L'ESR a besoin d'une autre politique - Déclaration de la FSU au CNESER du 10 septembre 2024
CNESER du 10 septembre 2024 - Déclaration de la FSU
L'Enseignement supérieur et la recherche
ont besoin d'une autre politique
Cette rentrée universitaire se situe dans la lignée des rentrées précédentes, sous le triple signe de la dérégulation, d’un manque de moyens pour assurer nos missions de recherche et d’enseignement, et d’un mépris croissant pour la collégialité et la démocratie universitaire. Qui plus est, sans ministre depuis le mois de juillet et dans l’attente depuis la nomination de Michel Barnier comme premier ministre d’un ou d’une nouvelle ministre dont la feuille de route risque d’être peu modifiée, comme si les élections législatives n’avaient pas eu lieu et qu’une autre politique n’avait pas été demandée par une majorité de nos concitoyens !
Encore faudrait-il qu’un ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche continue d’exister, ce qui n’est pas acquis. La FSU considère qu’il est indispensable que l’ESR ait une ou un ministre d’État.
Les universités et les organismes nationaux de recherche ont un cruel besoin de moyens financiers et humains pour assurer leurs missions premières, former et chercher : l’ESR est, selon l’expression consacrée, “à l’os”. Et on apprend par la presse que la lettre plafond envoyée au MESR prévoit 500 M€ de moins qu’en 2024 pour la MIRES, ce qui donnerait 31,3 Md€ de plafond de dépenses composés de 16,5 Md€ hors LPR et 14,7 Md€ pour le périmètre de la LPR. Si l’on calcule en euros constants de 2024, le budget de la MIRES baisserait de 1,3 Mds€ !
Cela n’est pas tenable, “ça craque de partout” ! Selon nos estimations, il manque déjà 2,5 Md€ pour l’encadrement des étudiants dont 1 Md€ pour créer immédiatement 12 000 postes de titulaires de toutes catégories confondues permettant juste de réduire de moitié les inégalités d’encadrement entre établissements et 1,5 Md€ pour créer les 150 000 places en 1er et 2e cycle afin d’accueillir toutes celles et tous ceux qui souhaitent poursuivre leur formation dans les établissements publics ; 2 Md€ pour la recherche ; 2,5 Md€ pour l’augmentation de 10 % du point d’indice et 1 Md€ pour la rénovation immobilière - effort qu’il faudrait maintenir pendant cinq ans. Et il faudrait mettre en place un plan pluriannuel d’emplois statutaires de 6000 postes par an jusqu’en 2035. On en est loin ! Quelle est l’ambition pour la formation de la jeunesse et pour la recherche ?
Il serait inconséquent de rétorquer qu’il faut que les universités augmentent leurs ressources propres : par exemple, obtenir les 5,34 Mds€ manquant selon la cour des comptes pour la rénovation énergétique des bâtiments d’ici 2030 supposerait d’augmenter leurs ressources propres de 130 %, soit les multiplier par 2,3, alors qu’en 6 ans elles ont difficilement augmenté de 10 % malgré les efforts importants investis ! Et l’estimation de la cour des comptes est basse : c’est plus du double si l’on suit France Université (FU).
De même, il est déraisonnable d’exonérer l’État de ses responsabilités en proposant le recours à l’emprunt pour investir dans l’immobilier, via le tiers financement ou les sociétés locales immobilières, ou en envisageant la dévolution immobilière d’ici 10 ans pour tous les établissements comme le préconise un rapport récent de l’IGESR : la grande majorité des établissements n’a ni l’infrastructure ni les moyens d’assumer cette dévolution sans parler du fait que des éléments de la politique immobilière doivent être gérés nationalement et que l’état des finances des universités est pour le moins fragile - selon FU, en 2023, sur 63 universités, 27 ont des résultats déficitaires contre 21 en 2022 et 15 d’entre elles l’ont été les deux années consécutives…
Où devra-t-on en arriver pour considérer qu’il faut réagir et investir dans l’ESR public ? à des universités en faillite ? A une scolarisation des étudiant·es à plus de 50 % dans le privé ? Rappelons que pour que les étudiant·es aient le libre choix de leur inscription, il faudrait que l’ESR public puisse accueillir tous les étudiant·es qui le souhaitent - ce qui est indispensable pour lutter contre la fragmentation sociale, construire de la justice sociale et promouvoir l’intérêt général. Là encore, nous en sommes loin et les choix politiques actuels creusent les inégalités.
