2012, quels enjeux ? Questions aux candidats

Publié le : 12/03/2012


La rédaction du Mensuel a choisi de donner, à certains candidats à l'élection présidentielle, un même espace pour répondre aux mêmes questions toutes centrées sur l'enseignement supérieur et la recherche. Des réponses qui n'épuisent pas le champ.

 

QUESTION N°1

 

Envisagez-vous l'abrogation de la loi LRU ? Par quelles mesures immédiates et à
plus long terme, engagez-vous un changement de cap garantissant un fonctionnement des établissements fondé sur une collégialité démocratique
et assurant aux universités et laboratoires des financements d'État stables et pérennes ?

 

QUESTION N°2

Pour rompre avec le processus inégalitaire actuel des Idex, Labex... quelles mesures institutionnelles et quels moyens budgétaires (y compris en emplois) comptez-vous mettre en œuvre, dès la prochaine rentrée, pour assurer un développement équilibré sur l'ensemble du territoire du service public d'enseignement supérieur et de recherche ? Quels sont les objectifs qui seront assignés à ce service public ?

 

QUESTION N°3

Comptez-vous abroger la « réforme » de la formation des enseignants ? Quelles mesures pensez-vous prendre pour engager, dès la rentrée 2012, une tout autre réforme associant une véritable formation professionnelle à une  formation  universitaire en s'appuyant sur le potentiel des IUFM et des UFR 

 

Nathalie Arthaud, candidate de lutte ouvrière

 

RÉPONSE À LA QUESTION N°1
La loi LRU, qui consacre l'inégalité des établissements et surtout, le désengagement financier hypocrite de l'État, doit évidemment être abrogée sans délai. Quant à l'indispensable et urgent « changement de cap » mentionné par la question, il dépend beaucoup moins de mesures législatives - que le présidentiable socialiste se garde d'ailleurs soigneusement d'évoquer - que du rapport de forces global entre le monde du travail et celui des possédants. La dégradation programmée de l'enseignement supérieur s'inscrit dans la guerre menée depuis des années contre l'ensemble des services publics, guerre elle-même dictée aux gouvernements successifs, quelle que soit leur couleur politique, par les exigences toujours croissantes du monde capitaliste. Dans un tel contexte, pour ne pas être dévorés à la sauce grecque ou anglaise, les étudiants et les personnels de l'enseignement supérieur ne peuvent compter sur aucun des possibles présidentiables. Ils peuvent en revanche s'appuyer sur leur propre mobilisation, et sur les alliés naturels qu'ils possèdent parmi l'ensemble de la population travailleuse.
RÉPONSE À LA QUESTION N°2
Il va de soi que le service public d'enseignement supérieur fait face à un besoin urgent de recruter des personnels, administratifs, techniques et enseignants, sous la forme d'emplois statutaires et correctement rémunérés. Pas un salarié ne devrait demeurer précaire, et pas un salaire ne devrait être inférieur aux 1 700 euros que revendiquent à juste titre certaines centrales syndicales. L'argent pour mettre ces mesures en œuvre existe. Il suffit de constater que cette année, dans les dépenses de l'État, le service de la dette a dépassé l'ensemble du budget de l'Éducation nationale pour savoir où partent les millions ou milliards qui font si cruellement défaut au service public d'éducation.
Mais une fois encore, la question primordiale est de savoir comment ces mesures indispensables pourront être imposées. Et une seule réponse réaliste s'impose : on doit faire infiniment plus confiance à de futurs mouvements sociaux qu'à des candidats qui, quelle que soit leur étiquette, en tant que présidents ou en tant que ministres, se placeront quoi qu'il arrive aux ordres des marchés financiers.
RÉPONSE À LA QUESTION N°3
Cette « réforme », elle aussi catastrophique et elle aussi uniquement inspirée par le souci de réaliser des économies quelles qu'en soient les conséquences, doit évidemment être abrogée. Un gouvernement réellement soucieux de l'intérêt collectif ne pourrait que réunir personnels et professionnels compétents afin de définir la meilleure formule pour assurer la formation des enseignants - et au travers de celle-ci, celle des millions de jeunes issus de milieux populaires. Je ne serai pas élue, comme tous les candidats sauf un, et ne pourrai mettre en oeuvre ces mesures en tant que présidente de la République. Au risque de me répéter, les meilleurs projets pédagogiques du monde ne pourront voir le jour qu'à la condition expresse d'être imposés par une mobilisation déterminée de larges couches de la population. 

