Discours d'introduction du secrétaire général (Hervé CHRISTOFOL) au congrès 2017

Publié le : 11/05/2020

 

Je tiens à remercier la section de Paris 1 et Frédéric Régent son secrétaire pour leur aide pour l’organisation de ce congrès dans les locaux historique de la Sorbonne.

 

Nous sommes 49 ans après mai 1968, mais rappelons nous que les mouvements sociaux n’ont pas attendu l’année 1968 pour éclater. Les universités dans le monde étaient déjà mobilisées à Berlin et aux États-Unis en 1967 et des conflits sociaux avaient totalisé 4,5 millions de journées de grève en France en 1967, au chantier naval de Saint-Nazaire (63 jours) chez Sud Aviation (l’ancêtre d’AIRBUS), ou chez RhodiaCeta à Besançon (occupation durant 5 semaines) cher Berliet ou dans les mines de fer de Loraine, … En 1967, « le 17 mai une grève générale interprofessionnelle unitaire (CGT, CFDT, FO et FEN), contre les projets d’ordonnances sur la Sécurité sociale, qui visaient à faire disparaître la gestion par les organisations syndicales, est l’occasion de manifestations très massives. Les ordonnances seront adoptées le 27 août : beaucoup s’en souviendront un an plus tard. Le 25 mai, en Guadeloupe, les forces de l’ordre tirent sur une manifestation d’ouvriers demandant une augmentation salariale de 2,5 %, faisant morts et blessés. Le mouvement de révolte qui suit dure trois jours, faisant des dizaines de morts (probablement 85). En octobre, trois manifestations violentes embrasent la ville du Mans, successivement les agriculteurs, les ouvriers de Renault, enfin ceux de Jeumont Schneider, Glaenzer-Spitzer et Ohmic. Les manifestants convergeant vers le centre-ville bousculent les barrages de CRS et donnent l’assaut à la préfecture. » [PAZ Charles, « 1967-1968 : Des grèves ouvrières annonciatrices », jeudi 1er mai 2008, http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article10134 ]

 

Aujourd’hui également la situation des universités, des universitaires et des étudiants dans le monde est préoccupante ! L’excellent documentaire diffusé sur Arte le mardi 16 mai « étudiants, l’avenir à crédit » montre l’étendue du développement de la marchandisation de l’enseignement supérieur ses conséquences pour les personnels et les étudiants et combien les appétits des managers souhaitant augmenter leurs salaires convergent avec les velléités de certains responsables politiques souhaitant désengager l’État de cette « dépense publique ».

 

Mais les services publics et la fonction publique ne sont ni une dépense ni une charge ! Ils produisent de la valeur, ils sont un investissement et une richesse. L’enseignement supérieur et la recherche produisent l’une des plus précieuse, la connaissance et contribue par la formation à sa diffusion et à l’émancipation de notre jeunesse ainsi qu’au progrès humain et au développement de notre société dans son environnement.

 

Nous connaissons désormais le gouvernement et le cabinet de Dominique Vidal, Ministre de l’Enseignement supérieur de la Recherche et de l’Innovation. Son directeur de cabinet Philippe Baptiste a été nommé chef du service de la stratégie de la Recherche et d’Innovation de la DGRI sous le ministère de Geneviève Fioraso et le directeur adjoint de son cabinet, Nicolas Castioldi a été au cabinet de Valérie Pécresse. Au-delà des personnes ces nominations confirment la poursuite voire l’accélération des politiques mises en œuvre ces dix dernières années.

 

Le programme d’Emmanuel Macron pour l’enseignement supérieur et la recherche va entraver nos missions : c'est toujours plus d' « autonomie », de politique d' « excellence » et d'incitation aux fusions pour « sanctuariser » le budget et les emplois afin d’augmenter les inégalités entre établissements au profit d’une poignée d’entre eux qui concentreront les financements sur appels à projet concurrentiels pour progresser dans les classements internationaux. Pour reprendre les termes de la Ministre il y a ceux « qui ont su tirer parti des opportunités des PIA » et les autres… Ce programme acte un désengagement de L’État face à la croissance démographique étudiante qui instaurerait la sélection en licence par l'entremise de pré-requis, augmenterait « modérément » les frais d'inscription, dégraderait nos conditions de travail et piloterait étroitement la recherche. Ce n'est pas ainsi que nous réussirons la démocratisation de l'enseignement supérieur, augmenterons les taux d’encadrement des étudiants et leur réussite, diminuerons la précarité et que nous permettrons aux universitaires et aux chercheurs de relever les défis de notre société en toute indépendance.

