Déclaration liminaire Intersyndicale des représentants du personnel au CHSCT MESR - Jeudi 21 juillet 2022

Publié le : 22/07/2022

 

Déclaration liminaire Intersyndicale des représentants du personnel au Comité Hygiène, Sécurité et Conditions de Travail ministériel de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (CHSCT MESR)

FERC-CGT, FSU, SGEN-CFDT, UNSA, SNPTES

Jeudi 21 juillet 2022

 

 

Il y a bientôt deux ans et demi, une grande pandémie de Covid frappait la planète entière et conduisait chaque entreprise, chaque établissement, chaque administration à repenser son organisation et son fonctionnement. Dans le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR), tous les agent·es, quelque soit leur affectation ou leur métier, ont été très sollicité·es, afin d’assurer la continuité des missions de service public.

Si cet engagement des travailleur·ses a été publiquement reconnu à plusieurs reprises, force est de reconnaître que l’organisation du travail s’est elle encore dégradée. Depuis un an, de tous cotés, nous remontent des collègues ou des instances des cris de détresse sur le réel du travail devenu insupportable :

  • Que ce soit  du coté des services administratifs contraints à déployer les invraisemblables usines à gaz issues de la frénésie réglementaire de ces derniers mois ;

  • Que ce soit  du coté des œuvres universitaires, dont les personnels majoritairement dits « de première ligne » ont permis  par leur engagement d’atténuer la souffrance psychologique et la misère sociale d’une frange grandissante des étudiants, tout en mettant en œuvre des procédures d’hygiène renforcées, chronophages et physiquement épuisantes, pour n’obtenir en guise de satisfecit que le déni ou le mépris, jusqu’à la tragédie d’une collègue poussée au suicide... ;

  • Que ce soit du coté des personnels techniques et support à la recherche, de plus en plus précarisés (3 % d’augmentation du taux de précarité chez les BIATSS, atteignant 40%), dont les missions de recherche perdent de leur sens, dont les missions d’entretien sont de plus en plus sous-traitées, et dont le pouvoir d’achat ne cesse de s’effondrer ; 

  • Que ce soit du coté des enseignants, enseignants-chercheurs ou chercheurs, contraints à l’enseignement à distance au pied levé pendant le confinement et dont les directions usent et abusent parfois aujourd’hui, contraint à des tâches administratives grandissantes et à un travail dans des conditions matérielles de plus en plus dégradées.

Les CHSCT d’établissement sont ainsi confrontés d’un coté à un nombre de saisines grandissant, de l’autre coté à une désorganisation issue des restructurations qui limite leur pouvoir de visite et d’enquête. 

Face à cette situation, de plus en plus de directions d’établissement s’enfoncent dans le déni, répondent aux contraintes grandissantes par l’autoritarisme et par des formes d’entrave au fonctionnement de leur CHSCT au lieu de répondre à leur obligation de prévention. Ainsi, les entrées aux registres des dangers graves et imminents se multiplient mais les réponses trop souvent constatées visent, non pas à répondre au risque mais à contester son caractère « grave » ou « imminent » afin de sécuriser juridiquement l’employeur plutôt que de sécuriser physiquement les agent·es. Nous constatons également un manque de formation et de sensibilisation à la prévention des risques professionnels, notamment risques psycho-sociaux, de la part des chefs d'établissements et des équipes dirigeantes en responsabilité.

En conséquence, le CHSCT ministériel de l’ESR alerte solennellement Madame la ministre de l’urgence absolue de prendre la mesure de la situation dans tous les secteurs de l’ESR. Il n’est pas acceptable que de plus en plus de collègues exposent leur santé physique ou mentale et leur sécurité au quotidien simplement en venant au travail. La directive européenne 89/391/CEE fait pourtant obligation à tous les employeurs, publics ou privés, d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs dans tous les aspects liés au travail. La situation appelle de la part de Madame la ministre comme des chefs d’établissement une réponse à la hauteur de l’urgence critique de la situation.

 


 

Avis votés en séance plénière du CHSCT du MESR 21 juillet 2022

 

 

Avis 1 sur la présentation du rapport de l'Inspection Générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) sur la situation de l'université Sorbonne Nouvelle (USN)

Le rapport de l’Inspection Générale d’avril 2022 portant sur l'Université Sorbonne Nouvelle (USN) met l’accent sur deux problématiques différentes, la première concerne la situation financière de l’université, la deuxième s’intéresse au dialogue social, à la santé des personnels et à l’organisation du travail.

