Le droit de retrait dans la fonction publique

Publié le : 31/03/2020

Analyse de la "note de la DGAFP du 25/03/2020 intitulée : Covid-19 et droit de retrait dans la fonction publique"

 

La note de la DGAFP est reproduite ci-dessous et est commentée au fur et à mesure

 

« Le droit de retrait présente la particularité de s’exercer à l’initiative de l’agent, même si celui-ci doit alerter son employeur préalablement.

Un exercice inapproprié du droit de retrait est donc possible. Il est donc essentiel que les employeurs puissent répondre à toute question sur le sujet et fournir en temps utile une information qui permettra aux agents de ne mobiliser le droit de retrait que dans des cas qui le justifieraient réellement.

Dans quelles conditions les agents peuvent-ils exercer leur droit de retrait ?

Le droit de retrait est une disposition permettant à l’agent qui a un motif raisonnable de penser que la situation de travail à laquelle il est confronté présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, ou qui constate une défectuosité dans les systèmes de protection, de se retirer de son poste de travail sans encourir de sanction ou de retenue sur salaire. Prévu pour le secteur privé aux articles L.4131-1 et L.4131-3 du code du travail, il est organisé, pour les agents publics d’État, par les dispositions de l’article 5-6 du décret n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène, et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique.

Le TA de Besançon a, par un jugement du 10 octobre 1996 Glory c/ commune de Châtenois-Les-Forges, considéré que le droit de retrait constituait un principe général du droit bénéficiant à tout agent public. Suivant cette interprétation, il s’agit donc d’un droit subjectif de l’agent de se retirer d’une situation de danger imminente, tout en sachant que ce comportement doit avoir des bases objectives.

Préalablement à l’exercice de ce droit, l’agent a l’obligation d’alerter son chef de service du problème à l’origine de son intention d’utiliser le retrait, les textes n’imposant pas de formalité particulière (cf. annexe 1). »

Analyse : rappelons qu’aux termes de l’article 3 du décret n°82-453 du 28/05/1982, les articles L.4131-1 et L.4131-3 du code du travail sont applicables dans la fonction publique.

 

« À partir de quand peut-on parler d'un danger grave et imminent ?

Le danger est défini comme la capacité ou la propriété intrinsèque d’un équipement, d’une substance ou d’une méthode de travail de causer un dommage pour la santé (les dangers de l’électricité, de l’amiante, de la manutention manuelle...). Le danger est distingué du risque qui représente l’éventualité de la rencontre entre une personne et un danger auquel elle peut être exposée.

Sur la notion de « danger grave », la circulaire du ministre du travail n 93-15 du 25 mars 1993 relative à l'application de la loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982 donne la définition suivante : « tout danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée ». Pour les tribunaux, ce danger doit être distingué du risque « habituel » du poste de travail et des conditions normales d’exercice du travail, même si l’activité peut être pénible ou dangereuse. Un travail reconnu dangereux en soi ne peut justifier l’exercice du droit de retrait.

Concernant la question de l’imminence, le droit de retrait vise « tout danger susceptible de se réaliser brutalement et dans un délai rapproché » (circulaire du ministre du travail du 25 mars 1993). C’est, ainsi, la proximité de la réalisation du dommage (et non celle de l’existence d’une menace) qui doit être prise en compte. L'imminence ne concerne donc pas seulement la probabilité, mais la probabilité d’une survenance dans un délai proche (CA Paris 26 avril 2001, 21ème ch., Verneveaux c/ RATP).

Concernant une situation épidémique, on peut en déduire, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, que dans la mesure où le droit de retrait vise une situation de travail, la crainte que représenterait par exemple une contamination dans les transports (exposition environnementale) ne saurait constituer a priori une base solide d’exercice du droit de retrait. »

Analyse : la notion de danger pouvant référer, selon le contexte, à des définitions fort variées, la DGAFP aurait été bien avisée d’indiquer les sources de son interprétation restrictive.

On rappelle que les circulaires sont dépourvues de portée normative, et ne sauraient, par suite, constituer des références de vocabulaire juridique, outre que celles du ministère du travail ne sont pas destinées aux employeurs de droit public ni à leurs agents.

La DGAFP aurait été encore bien avisée de fournir les références des jugements de tribunaux (lesquels : judiciaires ou administratifs ?) dont elle se prévaut en ce qui concerne la distinction entre « danger » et « risque habituel du poste de travail » pour affirmer : « Un travail reconnu dangereux en soi ne peut justifier l’exercice du droit de retrait ».

