Memorandum FSU 03/2000

Publié le : 01/03/2000

Dix ans après le vote de la loi d'orientation créant les IUFM, la FSU propose un nouveau travail d'analyse, de réflexion et de propositions destinées à promouvoir une nouvelle étape dans l'amélioration du dispositif de formation des enseignants du service public

Mars 2000

Auteur(s) :

SNEP - SNES - SNESup - SNETAA- SNUipp

Mémorandum sur la Formation des Maîtres (Premier et Second degré)

 

Plan :

  • Préface
  • 1. Etre professeur
    • 1. Un métier complexe et de haute qualification
    • 2. Agir sur les contenus d'enseignement
    • 3. Un métier à forte implication sociale
    • 4. Répondre aux aléas pédagogiques
    • 5. Comprendre les élèves
    • 6. Exercer au sein d'équipes
    • 7. Connaître le fonctionnement de l'établissement scolaire
  • 2. Devenir professeur
    • 1. Conquérir par étapes une professionnalité
    • 2. Une formation plus universitaire et plus professionnelle
  • 3. Entrer dans le métier
  • 4. Dix mesures pour un nouvel élan :
    • Développer la préprofessionnalisation
    • Diversifier les cursus universitaires
    • Mettre à égalité tous les candidats au concours
    • Rénover le concours du premier degré
    • Réformer les concours du second degré
    • Mieux insérer les stages dans la formation
    • Donner toute sa place au mémoire professionnel
    • Mieux former les professeurs de l'enseignement technique et professionnel
    • Recruter et former les formateurs
    • Lier la formation des maîtres et la recherche

 

Préface

La transformation du système éducatif, sa démocratisation pour un accès élargi aux savoirs, à la formation professionnelle, à la culture et à la citoyenneté, font de la formation des enseignants un enjeu majeur, et de sa pleine intégration dans les missions de l'enseignement supérieur un objectif de première importance.

Les syndicats de la FSU ont œuvré, depuis des décennies, afin que la formation des enseignants se déroule dans un cadre universitaire. C'est le 18 février 1973, à la Halle-aux-vins, Université de Paris VI, que le SNESup avec le SNES, le SNEP et le SNPEN, dans une déclaration solennelle, proposaient de donner à la formation des enseignants les orientations suivantes :

" La formation pédagogique et professionnelle doit être du ressort de centres universitaires de formation communs à l'ensemble des maîtres du second degré, et, nous le souhaitons, à l'ensemble des maîtres du premier et du second degré."

Ces centres communs à tous les maîtres peuvent résulter d'une harmonisation et d'un regroupement des actuels centres de formation : écoles normales, centres de formation des PEGC, ENNA, CFPTA, IPES, CPR, ENS) ;

Ces centres doivent être situés à proximité des établissements dispensant les enseignements supérieurs correspondants où les candidats prépareront et devront acquérir leurs diplômes universitaires jusqu'à la maîtrise. "

Les IUFM et leurs Universités de rattachement sont ces centres universitaires. Dans le regroupement réalisé, il ne manque que les E.N.S.

En 1973, les syndicats signataires de la déclaration se prononçaient aussi pour un processus d'unification du recrutement de toutes les catégories d'enseignants. Ce recrutement par concours national après l'acquisition d'une maîtrise, devait être précédé d'un pré-recrutement intervenant le plus tôt possible dans les études universitaires.

C'est donc peu de dire que seize ans plus tard, la création des IUFM par la loi d'orientation de 1989 sur l'éducation ne nous a pas pris au dépourvu. Nous considérons même avoir contribué pour une part décisive à ce que cette loi soit préparée et votée.

Cette contribution historique de nos syndicats nous autorisait - et plus, nous faisait obligation - dix ans après le vote de la loi, d'être à l'initiative d'un travail d'analyse, de réflexion et de propositions destinées à promouvoir une nouvelle étape dans l'amélioration du dispositif de formation des enseignants du service public.

Dix ans de Formation des Maîtres après la création des IUFM

 

1°) Un fait majeur constitue désormais un point d'appui pour une réflexion vers l'avenir : Le recrutement des enseignants se fait au minimum au niveau de la licence.

Quelle est la portée et quelles sont les limites de cette mesure ?

Elle constitue un progrès essentiel pour l'enseignement primaire, mais elle laisse le second degré dans une situation de statu quo.

En même temps, un certain nombre d'enseignants du secteur technique et professionnel restent à l'écart de ce processus faute de licence ou de diplôme équivalent dans leur secteur spécialisé.

En dix ans, il n'y a pas eu d'amorce significative d'un mouvement de prise en compte de la maîtrise dans la formation. Il ne semble pas qu'il y ait volonté, actuellement, d'examiner de front cette question. La formation des agrégés - recrutés eux à ce niveau universitaire - reste résolument comme une question à part dans les discussions sur la formation des enseignants. Lors de la table ronde de 1998, le ministère avait explicitement écarté la question des agrégés du champ de la réflexion. Cela est bien évidemment à mettre en rapport avec sa volonté de cantonner ceux-ci dans le post-bac et de les utiliser pour une part essentielle en substitution aux emplois d'enseignants-chercheurs.

2°) Si chaque académie compte bien un IUFM qui rassemble les potentiels de formation et les met " théoriquement " en relation avec les universités, il reste à apprécier comment est assurée la triple mission des instituts fixée par la loi et que nous avions jugée positive, dans l'esprit sinon dans la lettre :

Cette triple mission, dans les termes de l'article 17 de la loi est :

  • 1 - Ces instituts conduisent les actions de formation professionnelle initiale des personnels enseignants. Celles-ci comprennent des parties communes à l'ensemble des corps et des parties spécifiques en fonction des disciplines et des niveaux d'enseignement.
  • 2 - Ils participent à la formation continue des personnels enseignants et à la recherche en éducation.
  • 3 - Ils organisent des formations de préparation professionnelle en faveur des étudiants.

Dans un premier temps, une volonté politique de mettre les établissements en position de réaliser ces missions semble s'être clairement exprimée.

Tout était à construire : les instituts eux-mêmes, les plans de formation, les liens nouveaux avec le terrain.... On s'appuya - après un temps d'hésitation - sur le potentiel d'expérience et l'énergie des personnels en place dans les anciennes institutions. On s'aperçut vite que, malgré les critiques parfois virulentes - et la plupart du temps injustes - dont ils étaient l'objet, ces personnels étaient parfaitement capables d'assumer des mutations qu'ils avaient eux-mêmes réclamées par le canal de leurs organisations syndicales.

Quelques moyens supplémentaires furent même affectés avec les premières créations d'emplois d'enseignants-chercheurs. De nouvelles pistes de travail furent ouvertes,....

Une commission consultative nationale des IUFM, outil potentiel d'un pilotage concerté du dispositif, fut enfin créée en 1993 avec la participation des différents partenaires : ministère, corps d'inspection, directeurs, représentant des personnels et des usagers.

Quelques ambiguïtés subsistaient certes : par exemple à propos de l'implication des IUFM dans la recherche, ambiguïté marquée par les réticences à développer ce secteur d'activité dans les instituts et par les atermoiements s'agissant de la définition des missions et de la place des enseignants-chercheurs en IUFM.

Mais, dans l'ensemble, on pouvait penser que les IUFM, dans leur dimension universitaire, allaient exister.

L'engagement et l'enthousiasme initial de tous ceux qui se sont engagés dans la mise en place du nouveau dispositif ont entraîné son démarrage rapide et ont permis des réussites que l'on passe trop souvent sous silence.

Il ne faut pas ignorer ces réussites dans un bilan d'étape et ne pas méconnaître les points d'appui qu'elles peuvent fournir pour construire une nouvelle étape de développement des établissements.

Assez rapidement, cependant, l'élan initial a été entravé par :

  • 1/ Le fléchissement des moyens matériels et humains accordés, devenus sans rapport avec la croissance des effectifs accueillis, et notamment l'insuffisance persistante des créations d'emplois d'enseignants-chercheurs.
  • 2/ La suppression des allocations d'études et d'année préparatoire, frein à la démocratisation de l'accès aux formations.
  • 3/ Le maintien d'une coupure IUFM-Université, les formations étant souvent réparties entre les deux institutions et non conçues et construites en coopération.
  • 4/ La marginalisation de la recherche dans les IUFM.
  • 5/ Le maintien de fonctionnements cloisonnés des différentes formations ; tout en traitant mal des formations spécifiques comme celle des PLP.
  • 6/ L'écart entretenu entre l'agrégation et les autres formes de recrutement.
  • 7/ Les faiblesses dans la vie démocratique des établissements et le développement de la technocratie dans le " management " de la formation.
  • 8/ La mise aux oubliettes de la commission consultative nationale.
  • 9/ La non reconnaissance du travail et de la production des personnels engagés dans la formation qu'ils soient enseignants-chercheurs confrontés à la difficulté d'être pleinement reconnu dans la communauté universitaire ou personnels de second degré ou de premier degré qui sont bloqués dans l'accès aux fonctions d'enseignants-chercheurs.
  • 10/ L'absence de concertation suivie avec les organisations syndicales.

Plus fondamentalement, alors qu'il eut fallu faire de la formation des enseignants un des leviers essentiels de la relance de la démocratisation du système éducatif français, la croissance des IUFM et de leurs effectifs fut accompagnée d'une véritable atonie politique et d'une renonciation à résoudre les problèmes clés posés par un tel objectif de démocratisation. Cela s'est notamment traduit par le refus de prendre en compte les besoins nouveaux qui en découlent, et le refus d'engager une politique ambitieuse de création d'emplois d'enseignants et d'augmentation des postes mis aux différents concours.

