Texte commission 4 - Syndicalisme en temps de crise, voté au congrès d'orientation 2021 à Rennes

Publié le : 25/06/2021

 

 

Le contexte de crise sanitaire et ses conséquences depuis plus d’un an ont fortement marqué et questionné notre activité professionnelle et notre capacité à agir collectivement. Si on peut considérer à première vue que cet aspect est essentiellement conjoncturel, on constate en réalité que le fonctionnement et l’organisation de l’Enseignement supérieur et la recherche (ESR) risquent d’être durablement affectés par les conséquences de la crise sanitaire. Nous devons donc nous interroger sur l’aide que notre syndicat doit pouvoir apporter aux collègues sur ces nouvelles problématiques. 

 

Depuis le mois de mars 2020, l’université oscille entre accueil de toutes et tous les étudiant·es, accueil en demi-jauge, accueil des seuls TP dérogatoires, etc. La présence dans les murs de nos établissements s’est considérablement réduite à chaque phase de confinement et fait basculer les enseignements vers l’usage de la visio-conférence. Par ailleurs, le développement des établissements ou autres structures “expérimentales” dérogeant au code de l’éducation confisquent de plus en plus notre outil de travail en éloignant les lieux de décision de leur mise en œuvre concrète, et la Loi de Programmation de la Recherche (LPR) affaiblit encore le service public de l’ESR dans son ensemble. Celle-ci, entre autres conséquences, amplifiera la précarité de tous les personnels, la course aux financements et la mise en concurrence, et par voie de conséquence la dégradation de nos conditions de travail contre laquelle il nous faut lutter quotidiennement.

 

Des élections professionnelles en ligne de mire dans un contexte de remise en cause du syndicalisme dans la fonction publique

 

Ces dernières années, la juxtaposition des réformes libérales contre la Fonction Publique et ses agent·es (loi de Transformation de la Fonction Publique en 2019 qui a supprimé le paritarisme) combinée aux effets de la crise sanitaire depuis le printemps 2020, ont considérablement dégradé nos conditions de travail et mis en cause nos capacités à y faire face. Les EPE sont mortifères pour la démocratie universitaire. Ils provoquent la disparition de certaines universités en tant que telles. Ils sont des instruments de la mise au pas des universitaires et d’imposition de l'austérité.

 

Dans ce cadre, la fusion des comités techniques (CT) et CHSCT en comités sociaux d’administration (CSA) et la disparition à terme dans leur forme actuelle des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) vont avoir pour conséquences de faire peser la charge des responsabilités militantes sur un nombre réduit de camarades avec le risque d’une professionnalisation des militant·es préjudiciable à un investissement collectif. Le SNESUP réaffirme son mandat de maintien des CT et CHSCT et l’élargissement de leurs prérogatives. 

 

Les élections professionnelles en 2022 représenteront dans ce contexte un enjeu particulièrement important et leur préparation doit être largement anticipée. Nous devons développer un travail fédéral dans l’ensemble des établissements pour faire voter les personnels titulaires, non titulaires, BIATSS, enseignant·es, enseignant·es-chercheur·es, chercheur·es (200 000 personnels environ au total) pour la FSU. Cela passe par l’organisation d’une campagne commune aux syndicats nationaux de la FSU dans l’ESR sur des thématiques communes (lettres d’informations FSU régulières) et au-delà par l’implication dans les instances fédérales. Nous devons par ailleurs obtenir que le MESRI permette l’envoi de documents de campagne au niveau national à tous les collègues, comme cela se fait à l’Éducation Nationale. Nous devons exiger que les organisations syndicales aient accès aux listes des titulaires et des non titulaires des établissements pour permettre l’envoi du matériel de campagne en particulier dans le cadre de la préparation des scrutins concernant les agents non titulaires (CCP ANT). Une communication spécifique vers les agents non titulaires dans le cadre de cette campagne doit être envisagée.

Le SNESUP invite les sections locales SNESUP, SNASUB, SNCS, SNEP, etc… à travailler ensemble au quotidien et à organiser des réunions communes des syndiqués. Il suggère d’utiliser le sigle FSU dans toute communication aux collègues.

