Déclaration du SNESUP-FSU au CNESER du 6 juillet 2021

Publié le : 06/07/2021

 

 

Avant toute chose je souhaite remercier madame la ministre de sa présence aujourd’hui qui est suffisamment rare pour être appréciée. Ensuite j’en viendrai directement au rapport qui vient d’être évoqué par madame Moulin Civil et aux questions que nous avons sur le sujet.

Le rapport qui vient de nous être présenté porte un titre évocateur - « Un désir de rentrée » - qui à lui seul annonce tout un programme. Mais comme tout programme, pour ne pas rester qu’un élément de communication, il doit se traduire en actes... La question n’est pas le désir, mais bien la réalité concrète de cette rentrée ! Et pour que cette rentrée ait lieu et n’en reste pas au stade de « désir », il faut des moyens : des enseignantּ·es et enseignant·es-chercheur·es, des personnels administratifs, des locaux en nombre suffisant et adaptés et du matériel. Il faut une véritable volonté politique et pas seulement un rapport censé remédier aux défaillances du dialogue social.

Le rapport qui vient de nous être présenté était censé faire le point sur les conditions de cette rentrée 2021. Et pourtant, il ne dit rien de la situation catastrophique dans laquelle se trouvent les formations dans les universités. Il ne fait que tourner autour des vraies questions alors que nous les avons pourtant largement pointées. Il ne dit rien du déficit chronique d’encadrement qui est pourtant vous le savez le problème central. Le CNESER a d'ailleurs voté à de nombreuses reprises contre les budgets et a adopté des motions pour demander plus de moyens pérennes.

Au chapitre du pédagogique, il n’évoque que le recours accru à l’hybridation des formations sans tenir compte du bilan désastreux des mois qui viennent de se passer, à la fois pour les étudiant·es et pour les personnels. 

Il encourage le recours au tutorat des étudiant·es par les étudiant·es eux/elles-mêmes sans même évoquer les enseignant·es !

Il multiplie le recours à des aides ici ou là pour remédier à la précarité des étudiant·es alors qu’une allocation d’autonomie serait beaucoup plus adaptée qu’un saupoudrage dispersé.

Il ne dit rien sur les travaux nécessaires d’aération et de purification de l’air, sur les moyens de mesure des taux de CO2, sur le réaménagement des espaces et des locaux. Pourtant ces travaux sont indispensables. Pourquoi ne pas les évoquer ?

L’épisode que nous avons traversé, et qui nous l’espérons se terminera, a mis à mal les collectifs de travail, a abouti au repli sur soi de nombreux collègues qui désormais peuvent avoir des difficultés à revenir sur site, et laissé beaucoup d’étudiant·es sur le chemin. La rentrée doit se dérouler 100 % en présentiel, même si les scenarii alternatifs en cas de poursuite de la pandémie doivent être également pensés. Trop d’études ont montré les conséquences dramatiques de l’isolement sur les étudiant·es et les personnels et nous sommes très inquiets de voir le recours à l’enseignement hybride ou à distance affiché comme une solution d’avenir… Le MESRI doit affirmer une position ferme sur le sujet : la rentrée doit se faire entièrement en présentiel et le cours sur site doit rester la norme.

Depuis des semaines, pendant que madame Moulin Civil consultait, la rentrée se préparait dans nos établissements avec des inquiétudes fortes sur les moyens et les locaux qui seront disponibles. La ministre vient d’annoncer, alors que nous sommes début juillet !, 19 000 places supplémentaires dont 14 000 dans les filières en tension et 5000 en BTS qui ont été annoncées par Jean-Michel Blanquer. Ces trop maigres moyens arrivent au moment où les collègues se préparent légitimement à prendre des vacances bien méritées : comment organiser les emplois du temps et les tailles de groupes sans savoir réellement quelles places seront très partiellement financées ? Une fois de plus, les annonces sont faites en dépit de la réalité et des contraintes universitaires dans le mépris le plus total des personnels qui ne sont même pas évoqués. Jean-Michel Blanquer annonce la création de 1000 postes pour les 5000 places de BTS. Qu’a prévu la ministre de l’ESR pour les 14 000 places dans les filières en tension ?