Aujourd'hui, le ministre revient de façon persistante sur l'opposition entre une formation dite " théorique " qui ne serait qu'abstraction pure et une formation " pratique " qui serait la seule professionnellement efficace. Il engage ainsi la réflexion dans ce qui nous paraît une impasse et préfigure des décisions qui seraient porteuses de régressions majeures.

Nous récusons fermement une dichotomie infondée entre théorie et pratique, comme nous le faisons pour les formations technologiques et professionnelles, dichotomie à laquelle nous opposons l'idée de formation intégrée en biseau, qui nous semble autrement féconde, y compris pour la contribution qu'elle peut apporter à l'évolution des formations universitaires elles-mêmes et de leurs contenus. : nous voulons donc continuer à l'explorer.

Dans ce débat, c'est la question du sens de la professionnalisation enseignante qui est posée, c'est la nature de l'évolution de la formation des maîtres et des IUFM qui est en jeu et en même temps leur pleine intégration dans l'enseignement supérieur et la recherche.

1. être professeur

L'école est un des miroirs de notre société. Elle reflète ses difficultés, ses contradictions, mais aussi ses aspirations. Enjeu de société, l'école est l'objet d'attentes nombreuses et diverses. Les parents attendent qu'elle soit un facteur d'intégration voire de promotion sociale. Les élèves, les manifestations lycéennes en sont le révélateur, demandent à être formés, préparés pour leur vie d'adultes. Le but de l'éducation est de permettre à chacun(e), quelle que soit son origine, au travers de l'appropriation critique des savoirs de devenir un citoyen autonome.

Assurer la réussite de tous et lutter contre l'échec scolaire est donc une des missions principales de l'école. C'est l'ambition qui anime les enseignants de la maternelle à l'université, eux qui ont assumé la massification des effectifs et contribué fortement à l'élévation du niveau de connaissances. Pour autant, 100 000 jeunes quittent le système scolaire sans diplôme ou sans qualification et les verdicts scolaires sont souvent vécus comme des échecs sociaux. Certains établissements, filières ou classes constituent des enclaves, voire des ghettos.

Dans ces conditions, être enseignant est une profession exigeante, difficile, et parfois source de tensions. C'est encore plus vrai lorsque le climat social est dégradé (violences, exclusions...). Le défi qui consiste à vouloir que tous les élèves trouvent leur place dans le système scolaire et la société nécessite que les enseignants disposent des moyens pour être de véritables concepteurs des contenus et des démarches d'enseignement qu'ils proposent.

Défi qui doit, en partie, être relevé par la formation initiale. Bien qu'il ne soit pas en son pouvoir de modifier les conditions de vie des élèves, l'organisation des services des professeurs, la vie et la taille des établissements et leur environnement socio-culturel et économique, elle doit former des professeurs capables de travailler en équipe, de s'adapter à tous les publics et de transmettre des savoirs de la maternelle à l'université. Elle doit être pensée en liaison avec la formation continue tout au long de la carrière.

1. Un métier complexe et de haute qualification

 

Le métier d'enseignant est complexe. Il a pour objectif principal l'acquisition par tos les élèves des savoirs théoriques, pratiques et professionnels requis par leur formation pour s'insérer critiquement dans leur vie d'adulte. Il comprend, en outre, des activités spécifiques relatives aux missions particulières, aux niveaux, aux classes qui lui sont confiées et aux établissements où il exerce.

Pour être en mesure d'assumer la mission qui lui est confiée : enseigner et contribuer à l'éducation, à la formation culturelle, à l'insertion sociale et à la formation professionnelle des élèves qui lui sont confiés, le professeur doit avoir bénéficié d'une formation et acquis des qualifications relatives à chacun des ces aspects.

L'enseignant doit maîtriser les notions, concepts, problématiques et démarches spécifiques fondamentales de la ou des disciplines(s), des matières scolaires ou des spécialités, la connaissance de leur histoire, de leurs enjeux épistémologiques didactiques et éducatifs. Ces connaissances doivent constituer une culture vivante, en prise sur les enjeux scientifiques, culturels ou sociaux du présent. Elles doivent être alimentées régulièrement par la recherche universitaire.

2. Agir sur les contenus d'enseignement

 

Les enseignants, du fait de leur rôle de praticiens de terrain, mais aussi afin de mieux être à même de réfléchir de façon pertinente sur les choix qu'ils font, ont à participer à la réflexion qui conduit à l'élaboration des programmes et des épreuves d'examen.

Les outils pour analyser les contenus d'enseignement et en comprendre les enjeux à tous les niveaux et ordre d'enseignement - depuis l'école maternelle jusqu'au supérieur, afin qu'une continuité de leur action soit possible - doivent leur être donnés.

La maîtrise des savoirs suppose une mise en place de problématiques pertinentes, une construction de savoirs vivants par tous les élèves, et donc la construction d'un sens. L'enseignant varie ses approches et ses problématiques pour permettre à l'ensemble des élèves d'accéder à un savoir au contenu fort et valide grâce à des situations d'apprentissage qui ont du sens.

Le professeur conçoit, prépare, met en œuvre et évalue des séquences d'enseignement qui s'inscrivent dans une démarche pédagogique cohérente. L'élaboration de cette démarche implique qu'il sache, dans le cadre des programmes et à partir des acquis et des besoins de ses élèves, fixer les objectifs à atteindre et déterminer les étapes nécessaires à l'acquisition progressive des contenus et des méthodes.

Attentif à la singularité des contenus, des méthodes, des démarches et des langages propres à la discipline ou à la matière enseignée, il repère aussi les points communs et les complémentarités possibles, dans le souci d'établir des collaborations avec ses collègues. Il montre à la fois ce qui peut rapprocher ou, au contraire, séparer les disciplines entre elles. Il peut, s'il le souhaite, participer à de véritables projets pluridisciplinaires mettant en synergie les différents champs du savoir y compris sous la forme d'une co-intervention. A travers le travail sur les contenus et les démarches spécifiques de la discipline ou de la matière enseignée, tout enseignant travaille la maîtrise orale et écrite de la langue française et le développement des capacités d'expression et de communication des élèves.

Plus spécifiquement, les professeurs d'enseignement technologique et d'enseignement professionnel sont associés à la réflexion conduite avec les représentants des professions, sur l'évolution des référentiels de diplôme.

Dans les voies de formation qui incluent des stages ou des périodes de formation en entreprise, l'enseignant sait analyser et appréhender de façon critique les référentiels des diplômes, veiller à l'articulation de la formation donnée dans l'établissement et en milieu professionnel, participer à sa mise en place, au suivi et à l'évaluation en relation avec les autres partenaires de la formation.

Ils sont amenés à collaborer à la réalisation d'actions de partenariat engagées entre l'établissement et son environnement économique. La formation doit permettre une connaissance des possibilités et des règles de leur mise en œuvre, de leurs finalités, de leurs limites.

3. Un métier à forte implication sociale

 

Les démarches et les contenus tant de formation disciplinaire que de formation générale devraient permettre aux enseignants de mieux situer les enjeux et les finalités de leur action quotidienne par rapport aux besoins de formation exprimés par les divers acteurs de la société, de réfléchir aux implications sociales de leur action, d'éclairer certains choix qu'ils doivent faire. Ils pensent leur action en fonction :

  • Du fonctionnement du système éducatif, de son évolution générale et de ses orientations ;
  • Du rôle du système éducatif par rapport aux exigences de la vie collective et individuelle, de la vie professionnelle et de la vie civique ;
  • Des attentes sociales contradictoires qui s'exercent sur le système éducatif par différents acteurs : élèves, familles, mais aussi acteurs économiques et politiques.
  • Des mutations dans l'accès au savoir (NTIC) qui demandent aux enseignants de former tous les élèves aux méthodes d'accès et de maîtrise de ces nouvelles sources de l'information.
  • Des repères et des valeurs à donner aux élèves ce qui confère au métier d'enseignant une dimension éthique.

4. Répondre aux aléas pédagogiques

 

La massification des études, l'hétérogénéité des classes et la variété des rapports des élèves au savoir appellent de la part des enseignants une réflexion sur les choix didactiques et pédagogiques à opérer, pour renforcer le lien entre sens des apprentissages et construction des savoirs par tous les élèves. Inventivité, créativité, prise de décision sont des qualités fondamentales de l'enseignant pour s'adapter, rétablir des équilibres, gérer des situations inattendues et des aléas didactiques, pédagogiques ou éducatifs. En outre, dynamisme, force de conviction et intérêt personnel pour l'enseignement favorisent l'implication, et la participation active des élèves.

Le métier d'enseignant requiert une connaissance précise des différents niveaux et finalités des enseignements qu'il dispense. Cela nécessite une réflexion critique sur la transformation des objectifs de connaissance en contenus d'enseignement voire en exercices d'examen adaptés au niveau enseigné...

Pour répondre aux aléas pédagogiques l'enseignant doit prendre une distance par rapport aux contenus, mieux percevoir les débats qui les traversent et leurs enjeux. Il choisit et met en œuvre les démarches pédagogiques liées à ces contenus, en fonction des élèves. Il participe dans son établissement à la réflexion collective sur leur progressivité à tous les niveaux.

Le métier d'enseignant aujourd'hui nécessite une approche des utilisations possibles des nouvelles technologies de l'information, de la documentation et de la communication, dans diverses situations pédagogiques et didactiques. Une bonne maîtrise des outils informatiques et multimédias doit s'accompagner d'une réflexion didactique sur leur mise au service de l'enseignement. Il sait utiliser les équipements spécialisés habituels : CDI, BCD...

