DECLARATION LIMINAIRE ORALE DE LA FSU AU CNESER PLENIER DU 12 SEPTEMBRE 2023

Publié le 13 septembre 2023

Bonjour Madame la Ministre,

Je suis Dimitri Peaucelle du SNCS-FSU et nous ferons notre intervention au nom de la FSU à deux voix avec Caroline Mauriat co-secrétaire générale du SNESUP-FSU en 5 points dont un premier consacré à la recherche.

Pour commencer je tiens à vous remercier de votre présence et souhaiter que vous prendrez le temps de participer activement au CNESER et que vous suivrez attentivement ses avis.

Ma collègue interviendra sur les questions d’enseignement supérieur, dont le budget très insuffisant de l’ESR en général. Côté recherche, la trajectoire de programmation prise par la LPR était insuffisante pour atteindre les objectifs de 3 % du PIB consacré à la recherche, dont 1 % pour la recherche publique. La forte inflation actuelle fait que la programmation est à revoir. Nous insistons pour que la revoyure ait lieu au plus vite.

De façon encore plus urgente, il y a les prélèvements sur les dotations des établissements et le budget 2024. La communauté scientifique rappelle systématiquement que le financement budgétaire de postes de titulaires correctement rémunérés et de dotations de base est largement insuffisant. La LPR vantait les préciputs comme une possibilité pour les établissements à mener des politiques scientifiques. Les prélèvements sur les fonds de roulement que vous avez annoncé et les annonces de l’été du ministre des finances entrent en contradiction totale avec cela. Merci de préciser l’ampleur des ponctions prévues et la durée de cette politique.

Concernant la recherche scientifique elle-même, vous avez positionné votre ambition ministérielle dans la simplification des structures et commandé un rapport à Philippe Gillet à ce sujet. Nous aimerions savoir quelles sont les principales orientations que vous pensez suivre suite à ce rapport. La simplification est indubitablement quelque chose d’intéressant, à condition de ne pas casser ce qui fonctionne. La mise en place des outils Etamine, Notilus, Goelett pour les missions des agents au CNRS, aussi louable soit-elle, est chaotique. Elle illustre que la simplification n’est pas assurée par les outils informatiques si ce sont les règles administratives qui sont à l’origine des complications. L’un des blocages centraux vient de la multiplicité des sources de financement et leur cloisonnement. On en revient malheureusement au problème de la prédominance des financements extra budgétaires et par appel d'offres.

L’évaluation est à juste titre mise en exergue dans le rapport de Philippe Gillet. L’évaluation par les pairs fait assurément partie du processus de construction de connaissances scientifiques solides et permet par les échanges qu’elle comprend, d’améliorer tant les résultats que les pratiques. Seulement, le rapport parle quasi exclusivement d’évaluation administrative, sur des indicateurs chiffrés. Si l’on suit la proposition de la mission Gillet d’un cycle entre attribution de moyens, réalisation d’objectifs et évaluation a postériori, il faut, premièrement, baisser fortement la part des appels à projets qui n’entrent aucunement dans ce schéma et, deuxièmement, assurer une évaluation d’une bien meilleure qualité que ce que propose, difficilement, l’HCERES.

Nous aurions bien d’autres choses à dire sur le rapport de monsieur Gillet, mais parlons plutôt de ce qui n’y est pas. S’il y a un absent dans le rapport, c’est l’emploi scientifique. Pourtant ce sont les femmes et les hommes qui créent et accompagnent la création des connaissances. Face à ce constat et aux nombreuses remontées de terrain sur la difficulté d’exercer un emploi scientifique en France, nous proposons la création d’une commission d’études spécialisées consacrée à l'Emploi scientifique et aux conditions d’exercice de la recherche. Notre souhait est de partir des pratiques scientifiques de terrain, dans le milieu académique comme dans les entreprises et les administrations pour élaborer des voies d’amélioration véritables.

Je vous remercie par avance pour vos réponses et passe la parole à ma collègue Caroline Mauriat du SNESUP-FSU.

Bonjour Madame la Ministre,

Nous vous remercions de votre présence et poursuivrons donc avec un deuxième point concernant directement le fonctionnement de cette instance.

Le CNESER est certes une instance consultative qui émet seulement des avis, mais depuis plus de 10 ans aucun bilan des suites données à ces avis ne nous a été communiqué malgré nos demandes.

Aussi, madame la ministre, vous engagez-vous à nous faire parvenir un bilan annuel des suites données aux avis du CNESER ?

A propos du CNESER statuant en matière disciplinaire, la communauté universitaire des Enseignante·s-Chercheure·s avait émis le vœu que, malgré sa présidence par un conseiller d'État à partir de cette année, son fonctionnement demeure collégial et transparent et que les pouvoirs du président et du vice-président soient équilibrés. Ce n’est pas ce qui a été retenu dans le décret publié la semaine dernière.

La neutralité des rapporteurs est en outre remise en cause et les pouvoirs du président considérablement renforcés alors que cela ne figurait pas dans le projet qui a été soumis à la commission statutaire puis au CSA MESR.

Comme vous, nous sommes attachés à l’indépendance constitutionnelle des Enseignants Chercheurs et nous veillerons à ce que cette juridiction travaille collégialement, en toute indépendance. Nous dénoncerons ainsi toutes les dérives ou abus de pouvoir.