 

Comme je l’évoquais dans le dernier éditorial de notre revue : serait-ce la théorie économique du ruissellement appliquée à la science ? Celle-ci préconise qu’en baissant les impôts des plus riches et en leur permettant de devenir encore plus riches ils investiront, créeront de l’emploi et permettront aux classes intermédiaires puis aux classes défavorisées de subvenir à leurs besoins. Appliquée à l’enseignement supérieur et la recherche, cette théorie économique qui n’a jamais permis ni de réduire les inégalités, ni même de créer de la croissance (car les plus riches n’investissent pas pour créer des emplois), se propose de ne financer que les laboratoires les plus productifs (bibliométriquement parlant ou en terme de brevets) en espérant qu’ainsi ils produisent encore plus et qu’ils génèrent à eux seuls des innovations susceptibles de créer des start-up qui elles créeront des emplois. Missions est données aux autres universitaires soit de continuer à postuler pour accéder à l’ « excellence », soit de se reconvertir, soit de changer de métier ?

 

Mais rien n’est écrit, le gouvernement ne pourra pas passer en force sur les retraites, le code du travail, le démantèlement de la fonction publique et de l’enseignement supérieur. Notre congrès d’orientation devra nous permettre de nous rassembler pour proposer aux collègues de s’investir dans l’action collective et sortir du concept du « chacun pour soi ». Les mobilisations ne se décrètent pas mais nous devons tout mettre en œuvre pour que la communauté soit en capacité de le faire : l’informer, l’écouter, l’accompagner, l’organiser.

 

Notre CA a proposé que notre congrès travaille sur quatre thématiques,

 

1. La démocratie universitaire et la démocratie syndicale :

 

2. Les restructurations de la recherche :

 

3. Les statuts des personnels, les conditions de travail et la réalité du travail :

 

4. L’accès et la réussite en licence fonctions et finalités de la licence et du premier cycle :

  • à l’image de la société, la démocratie universitaire se porte mal, plus 50 % d’abstention au 1er tour des élections législatives. Prime majoritaire, qui fait qu’avec 30 % des suffrages on emporte plus de 60 % des sièges. De la même manière, l’opposition est laminée dans nos CA et nos CAC et les travaux des conseils sont peu suivis par les collègues ;
  • notre démocratie syndicale est également en difficulté avec 23 % de participation, nous perdons 1,23 % par rapport à 2015 et la vie syndicale dans nos sections et nos établissements est difficile à animer ;

  • le pilotage via les appels à projet et la faiblesse des moyens récurrents ;

  • l’exclusion de collègues de laboratoires et la destruction des collectifs par la mise en œuvre des politiques d’excellence ;

  • l’augmentation de la charge de travail et des missions (travail le soir, le week-end et durant les congés) ;

  • organisation de la précarité et dénigrement des statuts de la fonction publique alors qu’ils sont une garantie d’indépendance, de qualification et de responsabilité ;

  • dénonciation du double discours face à la croissance du nombre d’étudiants : démocratisation et volonté de ne pas tous les accueillir ! ;

  • danger de la mise en œuvre des référentiels de compétences qui se substituent à la qualification des diplômes ! => individualisation et marchandisation.

 

J’insiste sur la nécessité d’actualiser nos mandats sur ces quatre thématiques car le gouvernement qui veut légiférer par ordonnances pourrait intervenir dès cet été comme cela a déjà été le cas en août 2007 ou de manière un peu différente en juillet 2013.

 

Merci de votre attention, merci d’avoir répondu à l’invitation et d’être présent, de consacrer du temps pour partager vos expériences, vos analyses et vos réflexions, merci pour votre engagement et votre militantisme syndical. La communauté compte sur nous pour l’informer mais aussi pour lui proposer des alternatives et des mobilisations pour les faire advenir !

 

Je laisse l’organisation des débats au bureau du congrès qui vient d’être élu : bon congrès !