5. Comprendre les élèves

 

Le professeur a à prendre en compte l'élève et la classe. Il concilie, dans un même mouvement, l'installation durable d'un climat propice au travail et le travail sur le sens des contenus et les apprentissages, difficulté majeure dans les établissements ou les classes les plus difficiles.

Le respect des élèves en tant qu'individus est essentiel à l'établissement d'un rapport de confiance et d'un climat de travail. Le professeur créer les conditions pour que le sens de leur responsabilité, valorise leur créativité, leurs ressources et leurs atouts, développe leur autonomie dans le travail et leur capacité à conduire un travail personnel dans la classe ou en dehors de la classe. Il favorise chez les élèves la curiosité, l'esprit de recherche et les attitudes intellectuelles rigoureuses propres au champ de connaissance concerné. Il est sensibilisé aux façons d'apporter une aide plus personnalisée, en particulier aux élèves qui rencontrent des difficultés. L'observation des élèves réalisant une tâche lui permet de tirer le meilleur parti de leurs réussites et d'analyser leurs erreurs ou tâtonnements.

Il met en place les formes collectives de travail et d'apprentissage, afin d'aider chaque élève à construire sa pensée dans la confrontation au point de vue des autres, et d'épanouir sa personnalité dans un travail coopératif.

Que les élèves puissent dialoguer avec leurs professeurs et être compris d'eux est une demande forte du corps social.

Comprendre les élèves dans l'exercice quotidien de la classe aide à la transmission des connaissances. Comprendre la nature des blocages - sociaux, culturels, cognitifs, affectifs - est un guide et un précieux auxiliaire de l'action pédagogique.

Connaître les déterminants de la diversité culturelle, affective et cognitive l'est aussi ; comme l'est d'ailleurs la connaissance des " invariants " cognitifs et affectifs communs à tous les élèves.

Pour ce faire, il est de la responsabilité de la formation initiale et continue de doter les professeurs des savoirs et compétences nécessaires en cette matière grâce à l'apport des sciences de l'homme et de la société et grâce à la pratique et à l'analyse, en situation, des interactions en jeu dans un groupe-classe.

Elle doit aussi leur donner les outils nécessaires pour aider les professeurs à mettre en œuvre les actions pertinentes pour orienter, si nécessaire, les élèves vers les personnes ressources de la communauté scolaire formées à l'écoute, au projet, au conseil, au travail d'indication, à l'action sociale.

6. Exercer au sein d'équipes pédagogiques et éducatives

 

Par ailleurs, chaque professeur établit des relations et un dialogue avec les familles lorsque le besoin s'en fait sentir, à sa demande ou à celle des familles.

Chaque établissement secondaire possède une association sportive et éventuellement des ateliers de pratique artistique et une chorale. Chaque enseignant concerné, eu égard à son statut et son service, y participe.

Dans le 1er degré, l'enseignant fait partie de l'équipe des maîtres et il est responsable de la mise en œuvre des programmes, des orientations pédagogiques qu'il choisit, des modalités d'évaluation et de l'encadrement des activités scolaires.

Le Conseil des maîtres est responsable de la répartition des élèves, de l'organisation des classes, il rédige le projet d'école et organise le fonctionnement de l'école qui en découle.

Le Conseil de Cycle est responsable de la programmation des disciplines sur le cycle et des choix pédagogiques qui y sont décidés, dans le respect des programmes nationaux.

L'enseignant participe au Conseil d'école qui réunit l'ensemble des maîtres ainsi que les représentants élus des parents d'élèves et les élus municipaux responsables des questions scolaires. Peuvent être invitées à ce Conseil d'école toutes les personnes concernées par l'ordre du jour (personnel communal, intendant de cantine, intervenant extérieur, aide-éducateur...).

Les enseignants participent au suivi et à l'orientation des élèves en difficultés en collaboration avec le RASED* dans des équipes éducatives.

Il est dégagé une heure hebdomadaire du temps de service qui permet aux enseignants de se concerter.

Si la plupart des textes réglementaires sont basés sur le schéma un maître une classe, la réalité est souvent différente : échanges de services, décloisonnement, travail en ateliers, sont de plus en plus répandus dans les écoles.

L'aspiration au travail collectif est forte. Mais les équipes des maîtres se heurtent à plusieurs obstacles majeurs : le manque de temps, le manque de formation (travailler en équipe ne s'improvise pas !), le manque de recul, d'analyse critique des pratiques, des projets individuels et collectifs (l'apport extérieur de formateurs, de chercheurs est une nécessité)

Dans le secondaire, le conseil d'enseignement est un lieu de débat sur les questions touchant à la discipline d'enseignement (choix des outils didactiques, d'activités pédagogiques collectives, organisation du fonctionnement du groupe des enseignants d'une même discipline) et sur tous les aspects concernant la vie pédagogique et de l'établissement, et, plus précisément, les conseils d'enseignement sont des moments importants de réflexion collective sur les objectifs ou les démarches de la discipline d'enseignement, sa mise en œuvre, ses contenus et ses réalisations avec les autres disciplines.

Les professeurs du secondaire participent au suivi, à l'évaluation et à l'orientation des élèves en collaboration avec les autres personnels d'enseignement, d'éducation et d'orientation. Rôle, conduite et fonctionnement du conseil de classe comme lieu collectif de réflexion, d'échange, d'évaluation et des décisions concernant l'orientation des élèves doivent faire l'objet d'observations et d'échanges.

Dans le secondaire, les professeurs principaux font le lien entre les élèves, les professeurs, les autres personnels d'éducation et d'orientation et les familles.

L'enseignant du second degré participe au travail de l'équipe éducative. La présence des divers acteurs : CPE, MISE, CO-Psy, infirmière-conseillère de santé, mais aussi : assistantes sociales, éducateurs, et la connaissance de leurs missions spécifiques, permet aux enseignants de ne pas être isolés, notamment dans le cas d'élèves ou de classes connaissant de grandes difficultés, ou lorsque se multiplient les cas d'absentéisme, de violence, etc. La connaissance et la diversité des personnels, leurs missions et leur spécialisation, leur complémentarité ouvrent à l'enseignant du second degré des possibilités d'action sur les situations de crises individuelles ou collectives.

Les professeurs exercent leur activité professionnelle dans une communauté pédagogique et éducative. S'il enseigne dans le second degré, dans plusieurs classes, il est membre de plusieurs équipes pédagogiques. Les nouveaux enseignants du premier degré et du second degré doivent être préparés au travail collectif, aux objectifs et enjeux des activités disciplinaires, interclasses et interdisciplinaires.

7. Connaître le fonctionnement de l'établissement scolaire

 

Chaque établissement, chaque école, construit son projet. La partie pédagogique du projet est à l'initiative des équipes pédagogiques. La connaissance des enjeux, des objectifs, des possibilités et des limites d'un projet permet aux professeurs de participer à son élaboration et à sa mise en œuvre en fonction de ses choix et de ceux de l'ensemble des personnels, de se situer par rapport à ce projet et de réfléchir à ses effets sur l'enseignement et les apprentissages.

Afin de s'intégrer dans leur établissement scolaire, d'avoir des aides et recours possibles et de pouvoir avoir une réelle action éducative auprès des élèves, les enseignants prennent connaissance des caractéristiques de leur établissement ou école et des publics d'élèves qu'il accueille, de ses structures, de ses rapports avec les milieux socio-économiques environnants, de ses ressources et ses contraintes, de ses règles de fonctionnement - notamment de son règlement intérieur. Pour cela, ils sont sensibilités à la portée et aux limites des indicateurs de fonctionnement et d'évaluation.

Cette connaissance ne prend tout son sens que restituée dans le cadre du système éducatif général dont il participe.

Les enseignants doivent avoir connaissance des textes essentiels réglementant l'organisation du service public d'éducation ainsi que ses orientations (Loi d'Orientation de 1989, Programmes et Instructions, circulaires et notes de service organisant les rentrées...). Cela leur permet d'en sentir l'historicité au sein d'une institution qui ne cesse d'évoluer.

* RASED : Réseau d'Aide Spécialisée auprès des Enfants en Difficulté. Il est composé de psychologues scolaires, des maîtres spécialisés.

2. Devenir professeur

La pleine acquisition de compétences aussi complexes et diversifiées exige du temps et doit s'inscrire dans la durée. Elle se déploie sur l'ensemble d'une carrière. Il est nécessaire que le professeur possède en fin de formation initiale la faculté d'analyser sa pratique professionnelle et son contexte, à prendre du recul afin de modifier ses choix si nécessaire. Il maîtrise de façon critique les évolutions de son métier en tenant compte des évolutions du système éducatif et de la société.

La formation initiale développe son sens de l'innovation, son attention aux solutions expérimentées, sa capacité à prendre des décisions innovantes, le souci de mettre à profit les évaluations qui en sont faites pour infléchir son action. Elle forme à la responsabilité et à l'autonomie de l'enseignant : autonomie dans la pratique de la classe, afin de faire les choix didactiques et pédagogiques appropriés aux objectifs d'apprentissage, à la situation d'enseignement et à l'intérêt réel des élèves ; elle lui permet d'être une personne responsable associée à l'initiative des choix pédagogiques collectifs de l'établissement, en étant accompagnée, en particulier, tout au long de sa carrière par la formation continue.

C'est pourquoi la formation à l'IUFM doit diversifier les approches didactiques et pédagogiques et présenter les différents courants existants. C'est à partir de la réflexion sur les diverses voies pédagogiques que chaque enseignant se fraye sa propre voie, pour concevoir, modifier, infléchir ou créer des situations pédagogiques. C'est pourquoi aussi la formation initiale doit doter les professeurs de savoirs et de compétences pour comprendre les jeunes dans leur diversité et dans leur caractère commun.

