Art 05 le TCE fait débat

Publié le 27 mai 2005

Projet de Constitution européenne :
dans la communauté universitaire, comme dans le pays, un débat profond et engagé.

La prise de position nette du SNESUP pour le rejet du TCE, pour le NON au référendum, l’engagement de nombreux syndiqués dans ce sens ont alimenté un débat sur des questions de fond. L’Appel des Universitaires et des Chercheurs a recueilli un large soutien : 800 signatures publiquement affichées, c’est un fait d’importance qui traduit bien une approche nouvelle ouverte sur les questions européennes. Dans les catégories intellectuelles ou diplômées, à la différence de Maastricht, en 1992, le NON est largement soutenu. En même temps, même s’ils l’ont moins affirmé, des collègues, des syndiqués sont convaincus du vote OUI au projet constitutionnel. Vingt et un syndiqués ont fait part à la direction nationale de leur conviction en ce sens, de leurs critiques des prises de position pour le NON , notamment à la réception de l’Appel. Même s’ils sont parfois vifs sur les arguments, ces messages témoignent du respect des interlocuteurs et doivent être écoutés. Ils posent des questions importantes, que dégagent les extraits ci-dessous.
En regard de ces critiques, les 800 signataires ont également envoyé d’importantes contributions favorables à l’engagement du SNESUP, parmi celles-ci, deux extraits partiels et les réponses de Lise Dumasy.
Quelle que soit l’issue du vote, nous devons continuer ces échanges sur la construction européenne, sur l’espace européen de recherche et d’enseignement supérieur. Ce débat se situe dans le respect des réflexions de chacun(e),t des décisions du Congrès et de la nécessité de rassembler toutes nos forces, dans l’action des jours et semaines à venir .


Sur la prise de position du SNESUP en faveur du NON :

Je n'ai pas été consulté et je n'ai mandaté personne au congrès pour prendre position en faveur du Non au Traité constitutionnel. Je suis pour le Oui et je ne vois pas ce qui autorise mon syndicat à faire ainsi de la propagande pour le Non. (Paris)

Je suis pour ma part en désaccord avec ce "non" inconsistant, qui ne tient absolument pas compte du contexte réel dans lequel nous nous trouvons en France et en Europe. L'utopie a ses charmes et ses vertus, mais pourquoi notre syndicat prend-il la responsabilité de s'opposer à un projet soutenu par l'immense majorité des syndicats européens? (Paris 8).

J'en ai assez du matraquage SNESUP en faveur du NON, position que je ne partage pas et qui m'éloigne un peu plus de ce syndicat dans lequel je me reconnais de moins en moins.. (Besançon )

Je suis adhérent et élu de SNESUP.Je n'approuve pas du tout la prise de position de SNESUP sur un projet politique qui divise la société. ….Personnellement je voterai OUI. Je crains pour SNESUP que cette position puisse conduire à un désengagement (dommage !) de certains entre nous. Bien cordialement (Marne la Vallée).

Parce que je suis favorable à la construction européenne, je voterais OUI au projet de traité. Je trouve que le positionnement du NON de l'organisation syndicale est déplacé, je considère que cela n'entre pas dans les missions du syndicat. (Toulouse IUFM)

Reims : une critique
Syndiqué depuis 1969, je ne peux pas admettre que le SNESUP prenne parti dans le vote relatif au traité constitutionnel, ni d'ailleurs dans aucun autre vote. Ce n'est pas le rôle d'un syndicat d'être la courroie de transmission de parti(s) politique(s)et de peser sur le libre choix des syndiqués qui sont assez "grands" pour se faire leur opinion. Avec mes plus vifs regrets (Reims)

Et une réponse :je crois que tu retardes quelque peu sur la question de la "courroie de transmission", puisque des partisans du "non" se retrouvent en nombre non négligeable dans tous les partis politiques.(en réponse, de Reims également).