 

Le scrutin électronique (dans les conseils centraux cette modalité s’est déjà installée) supprime les possibilités de contrôle de la sincérité du vote. Le SNESUP rappelle son opposition à cette modalité de vote notamment car il ne favorise pas le débat préalable aux élections. Le SNESUP s’oppose au recours à des prestataires privés pour organiser ces élections. Dans les cas où il a été imposé, ce qui pour le SNESUP doit rester exceptionnel, il rappelle la nécessité qu’un accès au réseau soit disponible pour que tous les personnels puissent voter sur leur lieu de travail sans condition de connexion personnelle.  

 

Quels outils syndicaux pour résister à l’affaiblissement de la démocratie (établissements expérimentaux, pilotage bureaucratique) ?

 

Le contexte récent a également été marqué par des transformations importantes dans un certain nombre de nos établissements avec les processus de fusion et la création depuis l’ordonnance de décembre 2018 d’établissements expérimentaux qui peuvent avoir des conséquences importantes sur la participation des organisations syndicales à la vie démocratique de ces établissements. 

 

Nos pratiques syndicales ont été marquées par de nouvelles difficultés : votes à distance dans les instances, personnalités extérieures de plus en plus nombreuses depuis la LRU mais souvent absentes, gestion toujours plus obscure des procurations, connexions « fantômes » pour atteindre le quorum, difficulté à coordonner les élu·es via les interruptions de séance pour construire une position majoritaire … Ces problématiques imposent la maîtrise des outils technologiques et une préparation encore plus anticipée en amont des réunions des instances pour pouvoir agir efficacement.

 

Pour restaurer le débat et les échanges entre les élu·es, il est indispensable que les réunions de toutes les instances se tiennent intégralement en présentiel, sans possibilité d’hybridation et que les pratiques démocratiques soient respectées (quelle que soit la situation, envoi des documents dans les délais réglementaires, procurations nominatives exclusivement).

Malgré la fusion des CHSCT et CT (dont les avis doivent être soumis en CSA pour avoir une valeur) nous tenons à réaffirmer l’importance du travail réalisé dans ces instances notamment dans un contexte de crise sanitaire qui exacerbe la souffrance des personnels. Le SNESUP rappelle que les décharges CHSCT attribuées par les établissements ne sont pas optionnelles et qu’elles doivent être systématiquement attribuées.

 

Le SNESUP dénonce la multiplication des groupes de travail avec participant·es choisi·es par les présidences qui visent à contourner les instances représentatives et diluent la représentativité des élu·es. 

 

Pour soutenir et améliorer la reconnaissance du travail des élu·es dans les institutions nationales comme dans les conseils des établissements et harmoniser les pratiques, nous exigeons la prise en compte de l’investissement des personnels E, C-C, C et BIATSS dans ces instances par l’attribution d’une décharge d’obligations de service. 

 

Quelles réponses syndicales pour défendre tous les personnels dans l’ESR dans un contexte où la précarité se développe de plus en plus ?

 

Depuis de nombreuses années déjà la précarité devient de plus en plus présente dans l’ensemble de l’ESR, pour toutes les catégories de personnels (BIATSS, enseignant·es, chercheur/ses). Ces dernières années, cette tendance s’accentue même puisque le nombre de postes de titulaires est globalement en baisse alors que la hausse des effectifs étudiants est continue et massive. La mise en œuvre progressive de la LPR risque d’accentuer cette évolution majeure dans nos établissements et nos sections syndicales sont déjà et vont de plus en plus être confrontées à la capacité à répondre à ces enjeux. 

 

De plus, la situation professionnelle de certain·es personnels contractuel·les qui multiplient les contrats de natures diverses (ATER, contrats de recherche ou postes d’ingénieur) et dans des établissements différents (CNRS, universités, etc.) nous amène à réfléchir à notre organisation pour défendre leurs droits et leurs métiers, à la fois dans les sections locales, au niveau national et avec les différents syndicats de la FSU pour faciliter leur syndicalisation et leur militantisme. 