Pour son volet social, le rapport souligne des erreurs d’interprétation des textes réglementaires renvoyant une partie de la communauté de l’USN à la précarité. Le manque de corrélation entre les réformes engagées et l’organisation du travail amplifie la souffrance au travail car beaucoup de services se retrouvent en manque de moyens humains et doivent faire face à la perte des expériences et savoirs-faire cumulés. L’usage de méthodes managériales inadaptées a ajouté un climat fortement dégradé générant de l’incompréhension sur le sens même du travail de la part des personnels qui sont jugés « épuisés » par les Inspecteurs Généraux. Enfin, les décisions se prennent au sein d’un petit groupe de décideurs (quatre ou cinq personnes) sans concertation avec la communauté universitaire ou les responsables projets. Le nombre de collègues en souffrance est attesté par les différents signalements déjà recensés dans le rapport des IGÉSR, mais il s’est aggravé depuis leur visite, en témoigne le nombre important de départs, en particulier de chefs de services ces derniers mois (immobilier, logistique, recherche, communication, directeur de cabinet, archiviste…).

Non seulement l'organisation actuelle du travail à l’université Sorbonne Nouvelle rend malade ses personnels mais elle met en péril son fonctionnement et ses missions d'enseignement et de recherche. La mainmise de l'administration sur la politique de l'établissement montre ses limites et place de facto l'université dans une situation dangereuse pour sa pérennité et la réalisation de ses missions de service public.

En dépit des différents rapports et interventions des mois précédents, la gouvernance de la Sorbonne Nouvelle n'a pas pris la pleine mesure de la situation. En conséquence, celle-ci continue de se dégrader. Les comportements ayant un impact négatif sur la santé des personnels continuent à s’exercer et, à présent,  c’est la rentrée universitaire 2022-2023 qui risque d’être compromise, conséquence d’événements non pris en compte depuis des années, malgré les alertes du CHSCT de l’USN, et qui sont mal maîtrisés par la présidence.

À la rentrée, des Cours magistraux seront donnés à distance, faute d’amphis, et  il manque, d’après les aveux récents de la direction de la Sorbonne Nouvelle, une trentaine de salles de cours pour que les autres enseignements puissent s’effectuer en présence et dans des conditions normales d’enseignement. Les collègues enseignants et administratifs sont en attente de savoir si des salles pourront ou non être louées pour que la rentrée puisse s’effectuer dans des conditions de travail et d’études correctes. 

Le CHSCT du ministère de l'ESR demande que des mesures soient prises immédiatement  pour qu’un changement de l'organisation du travail à l'université de la Sorbonne Nouvelle ait lieu dès la rentrée. Les mesures prises depuis la publication du rapport des Inspecteurs Généraux ne sont pas à la hauteur des problèmes rencontrés. A ce jour, la rentrée est en danger, tout comme la santé de nos collègues. Le CHSCT du MESR demande à Madame la ministre de prendre ses responsabilités.

 

Avis 2 sur la souffrance mentale au travail ayant pour conséquence le suicide d'une agente du CROUS de Nantes

Madame la ministre,

La CGT des CROUS et sa fédération FERC-CGT, vous ont alerté par courrier en date du 20 juin 2022, sur le suicide de madame Katherine DEWET, agente du CROUS de Nantes, suite à de grandes souffrances morales à cause des conditions de travail dégradées à son poste de travail.

Madame DEWET avait signalé au registre SST, le 07 mars 2022, des faits et les causes liés à une dégradation de ses conditions de travail, tout en respectant soigneusement les procédures réglementaires sur le signalement par écrit de son mal être au travail et les conséquences sur son état psychologique.

En réponse à cette entrée au registre, son administration l'a sanctionnée alors qu'elle devait la protéger en prenant les mesures correctives qui s'imposaient devant la détresse et l'isolement dont était victime notre collègue. Pourtant, l'article 5-6.II du décret n°82-453 spécifie explicitement qu'"aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un agent ou d'un groupe d'agents" qui auraient alerté l'autorité administrative d'une situation de travail présentant un danger pour sa santé ou sa sécurité. Cette sanction visait manifestement à terroriser l'ensemble des agents afin de les dissuader de recourir aux outils prévus pour prévenir les risques professionnels.

Pour rappel, l'article L4121-2 du code du travail, oblige l'employeur à mettre en œuvre les mesures nécessaires pour assurer la protection de la santé et de la sécurité des agents placés sous son autorité notamment en respectant les 9 principes généraux de prévention, dont celui de l'article L1152-1 : "Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel".