Sur le débat dans le syndicat :
Je demande qu'un site et des liens des syndiqués pour le Oui soit ouvert, au même titre que celui- ci (Paris)
Je regrette de ne pouvoir signer cette pétition que je trouve bien trop restrictive, parce que centrée sur notre domaine, exclusivement. Je pense qu'il aurait été plus judicieux d'accrocher sur quelque chose de beaucoup plus général (qui nous englobe aussi) et qui concerne l'ensemble de la population, c'est-à-dire sur le problème du principe de la "concurrence libre et non faussée"

Le Traité Constitutionnel et les luttes pour l’enseignement supérieur et la recherche :
je ne cache pas que je suis très gênée par les positions du SNES SUP dans ce référendum ; que la constitution soit complexe, je le sais mais ; que mon syndicat fasse une campagne aussi offensive contre quelques demeuré(é)s dont je fais partie car ils pensent que mieux vaut une constitution avec des défauts que pas de constitution du tout, je l'accepte mal ; j'y vois un manque de respect des positions politiques des adhérents ;cela me donne envie de militer férocement pour le oui et de quitter le SNES SUP... Amitiés syndicales
en réponse (de Reims) ce texte contient notamment un volet politique (partie III) qui d'une part n'a rien à faire dans un texte de Constitution et d'autre part prône une extension de la politique ultralibérale menée actuellement, avec à la clé pour ce qui nous concerne, un démantèlement du service public d'enseignement et de recherche. Le SNESUP est donc selon moi tout à fait dans son rôle en s'opposant à ce texte, plutôt que d'avoir à en combattre les conséquences dans les années qui viennent
J'ai été fortement déçu de la prise de position du CA du SNESUP sur le projet de constitution européenne. Cette prise de position est, à mon avis, avant tout politique et j'aurais souhaité un peu plus de mesure et d'objectivité dans la présentation des problèmes ("le débat sur le fond").
Tout cela me parait éloigné du quotidien que nous avons à traiter localement au niveau de notre établissement et également des projets nationaux comme la LOPRI. Je suis donc fortement indisposé par le type de message que nous venons de recevoir. Je veux bien croire que ma position n'est pas majoritaire au sein du SNESUP et que la modération n'est pas à la mode actuellement mais sachez que probablement un certain nombre de personnes n'ont pas des opinions aussi tranchées sur ce problème. Cordialement (Clermont)

Contre Nice et Bolkestein, le TCE…
Pas d'accord. Je ne veux pas d'un retour au Traité de Nice, ni pour une France qui se contrefout des autres pays membres de l'Europe. Je suis pour le OUI à l'Europe et je regrette que le SNESUP s'engage sur un territoire qui outrepasse ses fonctions. J'espère que le milieu universitaire et la communauté scientifique ne vous suivront pas. Amitiés. (Paris)

Très troublé que le SNESUP appelle à voter Non au TCE [….] je ressens le besoin de prendre un peu de recul par rapport au SNESUP et je ne règlerai donc pas ma cotisation 2005.
Je pense que le Traité constitutionnel tel qu'il est proposé garantit, malgré ses imperfections, quelques avancées, en tout cas davantage que le traité de Nice qui restera en vigueur si le Non l'emporte. Raison essentielle d'être pour le Oui. (Paris)

La position du SNESUP largement partagée….
« Le titre du Monde du 25 mai sur la position des syndicats européens est totalement manipulateur […]Le comité confédéral national de la CGT s'est prononcé "pour le rejet du projet de traité constitutionnel", la FSU également (certains de ses syndicats appellent même à voter "non"), FO a voté contre le traité lors du fameux comité exécutif de la CES mais ne donne pas de consigne de vote, l'union syndicale Solidaires "appelle à voter non", l'ancien président de la CES appelle à voter "non" (l'actuel est un proche de Blair). La CGT portugaise affirme: "la Constitution est très en deçà des attentes de la CGTP" et critique "sa marque profondément libérale", l'OGB (principal syndicat autrichien) "rejette" le texte, les TUC anglais n’ont pour l’heure pris aucune position et ont laissé entendre qu'ils ne pourraient pas soutenir ce texte, Solidarnosc a décidé de ne pas donner de consigne de vote etc.. ». (de Paris)
Nombre de responsables SNESUP sont signataires de l’Appel des 500 syndicalistes, cet Appel a reçu le soutien de plus de 6000 syndicalistes.. D’autres appels circulent dans notre milieu, notamment celui des Economistes, plusieurs centaines d’universitaires le soutiennent (Paris) »
Enfin parmi de nombreux messages soutenant la position du SNESUP : Je vous fais parvenir une contribution en fichier attaché, concernant le vote Non au prochain référendum. Espérant que cet envoi sera utile... Par ailleurs, bien entendu, je signe la pétition. (Marseille):