C'est pourquoi elle doit préparer les nouveaux enseignants au travail en équipes tant en formation initiale que continue.

1. Conquérir par étapes une professionnalité globale

 

Autour de son centre disciplinaire ou pluridisciplinaire, la qualification de l'enseignant est indissolublement culturelle, didactique, pédagogique et éducative, sociale.

La conquête de cette professionnalité globale se fait grâce à l'intégration progressive autour du noyau disciplinaire ou pluridisciplinaire de tous les savoirs théoriques et d'actions nécessaires à la maîtrise des autres dimensions de l'acte d'enseigner.

Elle se fait par étapes et, de ce point de vue, dans la situation actuelle, une seule année de formation post-concours est insuffisante. C'est pourquoi, il faut accompagner par des actions de formation la première année ou les premières années d'exercice pendant lesquelles le service doit être allégé.

De l'Université à l'insertion dans son poste de travail, le parcours du professeur, sa professionnalisation, passe par des étapes importantes, nécessaires et significatives. Pour passer les concours (CAPE, CAPLP2, CAPES, Agrégations), l'obtention d'une licence ou d'une maîtrise universitaire ou de leurs équivalences, accompagnée d'éléments de pré-professionnalisation, est la première étape. Elle garantit un niveau de compétence disciplinaire, scientifique ; elle est la première étape de la qualification professionnelle.

La deuxième étape, c'est la préparation jouant sur la totalité de l'année de préparation du concours de recrutement qui a une double finalité : d'une part, elle est un accroissement de la qualification disciplinaire et joue le rôle de mise en cohérence nationale du niveau des diplômes universitaires ; elle joue aussi le rôle de retour synthétique sur des connaissances acquises de manière parcellaire à l'université ; d'autre part, les épreuves sur dossier à caractère professionnel (EDP) des concours sont une première évaluation de l'intérêt porté aux questions d'enseignement en situation scolaire.

Le troisième moment, compris entre le concours et l'obtention de l'examen de qualification professionnelle (EQP) donnant accès à la titularisation est l'acquisition des savoirs scolaires et la maîtrise de leur transmission. Pour une part, ce savoir est aussi celui des programmes scolaires. Avoir terminé ses études universitaires et avoir obtenu le concours ne rendent pas savant sur le contenu des savoirs à transmettre à quelque niveau de la scolarité que ce soit.

Il existe des différences entre les connaissances disciplinaires acquises et les savoirs enseignés à l'école. Apprendre à transmettre les savoirs scolaires, c'est, bien entendu, réutiliser des connaissances acquises à l'université, mais le plus souvent, il faut les ré-agencer, les retranscrire, les traduire, les compléter, trouver de nouvelles problématiques, définir des problèmes et des exercices. Ce travail de "mise en intrigue" scolaire, c'est le travail de la didactique appelé transposition/récomposition voire retraitement didactique. Il n'existe pas une seule matière ou discipline scolaire qui ne fabrique pas ses règles de mise en scène scolaire.

Mieux, certaines disciplines scolaires ont une autonomie quasi absolue par rapport à un savoir supposé être de référence à l'extérieur de l'école : savant, culturel, professionnel. En tout état de cause, qu'il y ait petit ou grand écart, différence relative ou absolue, dépendance ou autonomie, entre discipline ou matière scolaire et son référent universitaire ou non, cela signifie que le devenir enseignant suppose un travail de formation qui traite expressément de cet écart ou de cette différence et qui se donne les moyens de les problématiser et de les maîtriser.

2. Une formation plus universitaire et plus professionnelle

 

Reste que les trois moments essentiels nécessaires de la professionnalisation - Université, concours, savoirs scolaires - sont insuffisants pour résoudre toutes les dimensions de la professionnalité globale enseignante. Des élèves de plus en plus nombreux, dans des classes de plus en plus hétérogènes, avec des processus d'acquisition qui se renouvellent de génération en génération, font que tous les meilleurs savoirs de l'enseignement ne peuvent résoudrent à eux seuls tous les problèmes d'intérêt et d'envie d'étudier des élèves. Apprendre le "comment faire apprendre" cela s'apprend certes par des connaissances théoriques mais aussi par des savoirs et des compétences acquises dans la pratique de classe in situ ; ce sont des savoirs d'action. Ils s'apprennent à l'évidence dans des stages de pratique accompagnée et en responsabilité, mais aussi lors de l'insertion dans le premier poste ; ils se renouvellent tout au long de la carrière.

Des savoirs universitaires aux savoirs d'action - liés à travers la préparation et l'obtention du concours et le passage à l'IUFM, ponctué par l'examen de qualification professionnelle - c'est le parcours initial de la qualification professionnelle des professeurs. Elle est tout autant maîtrise disciplinaire que maîtrise de l'action pédagogique s'exerçant au quotidien dans les classes.

Une formation d'enseignant ne doit pas être - comme cela est trop souvent le cas dans les pratiques aujourd'hui - une simple juxtaposition de séquences isolées, les unes censées apporter " le culturel et le scientifique ", les autres devant donner des " recettes de pratique immédiate ".

Une formation d'enseignant est un acte global. Elle doit répondre à toutes les dimensions professionnelles du métier : dimensions universitaires, pédagogiques, didactiques, qu'elle doit progressivement intégrer les unes aux autres grâce à une collaboration étroite des différents agents de cette formation coopérant dans la conception et la mise en œuvre des plans de formation.

La formation doit intégrer toute la richesse des savoirs, l'évolution des connaissances dans les domaines disciplinaires et didactiques, initier à de nouvelles démarches d'apprentissage et de développement de la personnalité pour les élèves, permettre de répondre aux imprévus des nouvelles situations scolaires générées par les nouveaux publics... bref, elle doit se projeter dans le futur des métiers de l'enseignement et ne pas de borner à répondre aux seuls besoins immédiats comme certains textes concernant la formation continue semble le faire.

La formation professionnelle ne se réduit pas, pour nous, à l'apprentissage d'un certain nombre de savoirs techniques plus moins empiriquement élaborés ou reproduits à partir de modèles. Fondamentalement, elle exige de créer chez le stagiaire une capacité de recul réflexif et critique sur les techniques qu'ils mettent en œuvre, mais aussi et surtout sur les contenus qu'ils enseignent, sur l'histoire de leur élaboration, sur leurs fondements épistémologiques...

Cela suppose que la formation soit à la fois très proche de la recherche et du terrain (cf. 6è et 10è mesure).

Cela a des incidences sur le recrutement, la formation, les missions, les conditions de travail des personnels, sur la reconnaissance universitaire de la formation reçue à l'IUFM, et sur le renforcement des liens entre les IUFM et les classes de stage.

Il faut réouvrir un travail commun aux IUFM et aux Universités de rattachement - travail qui avait été amorcé au tout début de la mise en place des IUFM puis rapidement abandonné - visant à définir les conditions de la reconnaissance universitaire de ce qui se fait dans nos instituts. Si la formation qui y est donnée est véritablement construite en commun (IUMF/Universités), coproduite, co-construite ; si elle s'alimente véritablement à la recherche, il est anormal que deux années de formation réussies ne donnent pas droit à un niveau de qualification universitaire reconnue, supérieure à celui qui était le niveau exigé à l'entrée.

Les différentes étapes du processus : pré-professionnalisation, entrée à l'IUFM, préparation des concours de recrutement, concours, deuxième année à l'IUFM, examen de qualification professionnelle, première année d'exercice, ont trop souvent constitué des tranches de formation empilées les unes sur les autres et non articulées comme nous le souhaiterions.

C'est pourquoi, nous pensons que la formation des professeurs doit être en même temps plus universitaire et plus professionnelle : accroître la compétence disciplinaire pour augmenter la compétence professionnelle ; développer la compétence didactique et pratique pour élever la professionnalité globale.

Du cursus universitaire à la titularisation, tous les éléments de la formation, théoriques et pratiques, doivent entrer progressivement en interaction. C'est un modèle de formation professionnelle globale des professeurs, en biseau, qui intègre tous les éléments de la formation de plus en plus fortement à travers ses différentes étapes.

C'est pourquoi les IUFM doivent être, indissolublement, des instituts encore plus universitaires et plus professionnels.

3. Entrer dans le métier

Les évolutions des publics d'élèves, des contenus scientifiques et d'enseignement, des épreuves d'examen, des technologies, des métiers et des emplois, des technologies de l'information et de la communication font que le métier d'enseignant est en évolution. En outre, les enseignants peuvent être amenés à changer d'établissement, ou de niveau d'enseignement. Ainsi, ils sont conduits à renouveler, adapter leurs pratiques et leurs connaissances.

La formation initiale des professeurs des écoles, des professeurs des collèges, lycées d'enseignement général et technique et des lycées professionnels conduit les futurs professeurs dans le respect des spécificités, à prendre la mesure de sa responsabilité en les aidant à identifier toutes les dimensions du métier, et lui donne le goût et la capacité de poursuivre leur formation. En ce sens, elle s'articule, à la formation continue.

Les premières années d'enseignement comme titulaires permettent aux jeunes enseignants de poursuivre leur formation, au moment où les besoins d'aide sont les plus urgents.

L'entrée dans le métier doit être progressive.

Le passage de la formation à l'exercice du métier doit être le plus progressif possible. Les enseignants qui débutent ont besoin de temps pour se former, analyser et confronter leurs pratiques et leurs difficultés à l'IUFM avec d'autres et avec des formateurs, rompre l'isolement dans la classe, approfondir leurs compétences disciplinaires, didactiques, pédagogiques.

Les IUFM doivent construire des formations d'accompagnement répondant à leurs besoins.