Les représentants du personnel au CHSCT du MESR vous demandent de prendre vos responsabilités et de faire le nécessaire, auprès des chefs d' établissements du réseau CNOUS - CROUS, pour activer et mettre en œuvre sans plus tarder un véritable plan de lutte et de réduction des risques psycho-sociaux (RPS) au sein de tous les CNOUS et CROUS, établissements publics d’État et opérateurs centraux de la vie sociale étudiante.

 

Avis 3 sur les registres SST, outil essentiel pour recenser les risques

Le registre de santé et sécurité au travail (RSST) est un outil réglementaire essentiel qui participe pleinement à la démarche d'évaluation des risques. Il permet de recenser les risques au jour le jour, à partir de l'observation de situations de travail qui ont évolué en situation dangereuse. Il permet à toute personne, travailleur ou usager, de signaler une situation considérée comme susceptible de porter atteinte soit à la santé, à l'intégrité physique ou morale des personnes, soit à la sécurité des biens et de contribuer ainsi à la prévention des risques professionnels pour tous et toutes.

On doit le compléter chaque fois qu'il arrive un évènement accidentel (accident de service ou de trajet, actes de violence...), incidents qui pourraient devenir accidents, proposer des améliorations qui seraient à apporter pour les conditions de travail (locaux vétustes, chauffage insuffisant ou disproportionné, bruit...), lors des situations de souffrance au travail, mal-être, conflit verbal, crise de pleurs ou agression, tout signe qui pourrait dégénérer en accident, etc.

Le CHSCT MESR rappelle que son accessibilité doit être garantie pour tous les agents et usagers.

Sa dématérialisation ne peut entraîner l'exclusion des personnes ne disposant pas des outils numériques. Elle ne doit pas restreindre le partage d'informations permis par les registres papier : mutuelle information des agents d'une même unité de travail, signalements et réponses de l'administration. Elle ne doit pas servir à filtrer les signalements vers seulement certains services ou directions. Un signalement sur un registre dématérialisé n'est pas un "ticket" de dépannage au travers d'une plate-forme informatique, c'est un signalement de risque auquel il doit être répondu et des mesures prises.

Le CHSCT MESR demande que les procédures d'accès aux registres SST soient clarifiées et portées à la connaissance de tous.

Le CHSCT MESR rappelle que l'administration ou le chef de service doit faire une réponse écrite des mesures prises à chaque inscription dans le registre et demande que la personne qui a fait le signalement soit informée de la réponse  en même temps que les membres du CHSCT concerné.

Le CHSCT MESR rappelle que les registres  doivent être timbrés, numérotés et archivés pour pouvoir remonter à ces évènements pour les cas d'enquêtes plusieurs années plus tard, par exemple, comme on a pu le voir dans l'affaire récente de la contamination par le prion infectieux, qui a amené aux décès de 2 agentes à cause de la maladie de Creutzfeld-Jakob. 

Le cas du suicide de l'agente du CROUS de Nantes en juin 2022 vient de mettre en lumière une situation inacceptable. Il est inconcevable qu'un agent qui inscrive un signalement dans le RSST subisse des mesures de rétorsion de la part de sa hiérarchie. De nombreux CHSCT d'établissements nous font remonter la crainte d'agents à signaler des situations de risques, de peur, on cite, de "représailles terribles".

Les représentants du personnel au CHSCT ministériel de l’ESR demandent à Madame la ministre de protéger les travailleurs et les usagers dans leur droit d'inscrire des signalements dans le RSST, de faire toute la lumière des responsabilités dans cette affaire et de prendre les mesures nécessaires auprès des chefs d'établissements ou de services pour que plus personne ne perde la vie en voulant améliorer la prévention de la santé et la sécurité au travail de tous et toutes.

 

Avis 4 sur les dysfonctionnements à l'Inria 

Le CHSCT ministériel de l’ESR a pris connaissance des dysfonctionnements relevés à l'Inria en matière d'organisation de la prévention des risques professionnels et d'organisation du travail.

Pour la prévention : refus d'expertise agréée en 2022 sur le mal-être de chercheurs, récidive en 2022 de danger grave après risque avéré et refus d'expertise agréée en 2019, mise à l'écart du médecin coordinateur ayant mené à sa démission, turn-over des conseillers de prévention, commissions d'enquêtes pour harcèlement sexuel composés de seuls membres du comité de direction, sans toujours de formation préalable.