Et après le 29 mai ?
J’ai un grand respect pour un ce tain nombre d'arguments en faveur du NON en revanche je voterai OUI j'en suis convaincu depuis le début et je dirai que, plus le temps passe, plus je me sens conforté dans l'idée qu'en fait, Il faut voter OUI. Je fais donc campagne pour le OUI. Cela étant, je souhaite ardemment que nous nous retrouvions tous sur la même Ligne après le referendum, dans les luttes pour une Europe plus sociale. (Marseille)

 

 

L'appel d'universitaires et de chercheurs pour le NON au referendum sur le TCE a suscité de nombreuses réactions chez les collègues – syndiqués et non syndiqués – auxquels il a été envoyé. La plupart de ces réactions sont globalement positives comme en attestent les quelque 800 signatures déjà collectées. Des collègues nous ont envoyé d'intéressantes analyses ou se sont plaint de la perspective étroitement universitaire de notre appel.


Il est bien clair que le texte de l'appel n'est pas une analyse du TCE et qu'il n'évoque pas l'ensemble des raisons qu'il y aurait à notre avis de le rejeter. Nous nous sommes volontairement placés du point de vue restreint de l'analyse du TCE en fonction de notre expérience et de notre autorité d'universitaires et de chercheurs. Je pense qu'il est évident pour beaucoup d'entre nous que bien d'autres raisons encore militent pour le rejet de ce traité, mais la logique (du traité et de son refus) reste dans tous les cas la même.

Il ne s'agit pas non plus, bien évidemment, d'un refus de la construction européenne, mais d'un acte préliminaire à la construction d'une autre Europe reposant sur les principes de solidarité et non de concurrence entre les peuples. On veut nous faire croire que c’est impossible, que la construction de l’Europe serait stoppée par le rejet d’un texte qui ne souffrirait aucune retouche. Cela seul devrait nous alerter. S’il était vraiment impossible de faire un autre traité que celui-là, cela reviendrait à dire que notre liberté de citoyen n’a plus de sens.


D'autres collègues, (en nombre restreint 21 à ce jour) ont adressé des messages de protestation contre cette initiative, qu'ils désapprouvaient à plusieurs titres. Nous souhaitons leur répondre.

L'argument que nous trouvons le plus souvent évoqué est que ce n'est pas le rôle d'un syndicat que de prendre des positions "politiques".

Nous pensons différemment. Nous croyons que le rôle d'un syndicat de l'enseignement supérieur est bien de se prononcer sur des politiques publiques qui déterminent, dans un sens ou dans un autre, l'évolution de l'enseignement supérieur et de la recherche, et de manière générale les services publics.

L'actuel projet de TCE (on pourrait en imaginer de tout autres) emporte des conséquences suffisamment inquiétantes pour les dits services publics – y compris celui de l'enseignement supérieur et de la recherche – pour qu'un syndicat de l'enseignement supérieur s'en soucie. Cela justifie tout à fait à nos yeux une prise de position claire. C’est le TCE en effet et non son rejet qui risque de graver dans le marbre les politiques ultra libérales des traités antérieurs et même de les aggraver.


La prise de position du SNESUP s'est faite au Congrès, de façon très majoritaire, et après une phase de débat lancée dès janvier dernier au sein du syndicat.

Que cette position ne corresponde pas à celle de tous les syndiqués, qu'il continue à y avoir débat au sein du syndicat, comme au sein de la communauté universitaire et du pays, cela est bien normal et ne saurait étonner sur un sujet aussi brûlant et aussi controversé. Ce débat doit bien entendu se développer librement. L'appel actuel ne l'empêche nullement.


C'est un appel d'universitaires et de chercheurs qui se trouve relayé entre autres (mais nullement exclusivement) par des collègues syndiqués – ceux qui le souhaitent. Il n'y a là nulle obligation, nulle directivité.

Chacun de ceux qui ont signé l'a fait en son nom propre, et en sa qualité d'universitaire et de chercheur – même si, à l'évidence, celle-ci n'exclut nullement un engagement syndical. Les collègues qui ne souhaitent ni signer, ni diffuser cet appel sont bien libres de le faire (ils ne s'en sont certainement pas privés), et nul ne sera excommunié.

 

Quelle que soit notre analyse, que le oui ou le non l'emporte, il faudra rester mobilisé contre les dérives ultra-libérales de la France et de l'Europe, dont les actuels projets de Fillon portent la marque. Nous comptons bien pour cela sur l'engagement et les forces de tous les syndiqués.

Lise Dumasy