Après les élections : vers une rupture ?

Publié le : 15/05/2012


Après les élections : vers une rupture ?

par Pierre Duharcourt

Dynamiser l'économie, restaurer les solidarités, rompre avec la logique suicidaire de l'austérité.

La défaite de N. Sarkozy à l'élection présidentielle intervient à un moment où s'aggrave l'engrenage infernal auquel conduisent les politiques d'austérité dans lesquelles se sont enfermés les pays de l'UE et notamment de la zone euro. Après une croissance médiocre de 1,7 % du PIB, la tendance actuelle en France est pour l'an prochain une stagnation (la prévision du gouvernement sortant était une augmentation annuelle de 0,3 %, avec un quasi blocage - fait sans précédent - de la consommation). Les prévisions pour les autres pays européens sont tout aussi pessimistes ; ces chiffres moyens masquent un accroissement considérable des inégalités, la pauvreté frappant non seulement les catégories victimes d'un chômage massif, mais aussi celles victimes de la précarité et de la pression sur les salaires. La situation des pays auxquels la « troïka » a imposé une purge est carrément insupportable.
Le soir de son élection, F. Hollande a affirmé que « l'austérité ne devait plus être une fatalité ». Doivent donc être prises réellement en oeuvre, dès son installation comme président, puis après des élections législatives
permettant un rapport de forces susceptible d'en finir avec les politiques de droite, des mesures créant la rupture nécessaire. Ces mesures concernent évidemment le niveau national, mais les premiers « rendez-vous » prévus sont également l'occasion d'engager cette rupture au niveau international, à commencer européen : rompre avec la logique régressive du projet de « traité sur la stabilité », concevoir les « convergences » comme renforçant les solidarités et mettant fin au moins disant social ou fiscal, repenser l'activité de la BCE et le financement européen comme étant au service de l‘emploi et du développement durable (mutualisation et monétarisation de la dette, « Project bonds »...).
Pour ce qui est de la politique économique et sociale intérieure, doivent intervenir des décisions réglementaires (dès maintenant) puis législatives, conjuguant relance du pouvoir d'achat (notamment relèvement du SMIC, s'ajoutant aux annonces concernant la suppression de la prétendue TVA sociale, la prime de rentrée ou le blocage des prix des carburants...) et le soutien de l'offre dans le cadre d'un autre type de développement en lien avec la transition énergétique. Le « redressement du pays dans la justice » doit passer par une réforme fiscale garantissant notamment une plus grande progressivité des prélèvements, une réforme du système bancaire incluant la création d'un pôle public et luttant contre les activités spéculatives, la négociation d'une tout autre réforme des retraites...

Un des axes qui doit apparaître dès l'adoption d'une loi de finances rectificatives doit être l'abandon des destructions provoquées par la RGPP et la réhabilitation des services publics. Comme dans les autres domaines, en ce qui concerne le service public de l'enseignement supérieur et de la recherche, les décisions budgétaires doivent être associées à des mesures structurelles. La programmation de créations d'emplois (d'enseignants- chercheurs, de chercheurs et de BIATOSS) doit faire partie des engagements pris au nom de l'investissement intellectuel et de la priorité donnée à la jeunesse. Mais ces créations d'emplois comme d'autres décisions de financement  (des établissements, moyens récurrents pour les laboratoires) doivent être associées à la rupture avec les logiques portées par le « Pacte recherche », la loi LRU et ses décrets d'application, les décisions technocratiques prises par l'AERES et l'ANR, les sélections discriminatoires et éliminations instaurées par les « Bidulex », à une tout autre réforme de la formation des enseignants, à une réflexion sur le fonctionnement démocratique de l'ESR et des établissements et sur les réformes nécessaires pour la réussite des étudiants et la mise en synergie des différentes formations post-bac ; à l'abandon des projets faisant appel aux droits d'inscription et au contraire la mise en oeuvre d'une allocation d'autonomie... Au-delà, se pose la question de considérer dans le même ensemble le budget de la MIRES et les « financements extrabudgétaires » correspondant au grand emprunt, au Plan Campus... et d'y associer à un autre contenu le Parlement comme des instances telles que le CNESER. Un autre sujet de réflexion à amorcer sans tarder, pour être concrétisé dès la prochaine loi de finances, est celui du remplacement du CIR (crédit impôt recherche, qui équivaut à la moitié du budget de la MIRES) par un système supprimant les effets d'aubaine profitant notamment aux grands groupes et à leurs filiales, et soutenant réellement la recherche, l'innovation, l'embauche de chercheurs notamment dans les PME ou ETI (entreprises de taille intermédiaire).