 

 

François Bayrou, candidat du MoDem

 

RÉPONSE À LA QUESTION N°1
Pour moi, l'autonomie n'est pas une finalité. C'est un moyen. Nous devons, dans le futur, faire en sorte qu'elle s'accompagne d'un réel projet stratégique. Ce projet ne suscitera l'adhésion que s'il est amplement discuté. Et cette discussion doit avoir lieu à toutes les strates de gouvernance, du conseil de composante au ministère ! J'ajoute qu'un établissement est inscrit dans un territoire et de fait, ne doit pas être restreint par des injonctions ministérielles. Au contraire, il doit pouvoir associer à son projet des acteurs locaux afin de faire émerger une logique de site.
RÉPONSE À LA QUESTION N°2
Les derniers temps ont donné l'impression d'une compétition entre les universités. Ce n'est pas sain. Être dans une situation de compétition permanente n'est pas la solution. Je crois que les choix des Initiatives ou des Laboratoires d'Excellence doivent obéir à une plus grande transparence. La recherche doit être au cœur de notre société. Elle doit être considérée comme un vecteur de progrès, qu'il s'agisse des savoirs ou du bien-être de nos contemporains et a fortiori des générations futures. Pour parvenir à ce résultat, je proposerai une loi d'orientation pour la recherche. Elle couvrira la période 2013-2017 et aura pour but de redonner une perspective, de préciser les priorités et les rôles des différents organismes. Nous devons poursuivre un double objectif : celui d'alléger le poids de « l'administratif » et de donner une vision claire à moyen terme à nos chercheurs. Les priorités de recherche doivent faire
l'objet d'un débat démocratique. Je propose qu'il s'articule autour de pistes comme l'énergie, les nanotechnologies, la santé - notamment sur les maladies dégénératives - mais aussi sur les questions des sciences de la société. 

RÉPONSE À LA QUESTION N°3
La situation actuelle est désastreuse. On livre à eux-mêmes de jeunes professeurs dans des situations complexes qui n'ont pas pu être simulées ni testées au cours de leur formation. J'ai la conviction qu'il faut reconstruire une année de formation en alternance, avec exercice dans la classe. Nous devons permettre la transmission de l'expérience d'autres enseignants. C'est le seul moyen de familiariser des enseignants débutants, recrutés par concours, qu'il faut soutenir par l'expérience de collègues plus assurés dans l'exercice de leur mission.

 

 

Vincent Peillon, responsable du pôle éducation de François Hollande, candidat du PS

 

RÉPONSE À LA QUESTION N°1
La loi LRU n'a pas été une vraie loi d'autonomie, et elle devra donc être profondément réformée. Nous la remplacerons par une nouvelle loi-cadre sur l'enseignement supérieur et la recherche qui ira pour l'essentiel dans deux directions : la mise sur pied d'une gouvernance collégiale et démocratique permettant le respect des libertés académiques, et l'octroi aux universités des moyens de leur autonomie. Le principe de compensation devra être respecté : à transfert de charges, transfert de moyens. Il s'agira également de réaffirmer avec force la nécessité d'un cadre national des diplômes et des statuts des personnels, d'encadrer les possibilités de recrutement de contractuels, ou encore, c'est important, d'engager une vaste réforme des premiers cycles. Mais auparavant nous voulons restaurer la confiance et le dialogue qui ont été brisés : des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche auront lieu dès l'été.
RÉPONSE À LA QUESTION N°2
Le financement par appel à projets, le plan Campus et les Investissements d'avenir ont aggravé les disparités et les déséquilibres. François Hollande propose une simplification du paysage, devenu aujourd'hui illisible, autour de principes simples : substitution d'une logique de coopération et de mise en réseau à celle de la compétition, refus d'un système à deux vitesses et des inégalités territoriales, pérennité des financements et respect de la parole de l'État.Dès l'élection, nous lancerons un audit général des financements pour, au-delà des effets d'annonce, connaître la réalité financière des établissements. Des contrats quinquennaux seront signés entre l'État et les universités, en associant organismes de recherche et collectivités. Les financements de base et sur projet seront rééquilibrés. Les Investissements d'avenir, dont la quasi-totalité des crédits auront déjà été alloués, verront leur versement accéléré, mais nous agirons sur les périmètres pour que les « territoires oubliés » puissent y être associés et en bénéficier. Enfin, 5 000 des 60 000 nouveaux postes annoncés dans l'éducation et la connaissance seront affectés à un plan pluriannuel d'emplois scientifiques et de résorption de la précarité.
RÉPONSE À LA QUESTION N°3
La reconstruction d'une formation initiale et continue des professeurs digne de ce nom est un chantier prioritaire. La formation aura lieu dans l'université où les actuels IUFM se transformeront en écoles supérieures du professorat et de l'éducation. Tous les professeurs, qu'ils se destinent à enseigner en maternelle ou à l'université, y partageront un moment de formation commun. Nous reviendrons sur l'organisation pédagogique des deux années du master pour permettre une entrée progressive dans la profession. L'année de stage sera rétablie. Nous discuterons avec les organisations représentatives des dates de concours dans le cursus et de la mise en place d'un prérecrutement au niveau de la licence.