On ne voit pas comment on pourrait « déduire » de ce qui précède que le danger de contamination (dans les transports ou sur le lieu de travail) ne saurait justifier l’exercice du droit de retrait. Car en cette période d’épidémie la contagion représente bel et bien un danger. Sinon pourquoi diable le gouvernement nous impose-t-il le confinement ? Le danger est imminent puisque la maladie se déclare dans les jours qui suivent la contamination, et il y a suffisamment de personnes hospitalisées dans un état grave, et de morts, pour qu’on puisse qualifier le danger de grave. Pour reprendre les termes employés plus haut dans cette circulaire, et en l’absence de mesures de protection individuelles (masques et gants), « ce danger doit être distingué du risque « habituel » du poste de travail et des conditions normales d’exercice du travail ».

Qualifier la contamination d’« exposition environnementale » ne suffit pas non plus pour écarter le droit de retrait : la jurisprudence reconnait l’exposition à l’amiante (TA Marseille, 24 mai 2011, n°0805542 ; CA Besançon, Chambre sociale, 7 mai 2019, n° 18/00317) ou même au tabac (CAA Bordeaux, 8 novembre 2007, n°05BX00282) comme justifiant l’exercice du droit de retrait.

 

« Existe-t-il des missions incompatibles avec le droit de retrait ?

Le droit de retrait, comme tout droit accordé aux fonctionnaires, doit pouvoir être articulé avec la nécessité de continuité du service public et de préservation de l’ordre public (cf. sur le droit de grève qui est un droit constitutionnel, CE, 7 juillet 1950, Dehaene). »

Analyse : le droit de grève n’a rien à voir avec le droit de retrait. Les limites apportées au droit de grève sur le fondement de la continuité du service public ou la préservation de l’ordre public ne s’appliquent pas au droit de retrait. Le Conseil Constitutionnel a d’ailleurs jugé que les limites apportées au droit de grève doivent opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte. Or le droit de retrait est sans rapport avec la défense des intérêts professionnels, il concerne exclusivement le droit à la santé et le droit à la vie garantis par le préambule de la Constitution de 1946 (alinéa 11) et l’article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

« Dans ce cadre, un certain nombre de métiers ou corps de fonctionnaires sont visés par des arrêtés interministériels de limitation du droit de retrait (policiers municipaux, administration pénitentiaire, agents en fonction dans les missions diplomatiques et consulaires, sapeurs-pompiers, militaires – en raison de leur statut - ). »

Analyse : Pourquoi ne pas citer les paragraphes III et IV de l’article 5-6 du décret n°82-453 :

« III. La faculté ouverte au présent article doit s'exercer de telle manière qu'elle ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent.

IV. La détermination des missions de sécurité des biens et des personnes qui sont incompatibles avec l'exercice du droit de retrait individuel défini ci-dessus en tant que celui-ci compromettrait l'exécution même des missions propres de ce service, notamment dans les domaines de la douane, de la police, de l'administration pénitentiaire et de la sécurité civile, est effectuée par voie d'arrêté interministériel du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé du travail et du ministre dont relève le domaine, pris après avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ministériel compétent et de la commission centrale d'hygiène et de sécurité du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État. » ?

Exemple : l’arrêté du 15 mars 2001 portant détermination des missions de sécurité des personnes et des biens incompatibles avec l'exercice du droit de retrait dans la fonction publique territoriale (JO du 24/03/2001), qui dresse la liste, restrictive, des missions lors desquelles les sapeurs-pompiers, policiers municipaux et gardes-champêtres ne sont pas admis à se prévaloir du droit de retrait : incendie et secours, et missions visant à préserver le personnes d’un danger grave et imminent pour leur vie ou pour la santé. Ce n’est, ainsi, pas en raison de leur statut que ces agents sont, partiellement, privés du droit de retrait.

Certes, mais ces limitations sont elles-mêmes strictement encadrées. S’agissant, par exemple, des policiers municipaux, l’exclusion du droit de retrait ne porte que sur les missions visant à préserver les personnes d’un danger grave et imminent pour la vie et la santé (arrêté du 15 mars 2001). De même, pour les sapeurs-pompiers dont l’exclusion ne concerne que les situations opérationnelles.

