5 % de personnels méritants, quid des 95 % restant ? Nous avons besoin d’un plan d’urgence, pas de primes exceptionnelles... Communiqué des organisations syndicales de la FSU pour l'ESR du 4 juin 2020

Publié le 6 juin 2020

 

 

Des primes annoncées mais un financement aléatoire

Quelques jours après avoir envoyé à tous les personnels de l'Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) une lettre dans laquelle elle salue l'engagement de tous les personnels (courrier du 13 mai), la ministre a annoncé qu'une enveloppe de 5,6 M€ serait dédiée à l'attribution de primes exceptionnelles pour 5 % des personnels, notamment les chercheur·es engagé·es dans des programmes concernant le Covid-19 et les personnels ayant fait preuve d'un "investissement exceptionnel" durant le confinement. Cette enveloppe de prime qui s'élèverait, d'après les informations données ce jour lors de la rencontre multilatérale entre organisations syndicales et DGRH, à un montant de 12 M€, devra impérativement faire l'objet d'une compensation budgétaire dans le cadre de la subvention attribuée aux établissements. Dans le cas contraire, nous serions à nouveau dans une situation "à budget constant" et le transfert de charges s'effectuerait nécessairement au détriment d'autres postes budgétaires, menaçant les recrutements, plus indispensables que jamais, et les avancements de carrière.

L'urgence d'une revalorisation salariale pour toutes et tous

Alors que tous les personnels de l'ESR sortent épuisés et très fatigués psychologiquement de la période du confinement, le ministère joue la carte de la division, en totale contradiction avec les signaux envoyés dans le courrier évoqué ci-dessus. Il laisse de côté 95 % des personnels qui ne bénéficieront donc que de sa considération, pendant que 5 % seront récompensés financièrement... selon des critères qui demeurent opaques. Sur quelle base peut-on en effet reconnaître un "investissement exceptionnel" sans entrer dans une logique discriminatoire vis-à-vis du travail des personnels ? 

Par conséquent, les organisations syndicales de la FSU pour l'ESR refusent les "pseudo-récompenses" pour quelques heureux/ses élu·es, et estiment que tous les personnels doivent être éligibles. Elles réaffirment que cette mesure exceptionnelle ne résout pas la situation salariale dégradée de l'ensemble des personnels et demandent une revalorisation indiciaire pour toutes et tous.

Une rentrée qui s'annonce catastrophique sans un budget rectificatif

Plusieurs inconnues relatives à cette rentrée sont par ailleurs susceptibles d'avoir des conséquences budgétaires négatives. Le volume des inscriptions compte-tenu des étudiant·es dans l'impossibilité de se déplacer, l'impact de la crise économique et sociale sur la demande en formation continue, l'aggravation de la précarité étudiante et les surcoûts liés à la mise en place d'enseignements dédoublés ou à distance en font partie. La relance de l'activité de recherche en particulier lorsqu'elle a été brutalement interrompue, le financement de la prolongation de tous les contrats doctoraux et de recherche, la réduction des subventions des collectivités territoriales( (dont les budgets sont aussi impactés par la crise sanitaire)) et l'augmentation du coût des programmes immobiliers sont également des paramètres à considérer. La CPU s'est livrée à l'exercice délicat du chiffrage de cette équation à plusieurs inconnues et estime à 150 M€ la diminution possible des recettes des universités. À cette somme, il faudrait ajouter a minima 135 M€ pour la nécessaire prolongation des contrats, 120 M€ pour compenser la hausse prévisible du nombre d'étudiant·es, et une somme au moins équivalente pour la prise en compte de la relance de l'activité de recherche, le financement des recherches relatives au Covid-19 et des contraintes pédagogiques et sanitaires spécifiques à cette rentrée.

Par ailleurs, les conséquences de la crise économique et sociale vont nécessairement entraîner une augmentation des demandes quant aux services de soutien aux étudiant·es, services déjà exsangues depuis de nombreuses années. Il est nécessaire de dégager des moyens humains (personnels sociaux, infirmier·es, administratif/ves) pour absorber les besoins et permettre un accompagnement assurant des conditions de vie décentes, préalable indispensable à la réussite de tou·tes.

Le service public de l'ESR a besoin d'un plan ambitieux et de moyens conséquents

Au total, au moins 525 M€ supplémentaires seraient donc nécessaires dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative et ce indépendamment des promesses présidentielles quant à la trajectoire budgétaire associée au projet de LPPR dont nous suivons la marche tortueuse à travers les ordres du jour des instances de représentation et sur lequel nous souhaiterions avoir sans attendre des éclaircissements quant à son contenu. Le constat effectué par la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale selon laquelle la crise a révélé et confirmé les faiblesses de la recherche française incite à plus d'ambition et surtout à une plus grande écoute des chercheur·es et des enseignant·es-chercheur·es.

Les organisations syndicales de la FSU pour l'ESR  appellent une nouvelle fois  le gouvernement à prendre la mesure de ce défi, à mettre fin à ces mesures de saupoudrage budgétaire qui engendrent des divisions entre les différentes catégories de personnel dont aucune n'a démérité durant la crise et qui entretiennent la précarité systémique dans notre secteur. Dès maintenant, nous demandons que les moyens nécessaires au service public de l'enseignement supérieur et de la recherche lui soient accordés, pour cette rentrée et pour les années à venir.