Déclaration du SNESUP-FSU, du SNCS-FSU et du SNASUB-FSU au CNESER Plénier du 13 septembre 2022

Publié le 14 septembre 2022

 

Madame la ministre, nous vous remercions de votre présence et souhaitons profiter de ce temps pour vous faire part de quelques inquiétudes et questionnements en 5 points liés à l’instance élue qu’est le CNESER. Malheureusement, rien de nouveau.

Le premier point concerne le PLFI qui s’annonce et le budget pour l’ESR
Un CNESER budgétaire sera bientôt programmé... nous espérons ne pas devoir voter à l’unanimité une motion CNESER contre le budget présenté pour l'ESR!

Qu’en est-il des moyens pour l’ESR dans le Projet de loi de finances initial (PLFI) ? Les 1,5 milliards de plus annoncés sont très loin du compte. Ils ne représentent même pas l’inflation prévue en 2022 à plus de 6%, la question même du financement des surcoûts liés à l’inflation et à la hausse du prix de l’énergie dans nos établissements reste entière. Certaines universités ont déjà chiffré ce surcoût entre 2 millions et 6 millions d’euros (G Eiffel : 5M€ - il y a des années dans un bâtiment on faisait cours à 14 degrés...), ce qui n’est pas négligeable (vous-même aviez évoqué 100 millions d’euros pour l’ensemble des universités mi- juillet). Des choix devront être faits : nous espérons qu’ils ne se traduiront pas par un choix contraint entre se chauffer et recruter ( 45 suppressions de postes Biatss à Lille déjà) pour assurer nos missions. Le télétravail et les cours en distance ne peuvent pas être une solution pour faire baisser la note de chauffage.
De la même manière, le GVT et le financement de l’augmentation annoncée du point d’indice (3,5%, par ailleurs très loin des 10 % minimum attendus, représentent 875 millions) ne semblent pas inscrits dans le projet de budget. Des effets d’annonce mais rien pour une vraie politique de revalorisation de nos salaires par l’augmentation du point d’indice et la refonte des grilles salariales. Il y a pourtant urgence de la revalorisation significative et générale des rémunérations et de l’ensemble des grilles salariales, aussi bien dans l’enseignement supérieur et la recherche que dans l’éducation nationale. Les dernières annonces pour les salaires des enseignant·e·s du primaire et du secondaire doivent également se traduire dans le supérieur pour éviter un chevauchement des carrières entre l’éducation nationale et l’ESR et ainsi un nouveau décrochage de l’ESR. Il est aussi indispensable de prendre en compte pour les retraites les années travaillées à l’étranger dans le calcul des annuités, notamment quand ces années ont été validées lors de la reconstitution de carrière au recrutement. Rappelons que l'inflation galopante qui s'installe et progresse dangereusement fait dévisser les plus faibles rémunérations, celles des pieds de grille notamment, et donc la plupart des collègues exerçant des fonctions d'appui à l'enseignement supérieur et la recherche. Enfin, le financement de la recherche prévu par la LPR avec une marche de 500 millions d'euros ne comble même pas l’inflation. Une inflation à plus de 6% comme actuellement ampute le budget de la recherche de plus de 750 millions en euros constants. Comment dans ces conditions en attendre quelque chose ? Prévoyez-vous, au-delà d’une accélération éventuelle, de revoir la programmation budgétaire pluriannuelle en tenant compte de cette inflation historique ?
Tout ne peut pas être réglé avec des enveloppes de fin de gestion et les fonds déroulement ne sont pas extensibles.

 

Le deuxième point concerne les formations et l’accueil des étudiants
Il manque toujours aujourd’hui près de 100 000 places dans les formations supérieures publiques pour permettre aux bachelier·e·s de s’inscrire dans la formation de leur choix. La situation des masters est particulièrement préoccupante au regard de la baisse du nombre de doctorant·e·s. Cette année encore le budget qui leur est consacré est en baisse ? Quel avenir pour la recherche française dans ces conditions ?
Comment tenir les objectif de la STRANES : vous rappelez-vous ? La loi de 2013 impose la présentation d’un livre banc de l’ESR par le gouvernement au parlement tous les 5ans. Où en est-on ? Un des objectifs qui en est aussi la clef de voûte est d'atteindre la formation de 20 000 doctorant·e·s/an. On compte 11 800 diplomé·e·s sur 70 700 inscrits en D ; un chiffre en baisse ! Il manque également 62 000 personnels enseignants chercheur·euse·s / BIATSS titulaires pour faire évoluer le taux d’encadrement à un niveau adapté (par exemple, celui du top 100 des classements internationaux...) et ainsi éviter la surcharge des personnels sur qui reposent ces formations. Aujourd’hui, à côté de l’explosion du nombre de vacataires et des heures complémentaires (8 millions dont 4 par les E et EC) pas toujours payées, les postes contractuels à 384 h d’enseignement assurés par des jeunes chercheur·euse·s fleurissent, payés au lance-pierre, sans prise en compte ou reconnaissance de leurs activités de recherche. Comment espérer qu’ils ou elles s'engagent alors dans la recherche au sein de nos établissements ?

Parcoursup/ Trouver mon master
Depuis cinq ans, la faculté de droit Paris-Est-Créteil accueille des étudiant·e·s fragile·s, seuls 13 % des premières années réussissent leurs examens du premier coup, ce qui n’est pas le cas des autres universités parisiennes. La sélections des dossiers via Parcoursup aboutit à cette situation inacceptable ! Le projet est-il d’avoir des établissements d’excellence mieux dotés que d’autres qui pourtant doivent former des étudiant·e·s plus précaires ? On demande un bilan de la loi ORE.
Trouver mon master...même combat ! On ne peut gérer le manque de places uniquement par des outils degestion de flux...
 