 

« En période d’épidémie, les personnels qui sont exposés au risque de contamination du virus du fait de la nature de leur activité habituelle (personnels de santé ; personnels chargés du ramassage et du traitement des déchets par exemple), parce qu’ils sont systématiquement exposés à des agents biologiques infectieux du fait même de l’exercice normal de leur profession (risque professionnel) ou parce que leur maintien en poste s’impose pour éviter toute mise en danger d’autrui, ne peuvent légitimement exercer leur droit de retrait, au seul motif d’une exposition au virus à l’origine de l’épidémie. »

Analyse : ces assertions constituent des arguments d’autorité dont les éventuels fondements juridiques sont omis.

Les personnels systématiquement exposés à des agents biologiques infectieux du fait de l’exercice normal de leur profession sont normalement – ou plutôt obligatoirement -- munis d’équipements de protection individuelle adaptés (masques FFP2 voire FFP3, gants, lunettes de protection etc.). Le fait de ne pas respecter les consignes de sécurité qui en découlent peut même constituer une faute professionnelle passible de sanctions disciplinaires. On ne peut pas raisonnablement considérer que les personnels des établissements hospitaliers sont exposés au risque de contamination par le covid19 « du fait de leur activité habituelle », sauf à considérer que l’épidémie qui fait rage est elle-même un phénomène habituel. Certes, le seul motif d’un risque d’exposition au virus, sans précision supplémentaire, ne peut légitimer l’exercice du droit de retrait. Il n’en va pas de même lorsque ces personnels sont exposés plusieurs heures par jour sans équipement de protection à un virus dont la contagiosité a atteint en quelques semaines plusieurs milliers d’entre eux, et même causé quelques décès.

 

« Pour ces professionnels exposés de manière active au virus, il convient de prévoir des mesures de protection renforcées (masques, consignes d’hygiène, mesures d’organisation, suivi médical...).

Quelles mesures de précaution prendre, notamment à l’égard des personnels ayant un contact étroit et régulier avec le public ou une communauté ?

Il est rappelé que, d’après les données épidémiologiques disponibles à ce jour, seul un contact rapproché et prolongé avec des personnes présentant des symptômes pourrait les contaminer. »

Analyse : on aimerait connaitre l’origine des « données épidémiologiques disponibles à ce jour » à l’appui de cette affirmation.

 

« La transmission du virus se fait par un contact étroit et notamment l’émission de gouttelettes de salive qui pénètrent dans les voies respiratoires. »

Analyse : d’où l’absolue nécessité du port de masques capables de bloquer la pénétration de ces gouttelettes dans les voies respiratoires.

 

« Un contact étroit s’entend d’une personne qui a partagé le même lieu de vie que le cas confirmé pendant plusieurs heures et/ou a eu un contact direct avec lui, en face à face, à moins d’un mètre du cas et/ou pendant plus de 15 minutes, au moment d’une toux, d’un éternuement ou lors d’une discussion. »

Analyse : on voit ressortir ici la fable selon laquelle il faudrait au moins 15mn de « contact étroit » avec une personne contaminée pour l’être à son tour. C’est une affirmation dangereuse qui ne repose sur aucune donnée scientifique et est contredite par la rapidité et l’étendue avec lesquelles le virus s’est répandu.

 

« De ce fait, les mesures « barrière », disponibles et actualisées sous https://www.gouvernement.fr/infocoronavirus,garantissent le respect des recommandations du gouvernement, notamment celles ayant trait au lavage très régulier des mains. Elles peuvent, le cas échéant, être complétées par des mesures comme l’installation d’une zone de courtoisie d’un mètre pour les personnels de guichet. »

Remarque : il fallait y penser, la courtoisie comme procédé prophylactique !

 

« Pour les agents en contact régulier et étroit avec le public ou une communauté, l’exercice du droit de retrait se fondant sur l’exposition au virus ne peut donc trouver à s’exercer que de manière tout à fait exceptionnelle, les conditions de danger grave et imminent n’étant en principe pas réunies. En revanche, les mesures de prévention doivent être particulièrement déployées à leur intention. »

Analyse : dans la vie réelle, nombre de ces agents, y compris parfois les personnels de services public de santé, constatent que les conditions de DGI sont, au contraire, bel et bien réunies, faute pour l’État de leur fournir les moyens indispensables de protection.

On vient pourtant d’affirmer quelques lignes plus haut que « La transmission du virus se fait par un contact étroit et notamment l’émission de gouttelettes de salive qui pénètrent dans les voies respiratoires. » Quelles sont donc ces mesures de prévention qui doivent être déployées à l’intention des personnels « en contact régulier et étroit avec le public » ? Qu’ils se lavent régulièrement les mains pour empêcher la pénétration de gouttelettes dans leurs voies respiratoires ? Qu’ils limitent les contacts avec chaque personne à moins de 15 mn (on pourrait même leur fournir un sablier...). Tout ça n’est pas sérieux.