Les collègues, les parents d'élèves et leur famille, se sont fait par ailleurs l’écho ces derniers jours des nombreuses déconvenues des étudiant·es avec parcoursup et des affectations très aléatoires. Les problèmes dans le secteur des études de santé suite au sous-financement de la réforme de l’an dernier se multiplient et la seule réponse de la ministre réside en un “accompagnement personnalisé“. C’est une provocation vis à vis des familles des jeunes bacheliers et bachelières qui attendent de savoir ce qu’ils ou elles feront à la rentrée !

La ministre se targue d’ajouter des places dans l’enseignement supérieur depuis 4 ans mais elles ne sont financées qu’au rabais. A-t-elle fait également le compte du déficit de postes d’enseignant·es depuis 4 ans ? Les crédits débloqués pour une place en université représentent 4 ou 5 fois moins que la dépense moyenne par étudiant·e. Rien d’étonnant à ce que celle-ci soit en baisse régulière depuis 2013. Pour rappel, elle est passée de 11 560 à 10 110€ en 2019, et donc certainement moins de 10 000 € en 2021. C’est comme si le ministre de la santé annonçait qu’il ajoute des lits dans les hôpitaux, mais seulement les lits sans les matelas, sans le personnel nécessaire pour s’occuper des malades, ni les constructions nécessaires à partir d’un certain nombre de lits supplémentaires. Les murs ne peuvent se repousser indéfiniment. Continuer à l’ignorer relève du déni de réalité.

14 000 places supplémentaires, ce sont plus de 460 groupes de TD à 30 étudiant·es dans des filières déjà en tension. C’est l’équivalent d’une université de taille moyenne. Où les met-on ? Qui les encadre ? Depuis 5 ans, le nombre d’étudiant·es par enseignant·e et enseignant·e-chercheur·e titulaire ne cesse de s’accroître ! Aujourd’hui nous en sommes à 20 étudiant·es par EC ou enseignant·e titulaire alors qu’il y a 10 ans nous en étions à 17.

La ministre annoncera-t-elle dans la semaine la création, ou le financement, des milliers de postes nécessaires juste pour l'absorption de cet afflux d'étudiant·es supplémentaires sachant que dès maintenant ce sont toujours 6000 postes toutes catégories confondues sur les 10 ans à venir qui manquent pour pouvoir assurer nos missions de service public ? Pour rappel, le taux de recrutement est aujourd’hui historiquement bas et 4,4 millions d’heures complémentaires sont réalisées par les titulaires ajoutées aux 1,4 millions d’heures assurées par les contractuel·les ! Cela représente l’équivalent de 30 000 postes ! Comment dans ces conditions poursuivre une recherche de qualité et maintenir la qualité des formations ? Cela n’est-il pas le premier souci du ministère et du gouvernement ?

Faut-il rappeler que certaines composantes, notamment en STAPS, ont déjà fait le choix d’amputer les formations en neutralisant des UE faute d’encadrement, que les démissions des responsabilités pédagogiques se multiplient également en STAPS ? Que les collègues des IUT et des INSPE sont dans des situations de tension inacceptable pour mettre en place des réformes sans moyens et contre leur volonté ?

Madame Vidal, vous affirmez que les établissements ont de quoi créer des centaines d’emplois. Force est de constater qu’ils ne le font pas. Quel dialogue le ministère a-t-il donc prévu avec Bercy et avec les universités pour que des postes de titulaires en nombre suffisant soient effectivement créés dès maintenant ? 

Le désir ne suffira pas à rendre possible la rentrée !

Les questions sont posées depuis longtemps. Nous avons maintenant besoin de réponses.