Pour autant, ce qui serait un progrès pour les débutants ne doit en aucun cas, pénaliser les stagiaires en formation (en allongeant par exemple la durée hebdomadaire ou dans l'année des stages en responsabilité) ni les titulaires en empiétant sur la formation continue.

Les besoins des stagiaires en formation et ceux des titulaires qui débutent ne sont pas les mêmes. Il n'y a pas lieu d'utiliser les stagiaires comme moyens de remplacement. Il faut donc délimiter avec précision leur temps de responsabilité dans la deuxième année de l'IUFM.

De surcroît, ce temps de formation en première année d'exercice ne doit pas se réduire à une adaptation à l'emploi. Il se doit d'être une vraie formation, aussi bien en termes de contenus que d'organisation et de décisions.

4. Dix mesures pour un nouvel élan

 

Lors des tables rondes ministérielles du printemps 1998, nous avons fait, cartes sur table, des propositions d'amélioration de l'existant.

Aujourd'hui, nous proposons dix mesures d'urgence pour donner un nouvel élan à la Formation des Maîtres et aux IUFM :

  • 1. Développer la pré-professionnalisation
  • 2. Diversifier les cursus universitaires
  • 3. Mettre à égalité tous les candidats aux concours
  • 4. Rénover le concours du premier degré
  • 5. Réformer les concours du second degré
  • 6. Mieux insérer les stages dans la formation
  • 7. Donner toute sa place au mémoire professionnel
  • 8. Mieux former les professeurs de l'enseignement technique et professionnel
  • 9. Recruter et former les formateurs ;
  • 10. Lier formation et recherche.

 

Développer la préprofessionnalisation

 

Les syndicats de la FSU ont toujours considéré que la formation des enseignants ne pouvait se réduire à l'année de préparation au concours et à la formation durant l'année de stage.

Ces étapes du parcours de formation nécessitent pour autant, en amont et en aval, des apports complémentaires de formation, à nos yeux déterminants. Cette exigence fonde l'idée de progressivité qui doit constituer l'un des principes de l'organisation de la préparation au métier d'enseignant.

Nos syndicats tiennent à rappeler leur attachement à une "professionalité globale" enseignante de haut niveau, seule garante d'une capacité à concevoir, à créer l'enseignement au quotidien, à développer une attitude critique étayée.

Pour nous, c'est donc bien l'ensemble des éléments, des étapes constitutifs de la formation, sans exception, qui contribuent à la "professionnalité globale " des personnels.

La préprofessionnalisation ou la contribution des diplômes universitaires à la qualification des enseignants.

Le principe de progressivité et celui de professionnalité globale nous conduisent à nous interroger sur les contenus de formation des diplômes de premier et de seconds cycles universitaires.

Il convient ici de reconsidérer la notion de préprofessionnalisation, de dépasser les conceptions, les options et les usages dominants, et notamment ne pas la réduire uniquement à des stages.

Le contact avec le terrain.

Si la "préprofessionnalisation " doit comprendre un contact concret avec les conditions d'enseignement dans les écoles, les collèges, les lycées selon des procédures diversifiées, ces approches des réalités doivent être préalablement préparées et problématisées, utilisées ultérieurement lors du retour à l'université et constituer de véritables sujets d'études pour les étudiants s'intéressant aux métiers de l'enseignement et de l'éducation.

Développer une attitude réfléchie chez les étudiants.

Les étudiants vivent au quotidien pour leur propre compte des situations d'enseignement qui devraient pouvoir constituer des "sujets de réflexion" et les amener à s'interroger sur les dispositifs, les procédures didactiques, pédagogiques qui leur sont proposés et la fonction que l'institution leur accorde. Ce pourrait être l'occasion de s'interroger fortement sur la nature du rapport que chacun entretien avec le savoir et les apprentissages qui lui sont proposés.

Interroger les savoirs.

De nombreuses difficultés pédagogiques repérées dans les établissements scolaires trouvent leurs sources dans ce que certains appellent des "obstacles didactiques ou épistémologiques". C'est la nature même du savoir enseigné qui est ici en cause.

Des approches critiques, historiques des savoirs devraient donc être proposées aux étudiants en rapport avec le contenu scientifique et culturel des cursus universitaires dans lequel ils sont inscrits.

Il s'agirait ici d'installer chez les étudiants une certaine distanciation et à la fois une curiosité à l'égard des connaissances, des processus qui ont conduit à leur émergence.

Ce type de rapport aux savoirs apparaît aujourd'hui incontournable pour de futurs enseignants. Il s'agit incontestablement d'un élément fort et constitutif d'une " professionnalité globale ". Doit-il être réservé aux seuls étudiants se destinant aux métiers de l'enseignement et de l'éducation ? Ceux-là en tout cas peuvent difficilement en être dispensés.

Un dispositif progressif et cohérent dans les formations universitaires.

Bien entendu, l'introduction dans les diplômes universitaires de ces exigences doit répondre à un souci de cohérence avec le niveau considéré et la logique des diplômes concernés. Cela suppose la détermination d'objectifs et d'une progressivité dans les attentes.

Faire coopérer Universités et IUFM.

Cette piste de réflexion constitue un moyen réel de mettre en place des coopérations organiques entre les deux institutions et de dépasser les antagonismes actuels (professionnel # scientifique).

Une reconnaissance universitaire.

La préprofessionnalisation ainsi définie doit être reconnue comme élément de formation conduisant à délivrance des titres universitaires. Elle peut aujourd'hui trouver place dans la nouvelle architecture des diplômes arrêtés en avril 97.

 

Diversifier les cursus universitaires

 

La création de nouvelles licences est engagée. Cela peut avoir un effet positif sur la qualité du corps enseignant sous la condition expresse qu'il ne s'agisse pas de licences au rabais ou de licences cul-de-sac mais de parcours ouvrant des possibilités de qualification et de poursuite d'études à de nouvelles catégories d'étudiants issus des différentes séries du baccalauréat et des cursus à Bac + 2.

Ces nouvelles licences pourraient faciliter l'orientation vers les métiers de l'enseignement pour des jeunes suivant des formations technologiques et professionnelles.

Il serait utile aussi d'examiner, sans se limiter d'ailleurs aux métiers de l'enseignement, la pertinence des nouvelles licences de type multidisciplinaire dont les contenus devraient évidemment être discutés avec le plus grand soin et sans les a priori régressifs du ministère c'est-à-dire en respectant la double finalité de toute licence : constituer un niveau de qualification reconnu et permettre des poursuites d'étude.

Pour toutes les licences, nous demandons qu'il y ait une double finalité : sortie qualifiante et possibilité de poursuite d'études. Avec l'arrêté d'Avril 1997 qui régit la plupart des licences et maîtrises existantes, cela se traduit par des admissions de plein droit en licence et des admissions de plein droit en maîtrise. Il faudrait donc créer de nouvelles maîtrises, permettant ainsi de poursuivre ses études en troisième cycle.

Les différentes licences pluridisciplinaires.

Il existe plusieurs types de licences pluridisciplinaires, qui ne sont pas toutes régies par le même arrêté.

  • 1) L'arrêté sur les licences pluridisciplinaires du 7 juin 1994 se présente différemment de l'arrêté du 9 avril 1997. Les objectifs de ces licences sont ainsi précisés : " préparer les étudiants à des débouchés professionnels diversifiés, notamment dans les domaines de l'enseignement, de l'administration de l'Etat ou des collectivités locales ainsi qu'à des emplois qualifiés répondant à des besoins identifiés dans le cadre d'un partenariat universitaire avec les secteurs professionnels " : il existe deux dénominations nationales : licence pluridisciplinaire de lettres, arts et sciences humaines, licence pluridisciplinaire de sciences et technologie. Les accès de plein droit et les poursuites d'études possibles ne sont pas fixés nationalement, mais par l'établissement. Ces licences ont manifestement été créées avec pour objectif premier la préparation aux métiers de l'enseignement. Ainsi, à Paris-Sud, il est clairement indiqué dans le dossier du SCUIO : " le débouché essentiel de cette formation est le professorat des écoles ". Il est conseillé de suivre un module de sensibilisation aux métiers de l'enseignement en DEUG et un module de préprofessionnalisation comportant 2 semaines de stage en école primaire ou maternelle est obligatoire en licence.
  • 2) Il existe des licences pluridisciplinaires, rattachées à l'arrêté du 9 avril 1997, créées autour d'un champ scientifique et d'un objet (exemple : Mathématiques Appliquées aux Sciences Sociales, AES) ou d'une perspective professionnelle large et diversifiée (exemple : STAPS, Arts du Spectacle). Ces différentes licences comportent des accès de droit aux maîtrises de la même spécialité. Dans ce même cadre, ont été créés récemment à titre expérimental des licences bi-disciplinaires (exemple : droit/langues).
  • 3) Les IUP délivrent aussi des licences qui sont pluridisciplinaires et professionnelles (exemple, Commerce et Vente). Ces licences permettent la poursuite d'études en maîtrise de la même dénomination.
  • 4) S'agissant de la licence professionnelle, l'arrêté du 17/11/99, même s'il fait référence à l'arrêté d'Avril 97 comporte de graves dangers : aucune référence à un volume horaire fixé, stage en milieu professionnel de 12 à 16 semaines, notion d'insertion recouvrant une qualification professionnelle amoindrie, pas de poursuite d'études plausible, examen des dossiers par un groupe d'experts nommés par le ministre, etc.

Quels rôles pourraient jouer ces différentes licences pour la formation des enseignants ?

Il faut peut-être distinguer entre les différentes catégories d'enseignants.