 

 

Eva Joly, candidate EELV

 

RÉPONSE À LA QUESTION N°1
Je m'engage à associer autonomie et démocratie dans l'enseignement supérieur. La LRU et le pacte pour la recherche seront remplacés par un texte fondé sur les conclusions d'États Généraux de l'ESR, ouverts sur la société. Ce texte devra réaffirmer et installer les principes de collégialité propres à l'Université, et les généraliser aux structures fédératives régionales qui permettront d'accélérer la résorption du clivage entre universités et écoles. Le statut dérogatoire de Grand Établissement sera supprimé. Les moyens du Grand Emprunt seront reconvertis en crédits budgétaires, et l'ANR ne conservera qu'une fraction de son budget actuel, réservé aux actions fortement pluridisciplinaires ou relevant de thématiques prioritaires décidées lors d'un débat démocratique. L'AERES sera supprimé, les évaluations étant conduites par des comités élus aux deux tiers au moins et respectant la diversité des productions scientifiques.
RÉPONSE À LA QUESTION N°2
Le système public de l'ESR doit produire et transmettre les connaissances, en toute indépendance et sur l'ensemble du territoire. Avec les écologistes, je veillerai à conserver un maillage complet, fondé sur des regroupements d'universités ou des structures fédérales démocratiques, tous dotés de moyens fondés sur l'évaluation contradictoire de leurs besoins.
L'association des cycles licence, master et doctorat sera réaffirmée, le statut desIUT garanti par la loi. Une loi de programmation budgétaire pour le quinquennat intégrera une augmentation d'1 G€ par an du budget du MESR. Le statut de fonctionnaire n'est pas seulement une garantie du service public, il est aussi un atout pour la qualité du travail de recherche et son indépendance : 5 000 postes seront créés chaque année pour résorber la précarité.
RÉPONSE À LA QUESTION N°3
La réforme actuelle impose un véritable parcours d'obstacles et crée les conditions d'une pénurie du recrutement. Il faut refonder totalement l'entrée dans le métier, en articulant étroitement concours, formation initiale et formation continue. EELV propose trois types de concours : le premier aura lieu après la licence et ouvrira sur deux années de formation professionnelle en alternance débouchant sur un master. Le deuxième type sera ouvert aux candidats déjà titulaires d'un master et le troisième à ceux qui auront une expérience professionnelle reconnue par la validation des acquis de l'expérience : ils donneront droit à une année de formation débouchant sur un master d'enseignement et une titularisation. C'est en proposant du temps de formation après le concours que les nouveaux enseignants pourront réellement analyser leurs pratiques, s'initier aux différentes facettes du métier, rencontrer tous les acteurs éducatifs et s'initier à une authentique démarche de recherche.

 

 

Jean-Luc Mélenchon, candidat du front de gauche

 

RÉPONSE À LA QUESTION N°1
La LRU est l'outil privilégié des libéraux pour imposer la marchandisation et la mise en concurrence de l'enseignement supérieur et de la recherche. Désormais, les universités luttent entre elles et en leur sein pour vivre. Elles doivent se plier au diktat de la compétition en lieu et place de la coopération qui devrait prévaloir dans ce monde du savoir. L'Université est le lieu de l'universalisme et du savoir. Or le savoir est la seule chose qui se multiplie quand on la partage. Je restaurerai ce cycle vertueux. Cela demandera bien sûr de préparer la construction d'une nouvelle loi dont le vote interviendrait en même temps que l'abrogation de cette sinistre LRU. La méthodologie de travail revêt autant d'importance à mes yeux que le contenu de la future loi, dans l'optique d'y faire adhérer l'ensemble de la communauté. Ainsi, en tout premier lieu, il faut, d'une part, procéder à une évaluation critique des dégâts et des mesures immédiates de réparation nécessaires et, d'autre part, charger le CNESER et le CoNRS d'organiser au sein de toute la communauté de l'ESR l'ébullition intellectuelle indispensable à l'émergence de la loi. 

