Congrès FSU 2016 Le Mans : intervention d'Hervé Christofol, secrétaire général du SNESUP-FSU

Publié le : 03/02/2016

Congrès FSU 2016 Le Mans : intervention d'Hervé Christofol, secrétaire général du SNESUP-FSU

Dimanche dernier, je suis allé au cinéma voir le film « Demain » : c'est une bouffée d'optimisme. Il regorge de raisons de se battre pour un autre monde et d'autres systèmes agricoles, énergétiques, de transport, d'habitat, d'éducation ou encore de démocratie locale. Le système éducatif finlandais basé sur la formation des enseignant-e-s, la confiance, la reconnaissance et surtout des moyens investis est particulièrement inspirant. Pour les années à venir, je souhaite que notre syndicalisme de transformation sociale soit un syndicalisme de lutte mais également un syndicalisme de construction d'alternatives. C'est important pour nous et également pour donner aux jeunes collègues l'envie de s'engager, le désir de participer à la construction d'un monde meilleur avec des services publics forts, loin des impasses auxquelles mène l'extrême-droite.

Nous abordons 2016 dans un contexte d'état d'urgence et de projet de réforme constitutionnelle. Samedi, à l'appel de la FSU et de nombreuses autres organisations, nous avons manifesté partout en France contre la prolongation de l'état d'urgence et le projet de modification de la constitution qui a motivé la démission de la Garde des Sceaux Christiane Taubira, dernière représentante de la gauche du PS au gouvernement.

Suite aux signatures du protocole PPCR, le gouvernement s'est engagé à ouvrir des négociations sur les carrières et les rémunérations indemnitaires des fonctionnaires en février 2016. La FSU a pesé pour obtenir et avancer ce rendez-vous. Le Snesup-FSU a appelé à participer à la journée de grève et de manifestations du 26 janvier aux cotés de nos collègues du Snes-FSU pour s'opposer à la réforme du collège et aux cotés de la CGT, FO, Solidaire et d'autres syndicats de la FSU pour demander la hausse des salaires dans la fonction publique. Est-ce que le gouvernement se satisfera d'un quinquennat marqué par le gel total du point d'indice et d'un recul du nombre d'agents dans l'enseignement supérieur et la recherche (ESR) ? Pour François Hollande et Manuel Valls, 2016 est l'année de la dernière chance pour témoigner de leur attachement à la fonction publique.

Nous avons été reçu-e-s mardi matin à 11h au ministère par le conseiller social de Thierry Mandon et Najat Vallaud-Belkacem pour lui remettre les 8500 signatures de la pétition contre le RIFSEEP (Régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel) dans l'ESR : dans notre ministère les primes représentent 12% de la rémunération alors qu'elles montent jusqu'à 45% en moyenne dans l'ensemble de la FP où elles ont été le moyen de compenser le gel des salaires. Nous, Chercheur-e-s et Enseignant-e-s-Chercheur-e-s, avons été exempté-e-s de ce régime parce que nous avions trop peu de primes ! À qualification équivalente nous sommes moins bien indemnisé-e-s d'en moyenne 21 000€ par an  par rapport à un-e autre fonctionnaire de catégorie A+ !
- Travaille-t-on moins bien au MENESR que dans les autres ministères?
- Sommes-nous trop nombreux pour espérer une revalorisation sans plomber les comptes de l'Etat?
- Sommes-nous en dehors des priorités du gouvernement?
- Sommes-nous trop loin du pouvoir et celui-ci ne récompense-t-il que ses collaborateurs et collaboratrices de proximité?

Comment pouvons-nous évaluer une réforme ? 
Par son impact sur nos métiers et par les valeurs auxquelles elle se réfère :
Réduit-elle ou augmente-t-elle les inégalités ?
Améliore-t-elle les conditions de travail (dans ce cas, il s'agit d'une individualisation des primes des agents à l'opposé de la reconnaissance des collectifs) ?
Permet-elle d'introduire plus de confiance, de formation et de reconnaissance pour toutes et tous ou au contraire accentue-t-elle les contrôles et l'évaluation-sanction ?
Développe-t-elle la collégialité, la démocratie et la concertation ou consacre-t-elle la hiérarchie et l'autoritarisme ?
Améliore-t-elle le service rendu aux citoyen-ne-s ou réduit-elle les services publics ?
Dans ces 5 dimensions, le bilan est sans appel. Aussi avons-nous pu témoigner de tout notre soutien à nos collègues BIATSS contre ce projet.

