Le service public de l’ESR supportera-t-il une nouvelle année d’austérité ? - Lettre flash n°79 du 25 septembre 2023

Publié le 25 septembre 2023

 

 

Le dernier rapport de l’OCDE, “Regard sur l’éducation dans le monde 2023” fournit des informations intéressantes sur l’ESR pour l’année 2020. Concernant la dépense par étudiant·e dans l’enseignement supérieur, recherche comprise, on y apprend ainsi que la France occupe le 14e rang mondial derrière la Belgique, l’Allemagne ou l’Autriche. Hors recherche, l’enseignement supérieur se situe au 12e rang mondial derrière la Belgique, les Pays-Bas ou la Slovénie. 


En 2022, l’exécution budgétaire de la MIRES1 est globalement conforme au budget voté en loi de finances initiale (LFI)2 avec un léger dépassement de 113 M€ du programme 150 “enseignement supérieur et recherche universitaire” qui a nécessité le dégel de la réserve de précaution. En réalité cela cache la non exécution de 119 M€ au niveau de la recherche universitaire, ce qui équivaut :

 

  • au budget recherche d’une université de 6000 personnels titulaires comme l’Université de Strasbourg ;

     

  • ou à la masse salariale correspondant à 2000 emplois !

 


A propos de la Loi de finances initiale 2023, la Ministre peut mettre à son actif d’avoir obtenu le budget de la MIRES correspondant à la  part du budget général de l’Etat le plus faible depuis plus de 17 ans :  5,5 % contre plus de 6,8 % en 2011 (figure 1). Si en 2023, le budget de la MIRES avait la même quotité qu’en 2011, ce seraient 7,6 Md€ supplémentaires dont nos différents programmes et établissements auraient pu bénéficier ! 


 

En 2024, la politique de l’offre qui réduit les impôts notamment des plus riches et des multinationales se poursuit et conduit le gouvernement à baisser de 4,2 Md€ les dépenses de l’État (-1 %). Ainsi le budget de la MIRES ne progresserait que de 1,1 Md€ (+3,6 %) entre le projet de loi de finance (PLF) 20243 et la loi de finance initiale (LFI) 2023. 


 

Cette augmentation ne couvre pas les dépenses obligatoires prévues, à hauteur de 1,6 Md€ :

 

  • 500 M€ pour revaloriser les bourses étudiantes et augmenter le nombre de leurs bénéficiaires ;

     

  • 500 M€ pour assurer la trajectoire budgétaire de la LPR ;

     

  • 330 M€ pour assurer la revalorisation de 1,5 % du point d’indice au 1er juillet 2023 ;

     

  • 190 M€ pour les autres mesures salariales de la Fonction publique ;

     

  • 15 M€ pour l’accompagnement de la mise en place de la 3e année du BUT et la création de nouvelles filières ;

     

  • 15 M€ pour la prolongation des contrats doctoraux ;

     

  • 50 M€ au moins pour  l’augmentation de l’enveloppe du dialogue stratégique de gestion


 

C’est donc sur leurs « fonds de roulement » que l’ensemble des établissements sont appelés à  puiser pour compenser les 500 M€ qui manquent a minima, et cela, sans même prendre en compte nos revendications.


 

En effet, ce qui est attendu pour investir dans la recherche et l’enseignement supérieur est d’une toute autre ampleur :

 

  • Avec une inflation en 2023 de 4,9 %, le PLF 2024 devrait prévoir une augmentation du budget de la MIRES par rapport à la LFI 2023 de 1,5 Md€ afin notamment de permettre l’augmentation du point d’indice en 2024 !

     

     

  • Les inégalités historiques et la croissance du nombre d’étudiant·es (+20 % en 10 ans), variable selon les établissements, ont conduit à des différences de taux d’encadrement qui varient du simple au double et de SCSP4 par étudiant·e qui varient du simple au triple. 


 

Ce n’est plus acceptable ! Dans un premier temps pour réduire seulement de moitié ces inégalités, nous revendiquons un plan de recrutement de 12 000 agents titulaires, pour moitié enseignant·es et enseignant·es chercheur·es et pour moitié personnels BIATSS. C’est possible puisqu’en 2022 13 543 emplois ont été gelés dans notre ministère. Cela représente un investissement de 1,2 Md€.


 

Avec les dépenses déjà prévues, c’est donc une marche de 4,3 Md€ qui est attendue soit une progression de 14 % du budget ou une réorientation de 60 % du Crédit Impôt Recherche (CIR) vers l’ESR public5. Pour le CAC40 cela représenterait 5,3 % des 80 Md€ des dividendes et des rachats d’action versés en 2022 aux actionnaires (encore en progression en France +10,3 % en 2023 par rapport à 2022). 

 

D’autres financements existent dont les plus de 2 milliards d’aide de l’Etat aux entreprises embauchant des apprenti·es qui sont capté·es par les établissements privés de l’enseignement supérieur. 

 

L’austérité, ce n’est pas pour tout le monde !

 

 

 


 

Figure 1 : Part du budget de la MIRES dans le budget général de l’État (hors variation de périmètre)

[Source : Cour-des Comptes, Analyse de l’exécution budgétaire 2022, Mission « Recherche et enseignement supérieur », avril 2023 et PLF 2024]


 

Paris, le 25 septembre 2023

 

1 Mission interministérielle pour la recherche et l’enseignement supérieur qui regroupe notamment les budget des établissements d’enseignement supérieur et des organismes de recherche de différents ministères ainsi que les CROUS.

 

2 Loi de finance initiale votée à l’automne pour l’affectation des crédits de paiement de l’année suivante.

 

3 Le projet de loi de finance (PLF) correspond au projet du gouvernement en vue des débats au parlement qui aboutissent au vote de la LFI.

 

4 Subvention pour charge de service public affectée par l’État aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche dans le cadre de leur budget global annuel.

 

5 « Redistribution, innovation, lutte contre le changement climatique : trois enjeux fiscaux majeurs en sortie de crise sanitaire », rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), Cour des Comptes, février 2022