Déclaration du SNESUP-FSU au CNESER plénier du 4 juillet 2023

Publié le 4 juillet 2023

 

 

 

Madame la Ministre,

 

Nous vous remercions pour votre présence dans un contexte qui nous rappelle à quel point le service public, et en particulier celui de l’éducation nationale et de l'enseignement supérieur et la recherche, doit pouvoir continuer à jouer son rôle, qui est fondamental dans la diffusion et la production de connaissances, mais également dans la création de lien social et de solidarité et la contribution à l’égalité et à la lutte contre les discriminations sous toutes leurs formes. L’espoir d’un avenir meilleur pour l’ensemble de la jeunesse passe par un investissement dans le service public de l’EN et de l’ESR à la hauteur des enjeux et des besoins rendus malheureusement tellement criants par l’actualité.

 

Les sujets de préoccupations sont nombreux : la loi ORE, la plateforme Mon Master, la colère des collègues de statut de second degré, les propositions particulièrement inquiétantes du rapport Gillet en font partie.

 

Tout d’abord il est important que le ministère entende la colère exprimée par les collègues de statuts second degré et qu’il y réponde, au moins en alignant la PES (Prime d’Enseignement Supérieur) sur la composante C1 du RIPEC mais également en ouvrant la possibilité aux collègues bloqués dans leur avancement en raison d’un avis pérenne d’avoir un rendez-vous de carrière, en allégeant le service de celles et ceux qui ont une activité de recherche, etc. Le SNESUP-FSU porte un ensemble de propositions qu’il a eu l’occasion de rappeler lors du GT initié dans le cadre de la clause de revoyure de la LPR et que vous n’ignorez donc pas. Il est temps que vous obteniez du Ministère de la Fonction publique et de Bercy les moyens de revaloriser les grilles indiciaires statutaires des agents de votre ministère car compte tenu de l’inflation et des mesures salariales de début de carrière, les évolutions sont réduites et de nombreux collègues font face à des blocages qui dégradent leurs conditions de vie.

 

Concernant la plateforme Mon Master, même s’il est encore trop tôt pour en tirer un bilan complet, les premiers éléments qui reviennent du terrain font état d’une surcharge de travail pour les responsables de formation avec une augmentation du nombre de dossiers reçus, des dysfonctionnements de la plateforme qui ont nécessité de redemander des documents directement aux étudiants, un recrutement d’étudiants insatisfaisant, le classement des candidats, sans hiérarchisation de leurs voeux pouvant amener à écarter des étudiants motivés, qui auraient réussi dans la formation, et à accepter des étudiants, qui, a contrario, refusent la proposition. Sans faire ici une liste exhaustive, il est nécessaire, de repenser la conception et l’ergonomie de cette plateforme, afin de la faire évoluer pour qu’elle apporte une réelle plus value dans l’affectation des étudiants, sans surcharge de travail inutile pour les personnels - ou tout simplement de la supprimer….

 

Sur les conditions de la rentrée, le SNESUP-FSU est particulièrement inquiet. Alors que depuis des années les universités doivent bricoler pour accueillir toujours plus d’étudiants, l’ouverture des 3e années de BUT devraient se faire sans que leur soient alloués de moyens supplémentaires. Ainsi les conditions d’étude des étudiants s’en trouveraient encore dégradées et les conditions de travail des personnels qui ne cessent de se détériorer le seraient encore davantage, en particulier dans les IUT mais pas que. Il est urgent de redresser la barre ! Les moyens financiers existent. Pas la volonté politique (du moins jusqu’à présent). Nous comptons sur vous pour obtenir un budget qui permette d’abonder les subventions des universités à la hauteur de leurs besoins de formation et de recherche.

 

A propos de recherche, justement, le SNESUP-FSU a lu avec attention le rapport que Philippe Gillet vous a remis le 15 juin dernier. Les propositions qui y sont portées, si elles devaient être mises en œuvre, constitueraient une nouvelle attaque de l’enseignement supérieur et de la recherche et de ses personnels, en aggravant les dérives de la LRU. Ainsi la modulation des services des enseignants-chercheurs, l’ouverture voire l’obligation à enseigner pour les chercheurs, sont évoquées, remettant profondément en cause les statuts des enseignants-chercheurs et des chercheurs. La suggestion de renforcer les effectifs de PRAG pour les enseignements en premier cycle, sans qu’il soit d’ailleurs précisé s’il s’agit d’enseigner en Licence, en classe préparatoire, en BTS ou autre, illustre un traitement différencié entre le cycle L et le cycle M. Le SNESUP-FSU rappelle qu’il défend des formations adossées à la recherche de la L1 au M2 et que tous les personnels enseignants doivent pouvoir enseigner à tous les niveaux de formation, sans distinction ni de leur corps ni de leur grade mais selon leurs compétences.

 

Quant à l’organisation envisagée, avec la création de la fonction de Haut-Conseiller de la Science en lieu et place du Conseil Stratégique de la Recherche, la transformation des organismes nationaux de recherche pour qu’ils puissent jouer le rôle d’agence de programmes en plus du rôle d’opérateur, la mise en place de Contrats d’Objectifs de Moyens et de Performance et l’évolution de l’évaluation au prisme de la performance, elle permettrait l’inféodation des chercheurs et des enseignants-chercheurs, je cite, “aux demandes de l’État, des citoyens et de la société”. Ne resteraient aux petites mains de la recherche que la liberté de comment répondre à ces demandes.

 

Cette transformation de la politique de recherche via une centralisation et un renforcement du contrôle politique font craindre une perte de diversité de la recherche, dans ses objets, ses méthodes, ses disciplines, et aboutirait finalement à l’inverse du but recherché : la capacité à répondre à des besoins ne se décrète pas, elle émerge d’un travail constant, continu, souvent fondamental et non finalisé, largement mis à mal ces dernières années par manque de confiance, de liberté, de financements et une pression contreproductive.

 

Cela est suffisamment grave pour que le SNESUP-FSU vous interpelle sur vos intentions quant aux devenir des propositions émises dans ce rapport.