Les licences décrites en 2) et 3) pourraient permettre à leurs titulaires de préparer les divers concours de recrutement. On observerait alors une diversification des origines et des parcours des candidats aux concours de recrutement, ce qui devrait contribuer à enrichir la vie des équipes pédagogiques. En outre, contrairement aux licences décrites en 1), elles permettent de poursuivre en maîtrise et de candidater sur des emplois dans une grande variété de domaines de la vie économique et sociale. Elles peuvent donc convenir à la formation des enseignants des collèges, lycées et lycées professionnels.

Les licences décrites en 1), qui présentent un intérêt culturel, posent problème du point de vue de leurs finalités. En effet, elles sont si spécifiques (voire polyvalentes) qu'elles n'ouvrent quasiment qu'aux métiers de l'enseignement. Il faut leur trouver de nouveaux prolongements.

Il est clair que la création de certaines licences professionnelles, si elle était entourée des garanties nécessaires (cadrage et volume horaire, contenus), permettrait de préparer le concours de professeur de lycée professionnel, notamment dans des domaines où il n'existe rien à ce niveau. Ces licences comme les autres licences devraient intégrer des éléments de pré-professionnalisation pour préparer au métier d'enseignant.

 

 

Mettre à égalité tous les candidats au concours

 

Il faut que le service public d'enseignement supérieur offre à tous ceux qui le souhaitent - étudiants ou non - la possibilité de bénéficier d'une préparation aux concours d'une égale qualité quelle que soit la forme qu'elle prendra. Les IUFM et les Universités doivent en commun offrir à tous les candidats au concours une préparation pleine et entière d'une année.

Cette année pleine et entière est importante pour augmenter la qualification du futur enseignant. En effet la préparation aux concours joue un rôle-clef dans la maîtrise des disciplines d'enseignement dont elle doit aussi finaliser son caractère professionnel : stages, histoire didactique, épistémologie des disciplines, premiers éléments de psychologie et de philosophie de l'éducation, connaissance de l'institution...

Le contenu professionnel de cette année doit être amélioré grâce à des concours rénovés qui le déterminent pour l'essentiel.

Obstacles :

Cette égalité de tous bute aujourd'hui sur 5 obstacles majeurs.

Le premier c'est le manque de places dans les préparations aux concours tant dans les IUFM que dans les Universités et l'existence de numerus clausus explicites ou implicites.

Le second c'est la situation qui réserve, pour l'essentiel, la préparation aux concours du premier degré aux IUFM et la préparation aux concours du second degré aux Universités.

 

Le troisième c'est la concurrence qui existe à l'université entre préparation à la maîtrise et préparation a des concours du fait que la plupart du temps les heures de préparation s'ajoutent aux heures consacrées à la maîtrise.

La quatrième c'est l'absence de validation universitaire des formations.

Le cinquième c'est un réseau très insuffisant de classes pouvant accueillir les étudiants en stage dans le cadre de la préparation aux concours.

Mesures :

  • - Augmenter de manière conséquente le nombre de places en première année d'IUFM
  • - Rétablir les aides pour la poursuite des préparations aux concours sous forme de bourses ou d'allocations spécifiques.
  • - Harmoniser nationalement les critères d'admission en première année d'IUFM après une expertise contradictoire.
  • - Intégrer dans les cursus universitaires de maîtrise ou de mastaire les unités de préparation aux concours et les valider comme partie d'approfondissement à caractère professionnel de ces cursus.
  • - Construire à partir des IUFM un vaste réseau de classes d'accueil et de maîtres formateurs pour les stages susceptibles de recevoir tous les candidats aux concours.
  • - Valider les unités " projets-stages " en les incluant dans les maîtrises ou les mastaires.

 

 

Rénover le concours du premier degré

 

Les concours ne peuvent pas évaluer tous les savoirs et savoir-faire nécessaires pour enseigner. Les dispositions à enseigner ne commencent véritablement à se révéler qu'au cours du stage en responsabilité c'est-à-dire en deuxième année d'IUFM. Pour autant, l'année de préparation doit être aussi une année de formation et d'élaboration des connaissances nécessaires pour enseigner : histoire des disciplines, didactiques des disciplines, épistémologie, psychologie de l'enfant... L'objectif étant de donner une cohérence d'ensemble à la formation.

Obstacles :

Le concours se passe fin Mai à date unique dans toutes les académies. Il est ouvert à tous les titulaires d'une licence universitaire. Il y a une liste d'équivalence

A l'usage de nombreuses difficultés sont apparues : absence de programme national de préparation, lourdeur ou dérives de certaines épreuves, hétérogénéité du fonctionnement du jury, examinateurs ne connaissant pas l'école primaire.

Mesures :

  • 1) Elaborer un programme national du concours, en définir les contenus et le niveau des connaissances attendues dans chaque académie.
  • 2) Réorganiser l'épreuve obligatoire d'EPS qui comporte actuellement trois parties (natation, épreuve au choix parmi 6 domaines d'activité, entretien), repenser l'épreuve de la natation et recomposer les deux autres épreuves.
  • 3) Recadrer l'épreuve orale d'admission dont les critères d'évaluation doivent être définis nationalement. Les candidats doivent avoir connaissance de ces critères et des objectifs, simples et précis, mettant en évidence des dispositions professionnelles.
  • 4) Composer les jurys et les commissions de membres engagés dans la formation et harmoniser nationalement leur fonctionnement.
  • 5) Harmoniser les dispositifs d'élaboration et de choix des sujets.
  • 6) Améliorer l'information donnée aux étudiants sur les exigences du concours.
  • 7) Rendre obligatoire et publier des rapports de jury dans chaque académie.
  • 8) Mettre en chantier de nouvelles modalités de recrutement et de formation conjuguant la construction de dominantes articulées aux cursus universitaires et la visée d'une polyvalence prenant son sens dans le cadre du travail en équipe.

 

Réformer les concours du second degré

 

Les concours ne peuvent pas évaluer tous les savoirs et savoir-faire nécessaires pour enseigner. En particulier, les dispositions à enseigner ne commencent véritablement à se révéler qu'au cours du stage en responsabilité c'est-à-dire après le concours de recrutement. Son estimation entre ainsi dans le cadre de l'examen de qualification professionnelle (EQP). En ce sens, il importe de bien distinguer ce qui relève des concours à Bac + 4 et de l'EQP à Bac + 5.

Pour autant, les concours doivent avoir l'ambition d'évaluer les premiers fondamentaux d'une professionnalité globale, disciplinaires et didactiques de la pratique professionnelle. La réflexion sur les concours doit donc porter sur la totalité de leurs épreuves et sur leurs relations. Les premiers éléments fondamentaux de la didactique de la professionnalité enseignante devraient trouver place au sein d'épreuves d'admissibilité renouvelées et constituer la base de l'épreuve sur dossier à caractère professionnel (EDP).

En tout état de cause, ces premiers éléments didactiques en jeu dans cette épreuve ne peuvent prétendre à être fortement prédictifs de la disposition à enseigner.

Au total, tant du point de vue disciplinaire que du point de vue de l'épreuve sur dossier à caractère professionnel le contenu des épreuves des concours de recrutement, eu égard à une professionnalité globale enseignante de notre temps, n'est pas pleinement satisfaisant. Des modifications substantielles doivent être apportées tant pour les épreuves à caractère disciplinaire que pour l'EDP.

Analyse Critique

La plupart des CAPES et des Agrégations ont peu évolué depuis des décennies. En 1993, on a ajouté une épreuve professionnelle aux CAPES, devenue "épreuve sur dossier" évaluant de premiers éléments de professionnalisation à partir de dossiers constitués par les jurys. L'introduction de cette épreuve qui a entraîné des résistances à contribuer, involontairement, à occulter l'analyse critique à mener sur l'ensemble des épreuves, leur contenu, leur cohérence et leur équilibre.

Il faut expertiser chaque concours pour évaluer la mise en synergie qu'ils trouvent ou ne trouvent pas entre les savoirs universitaires et les savoirs scolaires ; et, d'autre part, il faut faire le bilan de l'épreuve sur dossier à caractère professionnel en général mais discipline par discipline. Cette analyse critique doit être menée à partir d'une quadruple préoccupation : en premier lieu, s'interroger sur le contenu même des connaissances universitaires convoquées pour chaque concours ; en second lieu mettre en relation les connaissances universitaires et les savoirs scolaires visés ; en troisième lieu, les mettre en interaction pour une maîtrise effective des contenus d'enseignement ; enfin, développer des connaissances relatives à l'activités des élèves dans les apprentissages.

Par nature, un concours de recrutement au métier d'enseignant est, ou devrait être, un passage entre la maîtrise des contenus universitaires et celle des savoirs scolaires. De ce point de vue, un tel concours est, ou devrait être, double, bifide : d'un côté, il doit prendre en compte les connaissances universitaires nécessaires à l'acte d'enseigner, de l'autre, il doit être en relation avec les programmes scolaires. Il y a donc une nouvelle alliance à trouver entre cette double exigence.

L'effort doit porter des deux côtés : mis à jour des connaissances universitaires d'une part et des programmes d'autre part. En quelque sorte, les concours sont, ou devraient être, le lieu du dialogue entre ces deux pôles ; ils devraient être une synthèse entre ces deux aspects.

Du côté des savoirs savants nécessaires à la mise à jour des connaissances pour enseigner l'héritage n'est pas qu'universitaire, loin s'en faut... Historiquement, le type de programmes des classes préparatoires ont pesé plus lourd que les cursus universitaires sur la définition des épreuves des concours. Ceci explique en partie pourquoi dans un CAPES comme celui de Lettres Modernes par exemple, des savoirs universitaires relevant des sciences du langage sont absents alors qu'ils sont en jeu dans les contenus et les pratiques d'enseignement ; savoirs nécessaires pour comprendre dans la vie de la classe les variations langagières en particulier. S'agissant des contenus disciplinaires (au sens de la discipline des disciplines d'enseignement), le concours de recrutement devrait être le moment où se vérifie une maîtrise forte du champ des connaissances scientifiques, des techniques, et des pratiques sociales de référence propres aux concours, l'adéquation de ces contenus universitaires au champ des enseignements scolaires, la maîtrise de ce champ lui-même et de ces enjeux didactiques essentiels, la capacité à organiser un dialogue critique, dynamique et permanent, entre ces différents pôles.

