PIA4 : une énième série d’appels à projet (PEPR) qui grève la liberté de recherche - Lettre flash n°44 du 13 décembre 2021

Publié le : 13/12/2021

 

 

Outre le financement de traditionnels établissements “idexés” ou “isités”, le quatrième volet du “programme d’investissements d’avenir” (PIA 4), comporte une nouvelle action - baptisée programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) qui « vise à construire ou consolider un leadership français dans les domaines scientifiques considérés comme prioritaires » et faisant l’objet de la part du gouvernement de stratégies nationales d’accélération (hydrogène décarboné, quantique, etc., voir le site du SGI pour leur mise à jour). L’enveloppe consacrée est de 12,5 milliards d’euros pour ces technologies prioritaires avec un soutien moyen de 50 millions d’euros sur dix ans par PEPR et un maximum à 120 millions.

Ces programmes visent à « structurer et consolider une communauté scientifique » et reposent sur un ou plusieurs copilotes (organismes de recherche mais aussi quelques universités) qui ont la charge « d’identifier, de mobiliser et d’embarquer les communautés concernées par les thématiques retenues et d’en animer la coordination grâce à des financements d’équipements, de moyens humains ou de fonctionnement (…) le plus souvent sous la forme d’appels compétitifs ». Dans le détail, deux catégories de PEPR sont lancées : « accélération » et « exploration ». Dans ce dernier cas, la liberté de proposition laissée aux chercheur·es de terrain aurait pu être séduisante.

Mais le calendrier de la première vague d’appel, dès le second confinement terminé, a été mené au pas de charge, et n’a pas aidé à rendre le processus transparent. Ainsi, dès la fin juin 2021, sur 67 lettres d’intention remontées, 49 ont été confirmées, 20 ont été retenues pour dépôt, 19 ont été admises à concourir au final, 8 ont été sélectionnées pour un oral devant un jury international et 4 lauréats finalement annoncés en septembre dernier pour 200 millions d’euros.

Les quinze projets recalés ont été incités à re-candidater pour un second tour lancé dans la foulée par l’Etat. Les établissements avaient ainsi jusqu’au 4 novembre pour proposer une thématique pour un PEPR exploratoire ou envisager d'être copilote, et jusqu’au 16 décembre ou au 28 février 2022 selon les dispositions en vigueur pour déposer des projets de programmes.

A titre d’illustration, le CNRS était copilote des dix-neuf premiers projets évalués. Sachant qu’il est prévu en tout et pour tout une vingtaine de PEPR dans les trois premières années du PIA, et que l’ensemble des champs thématiques du CNRS ne pourront donc être servis, l'organisme a décidé de ne faire remonter qu’un certain nombre de projets, souvent déjà identifiés et ciblés par la direction, de sorte que, pour l’immense majorité des collègues des laboratoires, PEPR est un énième sigle d’une politique à laquelle ils sont difficilement associés, loin d’une émergence depuis les laboratoires qui serait bien plus saine et féconde. Au rythme où s’est déroulé ce nouvel appel à programmes, et avec un tel mode opératoire, être au courant relève déjà du privilège !

Le SNESUP-FSU déplore ce sempiternel recours aux financements par appels à projets (AAP) compétitifs, chronophage, inéquitable et in fine pénalisant pour la construction collective des recherches, empêchant les collègues enseignant·es-chercheur·es et chercheur·es de travailler collectivement en postulant à des AAP tous azimuts. Si la volonté de consolider des communautés scientifiques peut être louable, le faire par le truchement d’AAP successifs reste contre-productif et débouche sur le sabordage des politiques d’établissements et un pilotage thématique très dirigiste qui grève la liberté de recherche car excluant in fine les propositions du terrain qui ne seraient pas en phase avec un « impact potentiel à long terme des travaux de recherche » décrété par quelques-uns. Le SNESUP-FSU réaffirme que les AAP doivent être l'exception et le financement récurrent la règle.