Ainsi des universités proposent des réductions budgétaires qui ont des conséquences directes sur les capacités d’accueil : par exemple à l’université d’Aix-Marseille, qui met en place un plan d’austérité sévère, la direction propose aux UFR de réduire les heures complémentaires selon trois modalités : “une réduction [des] capacités d'accueil (réduction des capacités d'accueil Parcoursup et/ou Mon Master, fermeture de groupes, fermeture de parcours...) ; un transfert des HCC pérennes vers les HCC semi-pérennes dont le montant est compensé par l'augmentation des RP [ressources propres] ; une modulation du taux de prélèvement”. A l’université d’Angers, pourtant déjà la moins bien dotée de France, les budgets de fonctionnement ont été réduits de 20 % depuis le début de l’année civile et ils le sont de 50 % en cette rentrée pour les UFR et les laboratoires qui n’ont pas pu tenir cet objectif avant les congés d’été.
La recherche pâtit également du manque de postes et de moyens financiers. Nous demandons une réorientation vers la MIRES des plus de 7 Md€ de budget consommés par le CIR dont l’efficacité est très contestée. La course au financement via les appels à projets nuit grandement au développement de la recherche. D’un côté, la généralisation du recours aux appels à projets génère une augmentation des tâches administratives, intensifie le travail des collègues de toutes catégories, et diminue de fait le temps accordé à la recherche. D’un autre côté, l’accent est mis sur une recherche appliquée à courte vue qui répond aux besoins utilitaristes, immédiats et locaux des entreprises privées au détriment du développement et du renforcement de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée libres qui sont indispensables pour préparer l’avenir.
Enfin, la mise en place de l’Acte II de l’autonomie se poursuit sans aucune transparence ni dialogue avec les partenaires sociaux. Nous sommes informé.es par voie de presse de décisions ou de mesures qui concernent directement le personnel et ses conditions de travail. Cela est inacceptable. Il est intolérable que l’équipe de direction d’une université, l’université d’Aix-Marseille par exemple, développe largement dans l’AEF ce qu’elle envisage de faire à propos d’expérimentations et de supposées simplifications alors que ni les élu·es du CSA, ni celles et ceux du CA ne sont ne seraient-ce que mis.es au courant des travaux. Cela avait déjà été le cas avec les PIA et nous avons toutes et tous pu constater les inégalités et le clientélisme que ces procédures discrétionnaires et opaques ont pu générer. Nous exigeons d’avoir une véritable prise sur nos conditions de travail, dans les instances prévues pour cela par le code de l’éducation, avec une représentativité majoritaire du personnel.
Pour demeurer un Service Public au service de l’intérêt général, et cela sur chacun de nos territoires, l’ESR a besoin d’une autre politique. Une politique qui permette de redonner du sens à nos métiers et de poursuivre la démocratisation de l’enseignement supérieur plus que jamais indispensable pour permettre d’aborder la complexité de notre monde et les défis auxquels nous sommes confronté.es, une politique qui permette l’émancipation du plus grand nombre dans le contexte de montée des idées et pratiques de l'extrême-droite.
Le SNESUP-FSU luttera pour défendre les droits et les statuts des agents contre la précarisation des personnels ; pour défendre les valeurs du Service Public contre les inégalités générées par la politique de différenciation ; pour faire reculer la marchandisation de l'enseignement supérieur ; pour défendre les libertés académiques et la liberté de recherche ; pour que l’ESR soit envisagé comme un investissement à développer plutôt qu’un coût et une dépense à réduire.
Nous ne devons pas être une variable d’ajustement des politiques budgétaires austéritaires qui réduisent les dépenses publiques afin de poursuivre la baisse des impôts des plus riches et les subventions aux multinationales. Le prochain projet de loi de finances (PLF) devra en tenir compte.