Le 3ème point concerne les établissements
Le quinquennat qui vient de s’achever a vu un accroissement rapide de la relative autonomie et de la réelle déstructuration de l’ESR, dans la droite ligne de celle amorcée antérieurement dans le cadre de la LRU en 2007, et poursuivie avec une « autonomie » financière des établissements. On voit les conséquences lors des CNESER accréditation : la plupart des président·e·s dressent un tableau inquiétant avec zéro marge de manœuvre : gel des postes, pas compensation GVT, hausse des prix de l'énergie, hausse de l'effectif étudiant etc. Plus grave, la déstabilisation des équipes et du personnel est aggravée par les fusions entre établissements et les différentes COMUE dont d'ailleurs le CNESER a voté la dissolution l’an dernier pour la plus part d’entre elles. Cette fois c’est au tour des EPE "Établissements publics expérimentaux"... va t’on les dissoudre aussi dans 4ans ?L’ordonnance du 12 décembre 2018 a conduit à l’émergence sur l’ensemble du territoire de nombreux EPEX incitant fortement à déroger aux principes fondamentaux du code de l’éducation et à la fusion de plusieurs établissements de statut et de culture très différents (Université, École, Institut de recherche, CHU etc.), voire de tutelles ministérielles différentes, en réduisant leur personnalité morale à celle de "composante" d'une sur-structure de gouvernance incertaine. La plupart de ces établissements expérimentent ces nouvelles formes de gouvernance remettant en cause les fondements du fonctionnement démocratique universitaire. Dans ces "pseudo"-établissements, la représentation du personnels dans les conseils d’administration est réduite à portion congrue, souvent proche des 40 % minimum prévue dans l’ordonnance. Un si faible nombre d’élu·es dans des établissements de taille gigantesque pose la question de la représentativité des différents établissements composantes et des différentes catégories de personnel dans les instances de décision. La FSU déplore la complexité de composition des listes de candidatures aux élections dans ces établissements, avec souvent des règles dérogatoires au régime commun prévu dans le code de l’éducation, règles mises en place par les équipes présidentielles candidates elles-mêmes (tant qu’à faire… ça simplifie c’est vrai). N'a-t'on pas tiré les conséquences des situations vécues à Lyon ou à Lille par exemple, anxiogène pour le personnel, sans citer le jeu de chaises musicales à Paris... Pire, dans ce nouveau « mode de gouvernance », une présidence même minoritaire peut être élue à l’aide des représentant·es des tutelles et des personnalités extérieure : c'est le cas dans plusieurs établissements. Nous rappelons notre attachement à une direction collégiale associant l’ensemble des personnels, avec une présidence issue du monde universitaire et limitée à deux mandats, loin du modèle de "professionnalisation" des fonctions de président·e et de vice-président·e actuellement à l'œuvre.
Dans le prolongement de ces modifications de « gouvernance », des velléités de séparer recherche et formation se font jour avec la création de structures uniquement consacrées à la formation et totalement séparées des structures de recherche. La FSU rappelle que le dialogue entre la formation et la recherche au sein de composantes de formation et de recherche, telles que les UFR, instituts ou écoles, est un fondement de l’Université.
Cette volonté d’expérimenter des structures sans aucun cadrage national de manière anarchique et technocratique entraîne une multiplication des groupes de travail et un gâchis des ressources de l’université. Ces ressources, tant au niveau du personnel, du temps passé dans ces réunions que des moyens financiers, devraient être mises à profit afin d’améliorer les conditions dans lesquelles nous exerçons nos fonctions d’enseignement et de recherche.

 

Le 4ème point Dévolution du patrimoine immobilier
Ces effets sont aggravés par un manque de moyens humains criant et un sous financement organisé par l'État, sous couvert d’autonomie encore. Dans un certain nombre d'établissements, sept universités à l’heure actuelle (Clermont 1, Toulouse 1, Poitiers puis Aix-Marseille, Bordeaux, Caen et Tours), le patrimoine immobilier est dévolu par l’État, aggravant encore les besoins financiers et en personnel. Un nouvel appel à candidatures a été passé au début de cette année pour une troisième vague. Les établissements doivent alors chercher des « fonds propres » et pour cela répondre aux appels d’offres divers soumis à des comités d’experts internationaux soigneusement choisis. Cela met les établissements en concurrence et en pousse certains à recourir à des cabinets de conseil pour constituer les dossiers partiellement ou en totalité, ou encore les mettre au format exigé, etc. Processus susceptible de contribuer à la multiplication des affaires de type McKinsey dans les territoires : des dépenses de l'argent public pour faire croire, espérer, et souvent échouer, à en obtenir ! À cela s’ajoutent des velléités de transférer les personnels, compétences des CROUS, notamment de gestion de la restauration et de l’hébergement aux établissements d’enseignement supérieur. La FSU appelle à s’opposer aux mesures mettant en danger la situation financière et les moyens humains des établissements déjà malmenés et qui creusent les inégalités entre eux.
Doit-on vous rappeler, Madame la Ministre, les enjeux de la crise actuelle - après un été caniculaire, qui nécessite bien des investissements en matière d'immobilier notamment ?

Le dernier point que nous souhaitons porter à votre attention est celui de la réforme en cours du CNESER statuant en matière disciplinaire : un décret serait en préparation concernant la mise en place de la nouvelle instance pour la fin de l’année civile avec une mise en œuvre en janvier 2023. Nous demandons a minima un report de ce décret après la mise en place de la nouvelle juridiction suite aux élections de juin et nous souhaitons que les concertations approfondies sur le sujet, annoncées par F. Vidal, aient lieu d’ici-là.