Enfin, nous demandons la création de deux commissions d’études spécialisées : l’une consacrée à la Recherche, notamment sur l’Emploi scientifique et les conditions d’exercice de la recherche, l’autre sur le budget et notamment sur “l’affectation des Subventions pour Charge de Service Public (SCSP) et des financements extrabudgétaires (PIA, Plan de relance, etc.”) entre les EPSCP de la MIRES”.

Le troisième point concerne justement le budget pour l’ESR et le Projet de Loi de Finance qui s’annonce.

Le milliard annoncé est très loin du compte et même en puisant 1 milliard supplémentaire dans les fonds de roulement des établissements au risque de remettre en cause les programmes pluriannuels, les investissements sur fonds propre et les projets de rénovation énergétique, les universités vont être en grande difficulté pour remplir toutes leurs missions et faire face à tous leurs engagements Il en va ainsi de l’augmentation du point d’indice ou de la prise en charge à 75 % des frais de déplacement par l’employeur.

Ces mesures seront-t-elles abondées au budget des universités ?

Selon nos informations, en 2023, des universités ont voté un budget en déficit et les fonds de roulement de nombre d’entre elles ont déjà été largement ponctionnés de sorte qu’il ne reste, au mieux, que la trésorerie nécessaire au fonctionnement.

Pouvez-vous nous dire quelles sont les universités qui disposent de fonds de roulement non fléchés ?

Le quatrième point concerne les formations et l’accueil des étudiants.

Il manque toujours aujourd’hui près de 100 000 places dans les formations supérieures publiques. Face à cette situation les nouvelles générations sont contraintes de s'inscrire dans l’enseignement privé dont vous favorisez le développement en augmentant la subvention directe mais également en subventionnant l’apprentissage. Ces établissements bénéficient ainsi d’une subvention indirecte de plus de 2 milliards d’euros qui permettrait d’ouvrir les 100 000 places attendues à l’université notamment en recrutant 12 000 agents titulaires et de réduire de moitié les inégalités de taux d’encadrement entre universités.

Concernant les masters, leur situation est particulièrement préoccupante au regard notamment de la baisse du nombre de doctorantes et de doctorants. L’objectif fondamental de la STRAtégie Nationale de l’Enseignement Supérieur est d'atteindre la formation de 20 000 doctorantes et doctorants par an. Or actuellement nous délivrons 11 800 doctorats. Quel avenir pour la recherche française dans ces conditions ? Quelle politique d’ouverture de places, notamment dans les formations en tension, comptez-vous soutenir ?

Enfin le cinquième point concerne la situation des personnels dans l’ESR.

En décidant de ne revaloriser les rémunérations des personnels que par des mesures indemnitaires, avec parcimonie et sans remettre en cause ni les grilles indiciaires pourtant en grande partie obsolètes notamment pour les enseignant·es-chercheur·es, ni le point d’indice qui décroche de l’inflation de plus de 10 points depuis 2010, vous favorisez la division des personnels selon leurs statuts et leurs “mérites” en ne permettant qu’à une minorité d’entre eux d’éviter un déclassement économique et social et en culpabilisant la majorité.

Nous ne vous rappellerons pas l’ensemble de nos revendications, vous les avez reçues avec le préavis de grève que nous vous avons transmis.

Mais sans prise de conscience de la part du gouvernement de la situation difficile, pour ne pas dire désastreuse, de nos établissements, et de la légitimité des attentes de tous nos collègues, la mobilisation qui a débuté à Angers, Rouen ou Nantes par exemple, s’étendra car les personnels sont en réelle souffrance. Dans de nombreux établissements, hier lundi 11 septembre les collègues étaient en grève et de nombreuses composantes, notamment STAPS et IUT étaient fermées.

À cet égard, nous voulons attirer votre attention sur la situation particulièrement inquiétante des INSPÉ qui sont soumises depuis des années à des “réformes” successives sans bilan outillé de l’état précédent et sans prise en compte de l’avis et de l’expertise des personnels et notamment des enseignant.es-chercheur.es.

L’annonce d’une nouvelle “réforme” moins d’un an après la fin de la mise en place de la précédente qui a laissée des traces particulièrement dommageables et qui plus est par le Ministère de l’éducation nationale alors que le SNESUP-FSU demeure très attaché au caractère universitaire de la formation, inquiète et le mot est faible. Comment se positionne le MESR à cet égard ? Est-ce une réforme co-portée ? Que doit-on comprendre de la suspension de l'accréditation des INSPÉ de la vague C en cours, annoncée dans certaines INSPÉ et pas dans d’autres ? Le MESR aura-t-il son mot à dire et le dira-t-il, en s’appuyant sur l’expérience et l’expertise des personnels des INSPÉ qui, précisons-le, ne sont pas représentés par les directeurs des INSPÉ qui sont nommés et non élus ?

Pour terminer, vous avez récemment laissé entendre que des moyens seraient alloués aux IUT. Qu’en sera-t-il concrètement ? Est-ce que tous les IUT en bénéficieront ou seulement quelques-uns ? Sur quels critères ? Concernant l’annonce d’ouverture de 6 nouveaux départements, avec quels moyens le seront-ils ? Vous engagez-vous à soutenir concrètement ces nouvelles formations en fournissant la masse salariale nécessaire pour le recrutement d’enseignants, d’enseignants-chercheurs et de personnels administratifs et techniques titulaires pour mettre en place les troisièmes années du BUT ?

Comme les enseignants des INSPÉ, les enseignants des IUT attendent un soutien fort de votre ministère pour garantir la qualité des formations portées par ces instituts.

Madame la Ministre, nous vous remercions de nous avoir écouté et pour les réponses que vous voudrez bien apporter à nos questions.