Du côté des savoirs scolaires, il se produit parfois un déphasage entre les savoirs scolaires qui semblent utiles et incontournables à un moment donné de l'histoire de notre système éducatif et l'évolution accélérée des savoirs universitaires tirés par la recherche. Ainsi, en mathématiques, la " géométrie " classique, le calcul des probabilités, les statistiques inférentielles, l'algorithmique ont de plus en plus d'importance dans les programmes scolaires. Or, pour certains étudiants ces domaines sont souvent isolés dans des cursus universitaires disjoints.

C'est dire combien la définition du CAPES et d'Agrégation est un exercice d'équilibre délicat.

De tels déséquilibres se trouvent dans d'autres disciplines : histoire-géographie, biologie...

Il faut fonder une nouvelle cohérence entre les épreuves du concours, les cursus universitaire d'amont, et les savoirs scolaires d'aval.

Le deuxième point sensible des CAPES et Agrégations, c'est l'épreuve sur dossier à caractère professionnel (EDP). Deux niveaux d'analyse critique s'imposent.

La critique est double : dans l'état actuel des choses, dans tous les concours, l'EDP ne permet pas véritablement d'atteindre les objectifs de jauger les acquisitions en matière de premiers fondamentaux didactiques. En second lieu, il paraît assez aberrant qu'en fonction de la discipline la valeur de l'EDP soit calculée sur des bases différentes.

Le tableau qui suit (voir page suivante), invite à se poser des questions :

L'importance de la qualité " professionnelle " est-elle plus importante pour un professeur de mathématiques que pour un professeur de lettres modernes ? Qu'est-ce qui peut justifier ces différences ?

 

Discipline Coefficient/Admission Coefficient/Total Durée
de préparation
Durée
de l'épreuve
Philosophie 1/3 1/5 2h 1h
Lettres
classiques
4/10 4/19 2h 1h
Lettres
modernes
5/12 5/24 2h 1h
Histoire-Géographie 3/8 12
(???)
2h 45mn
S.E.S 2/6 2/10 2h 40mn
L.V 4/11 4/20 2h 1h
Mathématiques 1/2 1/4 2h 45mn
Physique-Chimie 1/2 1/4 2h 1h
Biologie-Géologie 3/8 3/14 2h 1h
Education
musicale
5/11 5/22 2h 40mn
Arts
plastiques
4/12 4/19 2h 1h
Documentation 4/8 4/18 2h 45mn
Technologie 1/3 1/5 1h 1h

 

Principes pour une rénovation :

Pour dépasser ces insuffisances, nous proposons d'ouvrir un travail de fond de rénovation des concours de recrutement du second degré. Ce travail devrait se faire discipline par discipline à partir de règles communes de rénovation. Ce sont celles-ci que nous énonçons sous forme de principes :

  • 1/ Se donner les outils institutionnels pour réviser périodiquement et régulièrement les concours de recrutement.
  • 2/ Rénover la dimension disciplinaire en intégrant les savoirs universitaires pertinents pour traiter les contenus d'enseignement et en incluant l'épistémologie et l'histoire de la discipline.
  • 3/ Equilibrer dans les épreuves du concours les exigences universitaires et les exigences scolaires afin de recruter des enseignants capables de faire évoluer les contenus d'enseignement en relation avec la recherche.
  • 4/ Clarifier la forme de l'épreuve sur dossier à caractère professionnel pour l'ensemble des disciplines.
  • 5/ Trouver une nouvelle articulation entre l'EDP et les stages dans les établissements scolaires.

 

Mieux insérer les stages dans la formation

 

La formation des enseignants s'attache à construire progressivement les savoirs théoriques et pratiques requis pour l'exercice du métier.

Pendant les deux années de formation initiale en IUFM la professionnalisation est une démarche qui articule et intègre les enseignements théoriques et pratiques, l'expérience de terrain et la réflexion critique.

La segmentation entre les connaissances scientifiques, les savoirs pédagogiques et d'action, les savoirs-faire ne permet pas de faire des professionnels capables de décisions dans l'action mettant en cohérence ces différents aspects. La professionnalisation est un processus qui vise à l'intégration de tous ces éléments ; elle est incompatible avec leur fragmentation.

Dans ce cadre, la prise en responsabilité d'une classe par un futur enseignant doit se faire progressivement. L'ordre séquentiel - stages d'observation, de pratique accompagnée en responsabilité - en est la traduction et le passage obligé. L'intervention progressive de la conduite de la classe en responsabilité est nécessaire tant dans l'intérêt des élèves que dans celui des élèves professeurs : il faut apprendre à conduire accompagné la classe, pour pouvoir ensuite la conduire seul.

Objectifs :

Les stages d'observation doivent être préparés et ciblés à partir d'hypothèses d'observation. Il est souhaitable qu'ils soient exploités collectivement. C'est le premier moment de l'interaction entre enseignement et savoirs théoriques, entre enseignement et savoirs pratiques.

Les stages en pratique accompagnée sont effectués sous la tutelle d'un formateur. Ces stages doivent déboucher sur l'acquisition de nouvelles connaissances et sur l'acquisition des savoirs d'action préparant la prise en responsabilité. Les stages en pratique accompagnée prennent tout leur sens quand ils sont effectués dans les classes de conseillers pédagogiques recrutés pour la formation et capables de guider l'observation, de faciliter les échanges, d'analyser les pratiques. C'est un second moment de l'intégration progressive des savoirs disciplinaires et pédagogiques.

Les stages en responsabilité mettent en lumière la capacité des stagiaires à concevoir une situation d'apprentissage, à l'organiser dans la durée et à moduler leurs actions pédagogiques en fonction de son évaluation. Ils relèvent leur aptitude à conduire la classe c'est-à-dire à faire accomplir par les élèves les opérations intellectuelles successives prévues dans la phase de préparation, à questionner les élèves sur leurs représentations et conceptions, à analyser leurs erreurs. Lors de ces stages en responsabilité, l'élève professeur doit être en mesure d'analyser tout autant ses réussites que ses échecs.

Pour être le véritable troisième moment de la professionnalisation ces stages en responsabilité doivent s'inscrire dans une logique de formation c'est-à-dire être liés au travail à l'IUFM et non pas être dominés par une logique de gestion qui consiste à utiliser les stagiaires comme moyens d'enseignement.

Obstacles :

Dans la réalité, les objectifs de ces trois types de stages (observation, pratique accompagnée, en responsabilité) rencontrent des obstacles. Pour le premier degré, l'état des lieux fait apparaître des disparités d'un IUFM à l'autre, voire d'un site à l'autre à l'intérieur de la même académie, en ce qui concerne notamment les stages en responsabilité ; ces différences sont de plusieurs ordres : durée excédant parfois 1 semaine, répartition sur l'année, modalités de préparation et d'évaluation. Pour le second degré, la logique de gestion est dominante ; les stagiaires sont affectés pour 4 ou 6 heures sur des supports moyens d'enseignement, et leur affectation géographique peut les éloigner tellement de l'IUFM qu'elle rend impossible l'insertion du stage dans la formation.

Mesures :

  • 1/ Placer les stages à des moments propices de la semaine ou de l'année pour être en interaction avec les autres composantes de la formation et pour que la formation théorique s'appuie et s'enrichisse des expériences vécues par les stagiaires sur le terrain.
  • Les visites des formateurs doivent être une aide avant d'être une évaluation au cours du stage en responsabilité. Dès que des difficultés sont repérées par les formateurs lors des visites, elles doivent être prises en compte par un travail spécifique et individualisé avec le ou la stagiaire.
  • 2/ Les stages d'observation et de pratique accompagnée doivent être préparés en amont et exploités en aval. Tous les stages doivent être l'objet d'une préparation systématique.
  • 3/ La durée ou le volume des stages en responsabilité n'ont pas besoin d'être augmentées pour la qualité de la formation.
  • 4/ Pour le premier degré, les stages doivent couvrir les trois cycles de l'école primaire et permettre d'expérimenter de nouvelles modalités du stage en responsabilité permettant la cohabitation d'une présence régulière dans une classe et des sections regroupées.
  • 5/ Pour le second degré ; en première année d'IUFM un stage d'observation pour tous et rendre possible le stage de pratique accompagnée, au collège notamment dans les disciplines enseignées en collège et en lycée ; en seconde année d'IUFM, cesser d'utiliser les stagiaires comme moyen d'enseignement en créant le nombre de postes nécessaires.
  • 6/ Pour les PLP : donner aux stages en entreprise toute leur place dans le cursus de formation et proposer aux formateurs des stages en entreprise dans le cadre du plan de formation.
  • 7/ Pour les CPE : nommer les stagiaires en surnombre dans les établissements tout en accordant à leurs conseillers-tuteurs une décharge équivalent au volume du stage en responsabilité.
  • 8/ Les formateurs des IUFM dont la mission est d'encadrer les stages doivent voir cet acte pédagogique être pris en compte dans leurs services statutaires pour que la liaison théorie-pratique soit assurée.
  • 9/ Renforcer le travail en commun entre les professeurs d'IUFM et les conseillers pédagogiques, tuteurs et maîtres-formateurs.