 

« Existe-t-il des sanctions en cas d’exercice abusif du droit de retrait ?

Il est rappelé qu’aucune sanction ou retenue sur salaire ne peut être appliquée dans le cas de l’exercice légitime du droit de retrait.

Par contre, en cas d’usage abusif du droit de retrait il est possible de procéder à une retenue sur traitement pour service non fait.

Une sanction disciplinaire peut également être prononcée pour un comportement contraire à l'obligation d'obéissance ou pour absence injustifiée.

 

Annexe : Éléments de jurisprudence

1. Modalités d’exercice du droit de retrait

- La jurisprudence n’exige pas d’information écrite. Statuant sur le fondement des dispositions du code du travail reprises par les textes fonction publique, le Conseil d’État a en effet estimé à plusieurs reprises que le règlement intérieur d’une entreprise ne pouvait pas imposer à un salarié de signaler le danger par écrit (CE 12 juin 1987 n° 72388 Sté Gantois).

- Par ailleurs, le droit de retrait doit s’exercer de telle manière qu’il ne crée pas pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent. Cette rédaction implique que le retrait ne peut s’effectuer s’il crée un danger grave et imminent pour des tiers (collègues ou usagers).

- Il convient de rappeler que le chef de service doit être à même de justifier qu’il a pris toutes les mesures de protection adéquates pour la santé de son personnel. Dans ce cadre, l’information le plus en amont possible des agents et de leurs représentants sur les mesures de protection prises doit également permettre de limiter l’exercice infondé du droit de retrait qui peut entraîner retenue sur rémunération ou sanctions (cf. infra).

2. Conditions d’exercice du droit de retrait : la notion de danger grave et imminent

Les tribunaux tendent à ne reconnaitre l’existence d’un danger grave et imminent que dans des hypothèses peu nombreuses correspondant à des situations aiguës de danger :

  • TA de Besançon 10 octobre 1996 n° 960071 Glory c/ commune de Châtenois-les-Forges: le TA reconnait l’existence d’un danger grave et imminent dans le cas où un agent avait pour mission de fixer les illuminations de Noël à partir d’une échelle et d’un godet de tracteur levé à 4 mètres du sol sans protection suffisante.

  • CAA de Marseille 10 février 2009 n° 06MA01703 M. D’Angeliis : l’exercice du droit de retrait est justifié en cas de risque d'agression d'un agent par ses collègues en raison de « l'attitude excessivement vindicative de l'intéressé » et de « ses diverses dénonciations dénuées de fondement ».

Les tribunaux ne reconnaissent en revanche pas l’existence d’un danger grave et imminent :

  • Si la dangerosité de l'opération à réaliser reste éventuelle ou hypothétique ou lorsque la menace n'affecte pas directement l'agent public :

  • Cas d’un agent dont les collègues avaient été victimes, sur des missions équivalentes, de jets de pierres, menaces et insultes (CAA Lyon, 22 déc. 2009, n° 07LY00746, Perrin ; TA Nancy, 22 mars 2011, n°0901907, M. Lelièvre,),

  • Cas d’un agent en charge du nettoyage des portes extérieures d'une maison de retraite où des inconnus se sont introduits à plusieurs reprises (CAA Lyon, 12 juill. 2010, n° 09LY00879, Hernandez)

  • Lorsque le danger invoqué n’est pas considéré comme suffisamment grave :

  • la dégradation des conditions de travail au sein d'un établissement scolaire (TA Cergy-Pontoise, 16 juin 2005, n° 0106154, Moreau)), le non-respect des règles de sécurité dans un lycée (TA Melun, 2 juin 2015, n° 1403228, Mme V.,4), le non-respect des règles d'hygiène dans des cuisines administratives (CAA Nantes, 7 mai 2008, n° 07NT01812, Cariou c/ Min. de la Défense.) ou la température jugée trop basse par un agent dans les locaux de travail (TA Amiens, 20 mai 2011, n° 091781, Dumont.) ne peuvent fonder l'exercice du droit de retrait.

