DECLARATION LIMINAIRE du CNESER en commission permanente du 23 janvier 2024

Publié le 7 février 2024

Madame la Ministre,
Mesdames et messieurs,
 
Le SNESUP-FSU, le SNCS-FSU et le SNASUB-FSU vous présentent leurs meilleurs vœux pour cette année 2024, bien que le contexte dans lequel elle s’ouvre augure mal de l’avenir.
 
Ainsi, la loi immigration votée à la fin de l’année 2023, constitue-t-elle une rupture majeure pour notre pays. Dans l’enseignement supérieur et la recherche, cette loi ferme les portes de l’université et des organismes de recherche en introduisant des régressions intolérables des droits des étranger·es, pour les salarié·es des établissements mais également pour les étudiant·es. Les universités et les organismes de recherche doivent rester des lieux d'accueil et d'émancipation pour toutes et tous, sans conditions de nationalité ou préférence nationale.
 
Le nouveau gouvernement présenté le 10 janvier confirme le tournant à droite clairement assumé par le Président de la république, dans la continuité de l’adoption de cette loi, tout comme l’attaque de la fonction publique : alors qu’un projet de loi est quasi-finalisé, on notera l’absence révélatrice de ministère de la Fonction Publique (FP) et les objectifs délétères donnés à ce texte dans les propos d’Emmanuel Macron le 16 janvier : rémunérations au mérite, remise en cause des statuts, gestion managériale des carrières, etc. (cf communiqué FSU).
 
Dans ce contexte, auquel s’ajoute la préemption du champ de l’éducation et de l’ESR par le Président de la République dans son discours du 7 décembre, quelle marge de manœuvre aurez-vous, Madame la Ministre ? Les éléments présentés par E. Macron témoignent d’une volonté de destruction de l’ESR public : “Acte II de l’autonomie”, mise sous tutelle du Président des principaux axes de recherche, remise en cause des statuts des personnels, menaces sur les organismes de recherche, etc. (voir ICI appel de la CA du 14/12/2023).
 
Ainsi, les établissements expérimentaux ont permis de déroger aux lois et règlements et le MESR profite de la sortie de ces expérimentations pour anticiper dans la plus grande opacité la restructuration des universités et des organismes nationaux de recherche (ONR) annoncée dans le rapport Gillet. En ce sens, la sortie de l'expérimentation de l’université Gustave Eiffel (fusion d’une université et d’un organisme de recherche) sous la forme d’un grand établissement pourrait rendre possible l’intégration de personnels d’un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) dans un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP). Si une telle évolution, sans recourir à la loi, était rendue possible, elle ouvrirait la porte à un démantèlement des ONR et à une remise en cause des statuts des personnels. Le SNESUP-FSU et la FSU dénoncent une tentative de passage en force et de contournement des débats qu’induisent de tels enjeux sur l’organisation de l’ESR.
 
Dans la FP d'État, selon l’INSEE les salaires ont augmenté cinq fois moins vite que dans le privé ces dix dernières années. Le SNESUP-FSU rappelle qu’il y a urgence, d’autant plus dans un contexte d’inflation très forte et de perte d’attractivité de nos métiers, à revaloriser les rémunérations de tous les personnels. Dans le même temps, les inégalités s’accroissent.. Le RIPEC contribue à renforcer ces inégalités avec des attributions opaques et profondément inégalitaires tant entre établissements qu’entre les différents corps, mais également entre les femmes et les hommes, tout comme le taux de promotion des MCF à la hors classe qui va encore baisser cette année.
 
Le SNESUP-FSU dénonce cet accroissement des inégalités qui se creusent entre les personnels. Il rappelle également que toute heure faite doit être payée et qu’il est inadmissible que certain·es collègues, notamment les vacataires - dont le nombre continue à augmenter -, attendent plusieurs mois voire une année avant d’être rémunérés alors même que la mensualisation inscrite dans la loi reste à mettre en œuvre dans nombre d’établissements. Le SNESUP-FSU rappelle encore qu’il est illégal de refuser de verser la composante C1 du RIPEC ou la PES sous prétexte de sous-service, du moment que toutes les heures attribuées par la présidence ont bien été réalisées.
 
Dans l’ESR, ces politiques salariales contribuent à fragiliser, voire casser les collectifs de travail en entretenant une compétition permanente entre les personnels et en générant des frustrations et la démotivation au point que des difficultés de recrutement commencent à se faire jour pour certains métiers.
 
Cela est aggravé par le manque de considération de notre ministère lui-même pour le travail des enseignant.es et enseignant.es-chercheur.es. Ainsi, des situations, choquant nos collègues, sont portées à notre connaissance où la DGESIP émet des avis d’ouverture avant même que l’avis du CNESER soit prononcé…. On ne s’étonnera plus de ne pas obtenir de bilan du suivi des avis du CNESER par le ministère !
 
Nous nous rappelons d’un temps où un avis négatif du CNESER était suivi dans certains cas de négociations avec les organisations syndicales, permettant d’aboutir à des solutions de compromis prenant en compte les objections majeures. Ce temps est-il irrémédiablement révolu ? Le SNESUP-FSU se demande combien de temps encore la communauté va supporter, au nom de l'intérêt général et de la chose publique, l’indifférence vis-à-vis de ses conditions de travail dégradées, le mépris affiché pour son travail lui-même et… la liste est trop longue et déprimante ! Nous faisons le vœu que cette année 2024 la raccourcisse quelque peu.