C'est la même grille de lecture qui nous a conduits à nous opposer à la mise en place de l'autonomie des établissements en 2009, des ESPEs et des regroupements en 2013. Car si, comme le rappelle Vincent Berger ancien conseiller de François Hollande pour l'éducation et l'enseignement supérieur, en matière de politique d'éducation au niveau des 1er et 2nd degrés, la Droite et la Gauche ont des propositions différentes, elles n'en ont pas pour la politique de l'ESR ! C'est plus d'autonomie, plus de compétition et de concurrence, plus d'inégalités. C'est, conformément à la stratégie de Bologne, entrer dans le marché mondial de la connaissance.

La stratégie nationale pour l'enseignement supérieur (STRANES), dévoilée cet automne, fixe des objectifs ambitieux à l'horizon 2025 : 60% d'une classe d'âge en licence et 25% en Master, 20000 docteur-e-s par an. Mais si le gouvernement a fait siens ces objectifs en septembre, il s'en est éloigné deux mois plus tard lors du vote du budget 2016 car au lieu d'une augmentation de 3Mds€ qui aurait permis de faire face à l'augmentation des effectifs, c'est à budget constant que nous devons travailler et accueillir, depuis 2012, 150 000 étudiant-e-s supplémentaires avec même 700 personnels en moins ! C'est avec l'UNEF, ici présente, et avec l'ensemble de l'intersyndicale du « sup. » que nous devons peser pour obtenir les moyens de réussir la démocratisation de l'ESR.

Depuis 20 ans, les gouvernements successifs ne cessent de déconsidérer les syndicats. Les membres au pouvoir restent sourd-e-s et droit-e-s dans leurs bottes en ne donnant plus suite aux grandes manifestations de masse et en n'accordant plus d'attention aux grèves des fonctionnaires. En 2013, ce sont les bonnets rouges qui en dégradant des portiques obtiennent l'abandon de l'écotaxe sur les poids lourds. En 2015, ce sont les éleveur-se-s qui en déversant du lisier, obtiennent 3Mds€ supplémentaires d'aide d'urgence pour l'agriculture productiviste. Par contre, la journée de grève majoritaire et de manifestations intersyndicales contre la réforme du collège le 20 mai 2015 a, quant à elle, conduit à un passage en force du gouvernement qui a signé le décret dans la nuit-même qui a suivi la mobilisation. La journée de grève et de manifestations du 26 janvier 2016 a rassemblé dans la rue près de 150 000 fonctionnaires. Dans le même temps 2000 taxis bloquaient le périphérique parisien, brûlaient quelques pneus et suscitaient, à elles et eux seul-e-s, une réponse du 1er ministre qui leur accordait un médiateur... Quand les indépendant-e-s et les libéraux-les manifestent, ce gouvernement obtempère. Mais quand la classe ouvrière se rebelle, alors ce même gouvernement sait faire preuve d'autoritarisme et d'intransigeance. C'est le cas à Amiens, des huit syndicalistes de la CGT inculpés par le procureur de la République alors que la direction de Goodyear a pourtant retiré sa plainte ! Je suis heureux et fier que notre congrès ait voté à l'unanimité la motion proposée par Bernadette Groison et le SN contre la répression et la pénalisation de l'action syndicale et je vous invite à signer la pétition de soutien.

Au cours des prochains mois, il nous faudra redoubler de créativité et proposer des modes d'action unitaire qui nous permettent de nous faire entendre des médias, de nos concitoyens et du gouvernement afin de proposer des alternatives et de construire des rapports de force en faveur de nos collègues, du développement du service public et de l'intérêt général.

Souvent, résister c'est créer, mais toujours, résister c'est agir.

Je nous souhaite un bon congrès !