  • de même, dans la situation où des batteries déversaient de l'acide sur le sol et dans une armoire électrique en contact avec l'eau d'un garage (CAA Bordeaux, 25 avril 2005, n° 04BX02006, Mocka.), en cas d’émanation de solvants résultant de la pose de moquette dans les locaux (CAA Versailles, 13 déc. 2005, n° 03VE2598, Bruno) ou en présence avérée de déjections de chauve-souris dans plusieurs salles d'une école et de défectuosités affectant la toiture et les toilettes de cette école (CE 18 juin 2014, n° 369531, Min. de l'Éducation nationale c/ Mme Casa Nova Zatar eta.)

  • Lorsque la situation de danger ne diffère pas du risque habituel inhérent à la fonction exercée, même si l’activité peut être pénible ou dangereuse :

  • Situation du personnel hospitalier exposé à des risques de contamination par le virus HIV ou de l’hépatite B (TA Versailles 2 juin 1994 Hadjab et a. c/ Administration générale de l’Assistance publique).

  • Cas dans lequel un agent public disposait de la qualification requise pour exercer une fonction présentant un risque connu (TA Nîmes 15 octobre 2009 Felices).

  • Dès lors que l’administration est intervenue rapidement pour faire cesser le danger et protéger l’agent (CAA Paris 26 avril 2001, TA Melun 13 juillet 2012).

Concernant la question de l’imminence, le droit de retrait vise « tout danger susceptible de se réaliser brutalement et dans un délai rapproché » (Circulaire du ministre du travail du 25 mars 1993). C’est la proximité de la réalisation du dommage (et non donc celle de l’existence d’une menace) qui doit donc être prise en compte. L'imminence ne concerne donc pas seulement la probabilité, mais la probabilité d’une survenance dans un délai proche (CA Paris 26 avril 2001, 21ème ch., Verneveaux c/ RATP).

3. L’usage abusif du droit de retrait

En cas de contentieux, il appartient à l’agent qui revendique l’usage de son droit de retrait, de prouver l’existence effective d’un danger grave et imminent. »

Analyse : Cette affirmation est contredite par la jurisprudence : l'exercice du droit de retrait ne requiert pas une situation objective de danger grave et imminent, mais exige que le salarié concerné ait un motif personnel et raisonnable de penser qu'une telle situation existe (Cass. Soc., 23 avril 2003, n° 01­44.806). Il est piquant de constater qu’elle est également contredite par le « Guide juridique » d’application du décret n° 82-453 publié par la DGAFP elle-même le 10 avril 2015 :

« Les juridictions sociales recherchent, au cas par cas, non pas si la situation de travail était objectivement dangereuse, mais si le salarié justifiait d'un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé. » (p.17 du guide juridique, en gras dans le texte !)

Analyse : c’est donc à l’employeur qu’il appartient de démontrer, en cas de contentieux, que l’agent ne pouvait avoir aucun motif raisonnable de penser que la situation présentait un DGI.

« Si l’autorité administrative (en lien avec le CHSCT) ne reconnait pas l’existence d’une situation de danger grave et imminent, plusieurs options lui sont ouvertes par la jurisprudence :

  • procéder à une retenue sur traitement pour service non fait (CAA Paris 24 juin 2008 M. Bachelot n° 05PA02748, Conseil d’État 18 juin 2014),

  • prononcer une sanction disciplinaire à son encontre pour un comportement contraire à l'obligation d'obéissance ou pour absence injustifiée (CAA Lyon, 22 déc. 2009, M. Perrin,.; TA Nancy, 22 mars 2011, M. Lelièvre,),

  • Enfin, dans les cas les plus extrêmes, l'agent s'expose à une procédure d'abandon de poste (CAA Paris, 30 juin 2009, n° 07PA01765, Agbo.). »

Analyse : pour conclure, observons que cette note passe totalement sous silence la question des sanctions susceptibles de frapper l’employeur qui, faute d’avoir pris toutes les mesures de nature à exécuter son obligation d’assurer la santé et la sécurité du personnel, expose le personnel à un DGI, ni la responsabilité qu’il encourt lorsqu’un agent est victime d’un accident subi ou d’une maladie contractée aux lieu et temps de travail alors qu’il avait exercé son droit de retrait…(en particulier, s’agissant des agents non fonctionnaires, l’imputation à l’employeur d’une faute inexcusable, entraînant la réparation intégrale des préjudices subis par la victime et/ou ses ayants-droits).

Il aurait également été utile, pour être plus complet, de mentionner les dispositions de l’article 5-7 du décret n°82-453 relatives à l’intervention des représentants du personnel au CHSCT constatant une cause de DGI.