forme d'une assemblée générale sur le parvis à 9h30 avant le rassemblement place de la Victoire où nous rejoindrons notamment les lycéen.ne.s et la manifestation.

De nombreux arguments ont été développés. Toutefois, peut-être que l'essentiel n'a pas été encore dit. D'abord, commençons par un rappel. Dans le rapport présenté par un député de la majorité, et adopté, sur le projet de loi, figure la phrase suivante : "Le Gouvernement estime que le nombre de dossiers à analyser dans les formations de Licence oscillera donc entre 2 et 2,5 millions, comme c'est le cas aujourd’hui. En moyenne, il y aura donc 1000 dossiers à analyser par formation de Licence. Ce nombre est significatif, mais peut être pris en charge par des équipes pédagogiques qui sont par hypothèse dimensionnées à la taille de la formation". Le temps que mettraient les équipes pédagogiques (enseignant.e.s et BIATS) a été estimé par notre collègue Yann Bisiou, ancien vice-président de l'université Montpellier 3. La première phase devant se terminer le 22 mai, chacun.e appréciera l'heureuse conjonction avec les examens et les corrections de copies. Les plus critiques oseront même s'interroger sur le sort des redoublant.e.s qui ne l'apprendront que plus tard…

Mais, ne vivons-nous pas dans un monde de machines intelligentes ? Pourquoi ne pas recourir à un algorithme local pour alléger le travail ? Un premier problème apparaît : derrière une procédure nationale, seule garantie d'un diplôme national, voilà que surgissent des procédures locales, dont l'arbitraire sera la règle (par exemple, dans telle université parisienne, en réunion publique, un président a pu affirmer qu'il disposait de statistiques de réussite des étudiants par lycée…). Devant la commission sénatoriale, la ministre n'a pu esquivée le sujet et a dû reconnaître : "Les algorithmes développés par les établissements sont un sujet qui nous préoccupe. L'algorithme Parcoursup peut être paramétré pour examiner certains points spécifiques du dossier de l'étudiant : les notes, la motivation, d'autres compétences...". Quoi ? Le traitement personnalisé impliquant en particulier la rédaction de lettres de motivation par chaque lycéen.ne se traduirait-il en réalité par une gestion automatisée ? Oui, le ministère propose donc aux fonctionnaires que nous sommes nombreux et nombreuses à être, et au-delà à l'ensemble des personnels, à mentir aux lycéen.ne.s et à leurs parents.

Plus grave encore, cette procédure contrevient selon toute vraisemblance à l'article 10 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée ("Informatique et liberté") selon lequel "aucune autre décision produisant des effets juridiques à l'égard d’une personne ne peut être prise sur le seul fondement d'un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l’intéressé ou à évaluer certains aspects de sa personnalité". La duplicité est telle que c'est cette disposition législative qui est évoquée par la ministre elle-même pour justifer sa réforme. Rassurez-vous, cher.e.s collègues, une intervention humaine, la vôtre, finira par être prévue. Sur la base d'une minute par dossier et de mille dossiers à traiter en moyenne par formation, le traitement individualisé représentera un peu plus de 16h30 de travail et une minute pour décider de l'avenir d'un lycéen.ne de 17 ans.

Mais un.e fonctionnaire n'est-il/elle pas obligé.e d'obéir au gouvernement ? Un dernier rappel s'impose ici. Selon les termes mêmes de l'article 28 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, "tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public". En enjoignant des fonctionnaires d'appliquer un projet qui n'a aucun support légal et encore moins réglementaire, le gouvernement propose ni plus ni moins à ses agents de rompre avec ce qui nous rassemble toutes et tous, les statuts de la Fonction Publique, garants de la neutralité de l'État, c'est-à-dire avec le service public.

Face à de tels mensonges et à une telle illégalité, il est plus que temps de manifester notre indignation et notre volonté de contribuer ensemble à un service public d'enseignement supérieur et de recherche fidèle aux principes républicains. À demain donc, 9h30 sur le parvis et à partir de 11h place de la Victoire.

Cordialement,

Christophe Pébarthe, secrétaire de la section SNESUP-FSU de l'université Bordeaux Montaigne