Romuald Bodin
Maître de conférences en sociologie à l’Université de Poitiers
Sophie Orange
Maître de conférences en sociologie à l’Université de Nantes
Janvier 2018
« Les examens de [1ère année d'Université] ont montré que beaucoup de bacheliers ne possèdent pas les connaissances et la formation intellectuelle qu'ils sont censés posséder ».
Jean Bérard, 1949, Le Monde
Le PPT et l'article en pièce jointe nous a aident à décrypter les arguments de vente utilisés par le gouvernement pour nous vendre la réforme.
Le taux d’échec en L1 est loin d’être de 60% comme l’assène le ministère depuis la mise en chantier de la loi pour vendre son projet …et qu’en se penchant finement sur les chiffres, on aboutit à 9% seulement d’abandon sec en fin de L1 : 42% des étudiants passent en L2, 24% redoublent (mais on ne peut pas considérer cela comme un échec), 25% se réorientent (là encore, on ne peut pas considérer cela comme un échec).
Les taux restent stables depuis les années 70 et nous sommes loin de la situation d’urgence qui nous est décrite aujourd'hui. La situation n’est pas pire que depuis 40 ans… en vertu de quoi les bachelier·es d’aujourd’hui devraient plus que celles et ceux d’hier être sélectionné·es?
La sélection ne vaut pas réussite: en médecine il y a un taux de passage en 2ème qui n’est que de 14% mais que là la réponse classique qui est retournée est : « oui mais pour médecine, c’est pas pareil »… et pourquoi ce n'est pas pareil?
Le taux de bacheliers pro et de bac techno est plus important en STS qu’à l’université, et que sélectionner, donc, ne rime pas forcément avec élitisme.
Il y a de nombreux parcours atypiques, non linéaires, des réorientations. Ce fait est particulièrement intéressant car on voit que finalement les étudiants qui entrent en STAPS, comme ailleurs, ne le font pas forcément pour en sortir diplômés STAPS ou de la filière initialement choisie, et que donc la question qui est « doit-on prendre tout le monde en staps ? y-a-il assez de besoins sociaux, assez d’emplois à la sortie? » ne doit pas se poser uniquement comme ça. Un bachelier qui commence un 1er cycle en STAPS peut le finir ailleurs ou ne pas le finir. Mais la formation universitaire doit être envisagée plus largement comme une étape de formation qui ne doit pas forcément déboucher sur le diplôme staps. Un bachelier qui aura eu accès au 1er cycle après le bac vit autre chose du point de vue des expériences que le bachelier à qui on aura barré le chemin a priori et pour qui on aura choisi l’orientation par défaut. Il sera de toute évidence un citoyen plus « éclairé ».
La chance doit être laissée à toutes et tous.
La seule question qui se pose est donc bien finalement une question de moyens pour faire réussir les étudiants. Il ne faut pas biaiser cette question, renoncer à un vrai projet de société (pas celui du gouvernement), ni nous laisser imposer les termes du débat qui voudrait nous amener à résoudre les pbs liés au sous-investissement chronique de l’Etat depuis quelques années. Le choix est politique et non économique…
Pour aller plus loin dans l’argumentation :
https://croquant.atheles.org/savoiragir/luniversitenestpasencrise/
https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2013-4-p-102.htm