 

Le SNESUP affirme l’urgence de s’organiser localement et nationalement pour rendre efficace l’action auprès des collègues précaires, les aider et développer leur syndicalisation. Il en fait un enjeu stratégique pour les années à venir : le secteur "non titulaires", au sein du secteur SDP du SNESUP, doit être renforcé et dynamisé, en impliquant notamment les membres du bureau national et des camarades non titulaires syndiqué.es, et poursuivre les objectifs suivants : apporter des réponses aux situations personnelles des agents non titulaires, mobiliser les collègues précaires et échanger avec les collectifs existants, organiser la réflexion sur les mandats spécifiques, réaliser un bilan national et local des diverses situations des collègues précaires, engager un travail commun avec les secteurs "situation des personnels" (SDP) des autres syndicats de la FSU (SNCS, SNASUB, SNEP ...), organiser la formation des militant·es chargé·es de ces questions dans les sections locales par l’organisation de stages et la production de documents spécifiques, réfléchir à la stabilité et à la continuité de la syndicalisation de ces personnels tenant compte des changements éventuels d’employeurs ou des périodes sans activité.

 

Le suivi de l’activité de ce secteur devra faire l’objet d’un bilan intermédiaire au prochain congrès d'orientation.

 

Plus largement l’amélioration de la prise en charge des affaires personnelles au sein du secteur SDP passe par l’augmentation du nombre  de camarades assurant des permanences au niveau national et local et par leur formation. Cette dernière peut s’envisager par la systématisation du recours aux mémos (mémo du Sup, mémo des jeunes chercheurs ...), aux fiches pratiques et à la consultation des textes juridiques ou encore la mise en œuvre de sessions de  formations spécifiques dont le format doit être repensé. Le SNESUP doit réfléchir à rendre plus facilement accessibles les réponses aux questions récurrentes.

 

Enfin, le SNESUP souhaite favoriser l'engagement militant des femmes encore sous-représentées dans notre organisation dans la prise de responsabilités diverses. Il se fixe comme objectif de tendre vers la parité. Afin de tendre progressivement vers la parité dans les instances, le SNESUP doit se donner les moyens de mesurer l’implication des femmes (demande de décharges nationale et locale) dans celles-ci au regard de la proportion de femmes parmi les syndiqué·es et parmi les collègues de notre champ de syndicalisation, et de questionner l'organisation du travail militant pour favoriser leur engagement.

 

Le SNESUP doit rester vigilant à attribuer des décharges de manière paritaire.  Une formation sur les violences sexistes et sexuelles, en lien avec le centre de formation de la FSU, doit être proposée avant le prochain congrès. Un bilan pourra être présenté dès le congrès d'étude l'année prochaine.

 

 

Renouveler les formes d’action pour gagner la bataille de l’opinion publique 

 

On observe également, depuis quelques années, une accentuation très nette des faits de répression à l’encontre de militant·es engagé·es dans des actions de solidarité, de la jeunesse ou de manifestant·es pour différentes causes (retraites, loi sécurité globale, …). En outre, de façon aussi inquiétante qu’intolérable, des camarades ou collègues sont de plus en plus nombreuses et nombreux à être poursuivi·es dans le cadre de leurs activités militantes au sein des établissements. Ces poursuites abusives sont révélatrices de la volonté de caporaliser toutes et tous les universitaires.

 

Pour ce qui concerne les manifestations de rue, le SNESUP doit appeler à diversifier les modalités d’action et à les adapter au contexte. Il appelle à favoriser l’organisation intersyndicale pour rassembler largement et sécuriser les cortèges. Il appelle à renforcer le travail avec les organisations étudiantes pour massifier les mobilisations. Par ailleurs, la réflexion sur d’autres formes de mobilisation doit être poursuivie, notamment celles qui passent par les réseaux sociaux et les recours juridiques.

 

Le SNESUP appelle à poursuivre le travail pour réunir les collègues (réunions de département, heures d'information syndicale, organisation AG...) afin de rompre l’isolement des collègues et des syndiqué·es, de construire un rapport de force pour gagner sur nos revendications.

 

Le SNESUP rappelle que le droit de manifester est constitutionnel et réaffirme son mandat de suppression de la loi de sécurité globale et de toutes les autres lois restreignant les libertés, notamment la loi séparatisme.