RÉPONSE À LA QUESTION N°2
Les Idex, Labex et autres « Bidulex » visent aujourd'hui à créer des territoires d'exception au sein de la République pour mieux conforter la concurrence libre et non faussée internationale. La concurrence est mise en place au niveau international pour se traduire ensuite en une lutte entre étudiants. La concentration comme mode d'organisation privilégié doit donc être interrompue. À l'occasion de l'élaboration de la nouvelle loi, nous redéfinirons le périmètre des Idex et transformerons ceux-ci en pôles de coopération. Mais, pour cela, la question des moyens se pose avec acuité après les ravages du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Ce sont donc 5 000 emplois statutaires par an pendant cinq ans qu'il faudra envisager pour remettre sur les rails un service public qui vise l'élévation du niveau culturel, scientifique et des qualifications de l'ensemble d'une classe.
RÉPONSE À LA QUESTION N°3
Une nouvelle réforme de la formation des enseignants doit voir le jour pour remplacer ce dispositif absurde qui nie la nature même de l'acte d'enseigner. Celle-ci articulera formation de haut niveau dans la ou les disciplines à enseigner, formation professionnelle et ouverture à la recherche. Elle s'appuiera sur des prérecrutements afin de permettre aux jeunes issus de milieux populaires d'accéder au métier. Le statut de fonctionnaire d'État, garantie de la liberté pédagogique et de l'égale qualité du service public sur tout le territoire, sera renforcé. Parallèlement, la recherche en éducation doit être relancée, la formation continue rétablie, et des temps d'échanges pédagogiques, de réflexion et d'élaboration institués dans les établissements.

 

 

Philippe Poutou, candidat du NPA

 

RÉPONSE À LA QUESTION N°1
Oui. Trois rappels élémentaires : la loi LRU fut d'emblée présentée comme réforme « phare » du quinquennat ; elle a fait l'objet de contestations massives et sans précédent, traitées par la coercition et le mépris ; elle prolonge une attaque contre l'ensemble des services publics. Son abrogation a donc vocation à être un marqueur décisif dans les débats de la campagne présidentielle. Des mesures d'urgence doivent viser à constituer une représentation démocratique des personnels et des étudiants dans les assemblées, les uns et les autres devant pouvoir disposer du temps nécessaire à la délibération de choix de moyen et de long terme. Cette exigence minimale passe par l'arrêt de la logique de mise en concurrence des établissements ; de la logique de financement par « projets » (de court terme, particulariste) et le retour à un principe de financements récurrents ; des logiques d'individualisation (au nom de « l'évaluation»), porte ouverte à tous les arbitraires.
RÉPONSE À LA QUESTION N°2
Côté emploi, les mesures d'urgence nécessaires disposent d'au moins trois critères : l'emploi précaire déjà existant, les volumes d'heures supplémentaires effectués chaque année, et les déficits en postes administratifs déjà recensés par les rectorats eux-mêmes. Le gigantisme et l'irrationalité du gaspillage sarkozyste, entre dépenses fiscales aussi massives qu'improductives (à travers le Crédit Impôt Recherche, par exemple) et multiplicité de coûts cachés des fausses économies sur l'emploi titulaire dans la FP, servent le chantage de la dette publique. Ils montrent néanmoins qu'une vraie discipline est possible, la question centrale restant celle des priorités. L’Université est le cœur de la production et de la circulation de savoirs, indépendantes des injonctions économiques et politiques ; elle doit servir l'élévation générale du niveau de culture scientifique (au sens large), condition décisive du développement social, de l'émancipation et du pluralisme.
RÉPONSE À LA QUESTION N°3
Un ensemble de mesures immédiates doit comprendre la suppression du dispositif Darcos-Pécresse ; le rétablissement immédiat de l'année de stage et du salaire de début de carrière ; la réaffirmation des formations disciplinaires et de la formation à la recherche universitaire ; la titularisation/formation des précaires ; un plan pluriannuel de recrutement tenant compte des dynamiques démographiques, du nombre maximal souhaitable d'élèves par classe ; du temps de formation à dégager pour les précaires titularisés.