Le CHSCT ministériel de l’ESR rappelle l'obligation de la direction générale de l'Inria  de préserver la santé physique et morale au travail des agents de l'Inria. Il s'interroge sur le respect de ces obligations, voire de la mise en danger de certains agents de l'Inria. Il demande à Madame la ministre de s'assurer de la formation de la direction générale de l'Inria en matière de santé et sécurité au travail.

Sur le fonctionnement de l'Inria, le CHSCT ministériel de l’ESR s'inquiète des difficultés de déploiement du nouveau système d'information mis en place en janvier 2022, qui n'est toujours pas opérationnel au bout de six mois. Ce système met les agents dans des situations de surtravail et de stress et risque de désorganiser l'établissement.  Le comité alerte également sur les risques graves liés au mal-être de chercheurs. La direction générale elle même se dit harcelée.

Le représentants du personnel au CHSCT ministériel de l'ESR demandent à Madame la ministre d’aider la direction de l'Inria à remettre en place les conditions d'un travail de qualité, serein et efficace, pour les agentes et les agents de l'Inria, ainsi qu'une organisation de la prévention respectant les obligations de l'employeur public en matière de SST. Ils demandent que soit diligentée une inspection santé et sécurité au travail, sans attendre la prochaine inspection "ordinaire", sur les questions de la prévention, voire une visite de l'IGÉSR sur les problèmes de fonctionnement.

 

Avis 5 sur la situation de l’université de la Réunion

Le CHSCT MESR alerte sur les pratiques de la Direction de l’université de La Réunion, qui semble tentée par une forme d’autoritarisme teintée de pratiques contraires au droit syndical, liberté fondamentale. Cela concerne des mesures d’entrave au fonctionnement normal du CHSCT d’établissement (non-communication des registres SST à l’instance), de découragement à l’engagement syndical (non-renouvellement de contractuels élus ou mandatés) et d’entrave à l’exercice du mandat d’élu (interpellation personnelle en séance).

 

Avis 6 sur la mise en place des formations spécialisées en santé, sécurité et conditions de travail (FS-SSCT) des comités sociaux d’administration CSA)

Le décret 2020-1427 (CSA) définit les missions du CSA dans ses articles 48 (CSA) et 68 (FS-SSCT) 

Dans l’article 48  est indiqué :

Le comité social d'administration est consulté sur :

Les projets de texte réglementaire relatifs au fonctionnement et à l'organisation des services

Dans l’article 68 est indiqué :

La formation spécialisée du comité est consultée sur les projets de texte, autres que ceux mentionnés à l'article 48, relatifs à la protection de la santé physique et mentale, à l'hygiène, à la sécurité des agents dans leur travail, à l'organisation du travail, au télétravail, aux enjeux liés à la déconnexion et aux dispositifs de régulation de l'utilisation des outils numériques, à l'amélioration des conditions de travail et aux prescriptions légales y afférentes.

Le CHSCT du MESR se pose la question de savoir ce qu'est :

    - un projet de texte réglementaire,

    - un projet de texte.

Par exemple, une modification substantielle d'un organigramme, un dossier présentant une réorganisation, la mise en place ou un changement de procédures ayant des incidences sur les conditions de travail rentrent-ils dans ces catégories ?

S'il existe deux formulations différentes, nous pouvons penser qu'il existe deux notions différentes. Le CHSCT du MESR demande une définition précise de ces deux expressions ou à défaut que l'esprit de ce décret sur les projets soit formulé sans ambiguïté dans l'intérêt et le bon fonctionnement de ces instances.

Les représentants du personnel au CHSCT ministériel de l’ESR s’inquiètent du fait que les personnels hébergés ne font plus partie des formations spécialisées en santé, sécurité et conditions de travail des établissements hébergeurs. Ils demandent à Madame la ministre de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que les  personnels hébergés ou accueillis dans un établissement soient consultés sur toutes les questions touchant à leur santé ou leur sécurité au travail, conformément à l'article 11.1 de la directive européenne 89/391/CEE : "Les employeurs consultent lés travailleurs et/ou leurs représentants et permettent leur participation dans le cadre de toutes les questions touchant à la sécurité et à la santé au travail". Le CHSCT du MESR lui demande de s'assurer que les conventions précisent les mesures de prévention qui incombent à chacun des chefs d’établissements concernés et que Madame la ministre s’assure ces conventions soient signées et respectées.