Donner toute sa place au mémoire professionnel

 

Le mémoire est l'un des trois éléments de la validation de la deuxième année d'IUFM avec les modules et le stage en responsabilité. Il est conçu pour permettre une analyse réflexive sur la pratique en classe, et un outil de formation exigeant qui soit source d'engagement personnel ou collectif.

Il existe des différences dans les conditions d'élaboration du mémoire des PE et des PLC. Différence due à l'organisation des stages, plus continue chez les PLC, plus discontinue chez les PE qui, en outre, n'ont pas toujours le terrain qui convient à leur projet. Différence dans la chronologie d'élaboration des problématiques et du traitement méthodologique des données. Différences éventuelles dans l'ancrage disciplinaire...

Objectifs :

L'objectif du mémoire professionnel est de théoriser une pratique professionnelle. Il est l'occasion de prendre du recul, de faire des hypothèses et de faire des recherches. C'est l'analyse des difficultés rencontrées dans les activités d'enseignement qui permet de progresser et d'évoluer grâce à des éclairages théoriques qui sont acquis tout au long de la formation professionnelle. Cela devrait lui donner un rôle intégrateur des différentes composantes de la formation par un ancrage sur les situations de terrain et par le traitement de l'ensemble des dimensions d'une situation d'enseignement.

Rigueur de la démarche, engagement et distanciation doivent faire du mémoire professionnel un élément fort de formation à la professionnalité. Pour avoir du sens ce travail de réflexion professionnelle doit permettre aux stagiaires du faire la synthèse des différents apports de la formation.

Pour ce faire l'élève professeur doit recevoir toute l'aide méthodologique nécessaire, individuelle et collective. La direction de mémoire peut faire alterner aide individuelle et travail collectif. Au cours de séminaires de mémoire, l'échange entre les stagiaires prépare au travail en équipe et initie à la nécessaire confrontation et cohérence entre les disciplines et les situations d'apprentissage.

Au titre de la double finalité des cursus IUFM, le mémoire professionnel pourrait, par convention entre IUFM et Universités, être pris en compte dans des cursus de maîtrise.

Obstacles

L'analyse des plans de formation et l'observation des pratiques de formation montre une grande diversité des situations.

Si des IUFM organisent des séminaires ou des ateliers de préparation, des stages filés pour les PE qui permettent une bonne articulation entre pratiques et recherches, d'autres laissent trop les stagiaires se débrouiller tout seuls.

Pour le second degré, les conditions trop souvent difficiles du stage en responsabilité nuisent à la cohérence des différents éléments de la formation, rendent des exigences concernant le mémoire professionnel contradictoires voir irréalistes et laissent au stagiaire insuffisamment de temps.

En cours d'année, parfois, de trop nombreux "exercices" d'évaluation des modules (fiches de synthèses, entretiens, QCM...) conduisent à déséquilibrer la deuxième année d'IUFM et à parasiter l'élaboration du mémoire.

Mesures :

  • 1/ Favoriser les travaux collectifs.
  • 2/ Donner au mémoire un véritable statut de travail de recherche (ex : mémoire de maîtrise universitaire) permettant de motiver les étudiants possédant déjà une maîtrise ou un DEA. Pour les autres, il pourrait constituer un élément d'une équivalence de la maîtrise en accord avec la circulaire n°91-202 du 2 juillet 1991.
  • 3/ Organiser la formation de telle sorte que les stagiaires puissent articuler leur recherche sur leurs observations en classe (lors des stages).
  • 4/ Donner aux stagiaires des outils pour aider : suivi individuel, groupe d'échange entre les stagiaires, séminaires de mémoire, groupe de recherche thématique, le tout encadré par plusieurs formateurs (pas uniquement des PIUFM mais aussi des profs d'université...).
  • 5/ Permettre aux stagiaires d'avoir accès non seulement aux mémoires des années précédentes mais favoriser l'accès des stagiaires aux recherches universitaires concernant leur sujet de recherche.
  • 6/ En cas de non-validation du mémoire, la remédiation doit être au niveau du mémoire et non la prolongation de la scolarité.
  • 7/ Pour les stagiaires PLC, il faut faire le bilan du mémoire professionnel pour le recadrer à la lueur de l'expérience ; il faut améliorer les conditions de sa mise en œuvre pour lui donner un rôle intégrateur des différentes composantes de la formation. Il faut créer toutes les conditions pour que les futurs enseignants du second degré, y compris les agrégés, puissent rédiger et soutenir un mémoire professionnel rénové.
  • 8/ Les directeurs et tuteurs de mémoire doivent voir les actes de direction et de tutorat pris en compte dans le décompte de leurs services.

 

Mieux former les professeurs de l'enseignement technique et professionnel

 

Les propositions qui suivent, s'inscrivent dans le cadre général de notre conception de la formation (cf. devenir professeur).

En ce qui concerne les concours, elles s'inspirent pour une part des principes énoncés pour les concours du second degré, mais elles ont prioritairement pour objet les aspects spécifiques des CAPET et CA PLP2.

1. Rénover les concours :

  • - Créer avec les universités de véritables licences s'appuyant sur l'expérience des formations technologiques existantes (Licences technologiques, Licences professionnelles, MIAGE, MST...) et sur la mise en place des IUP.
  • - Préciser les compétences à évaluer au moment des concours en visant un meilleur équilibre entre les compétences scientifiques, les compétences professionnelles dans la spécialité et les compétences pour enseigner.
  • - Revoir les contenus des épreuves des concours de PLP 2 enseignement général au regard de la bivalence de leur enseignement.
  • - Etablir une programmation pluriannuelle de tous les concours notamment ceux à petits effectifs et étudier des solutions pour les disciplines sans concours.
  • - Réviser la carte nationale des formations pour les concours de spécialités à petits effectifs et envisager une répartition régionale des formations.
  • - Rétablir et développer les cycles préparatoires.

2. Donner aux stages en entreprise toute leur place :

  • - Redéfinir précisément les objectifs filière par filière et articuler éventuellement les rapports de stage en entreprise et le mémoire professionnel.
  • - Faire connaître aux futurs enseignants de lycée professionnel les dispositifs et procédures de la formation intégrée.
  • - Développer les possibilités, pour les professeurs stagiaires, de suivre leurs élèves dans leur période en entreprise.

3. Enrichir les formations et les compétences des diverses équipes de formateurs :

  • - Intensifier les actions de formations entre futurs enseignants des disciplines technologiques et professionnelles et futurs enseignants des disciplines littéraires et scientifiques.
  • - Proposer aux formateurs des stages en entreprise dans le cadre du plan de formation des formateurs et rendre possible leur participation à des actions de formations organisées pour les cadres et techniciens des entreprises correspondant à leur spécialité.
  • - Etudier des formules de collaboration entre l'entreprise et l'IUFM pour associer à la formation des compétences n'existant pas dans l'Education Nationale.
  • - Recruter, à l'instar des PRAG et PRCE, des PLP2 pour participer à la formation.
  • - Développer les procédures de validation des acquis professionnels permettant à des personnes ayant une expérience professionnelle conséquente dans des spécialités pour lesquelles il n'existe aucun cursus de formation pour préparer certains concours.

 

Recruter et former les formateurs

 

Une formation des maîtres à la fois plus universitaire et plus professionnelle appelle une amélioration de l'encadrement tant au plan quantitatif que qualitatif.

La création des IUFM s'est faite en s'appuyant sur le capital humain des EN, ENNA, CPR..., or, une partie importante de ce capital qui avait accumulé expériences, savoirs, implication sur le terrain et dans la recherche arrive en fin de carrière. Son renouvellement est un problème crucial de l'heure. Le renouvellement des équipes de formateurs demande une véritable politique de recrutement et de formation des formateurs. Cette politique doit avoir un double objectif : constituer de véritables équipes pluricatégorielles de formateurs et favoriser la mobilité des formateurs entre les différentes activités de formations, d'enseignement et de recherche.

Obstacles :

Quantitativement : on ne peut se satisfaire que ce que, dans des formations professionnalisantes qui sont naturellement coûteuses en taux d'encadrement, l'application des normes San Rémo qui ne sont pas pensées pour des formations professionnelles révèlent néanmoins un sous-encadrement des IUFM de 20% en personnels enseignants. Ce sous encadrement serait sans beaucoup plus élevé encore si on appliquait des normes adaptées à des formations qui exigent des suivis individualisés.

On ne peut se satisfaire d'un sous-encadrement chronique en personnel enseignants-chercheurs.

On ne peut se satisfaire de ce que des enseignants de second degré, docteurs, qualifiés par le CNU, ne puissent pas accéder à des fonctions d'enseignants-chercheurs faute de création d'emplois et donc que la recherche soit privée d'un réel potentiel de développement.

Qualitativement : on ne peut pas non plus se satisfaire de ce que l'implication dans le champ de la formation des enseignants ne soit pas considérée comme une spécialisation qui s'accompagne d'une formation spécifique. Lorsque Jules Ferry a voulu élever le niveau de formation du peuple, il a élevé le niveau de formation des enseignants en rendant obligatoire les écoles normales départementales et il a élevé le niveau de formation de ces formateurs en créant pour les enseignants qui allaient enseigner dans ces écoles, l'école normale supérieure de Fontenay-aux-Roses et celle de St-Cloud. Nous ne disons pas qu'il faut créer nécessairement de nouvelles écoles normales supérieures, mais qu'il faut se préoccuper de la formation des formateurs.

On ne peut pas non plus se satisfaire du mode de recrutement des personnels qu'ils soient permanents ou associés, de la multiplicité d'intervenants ponctuels intervenant à temps partiel qui n'ont pas la possibilité réelle de s'intégrer de façon durable à des équipes de travail.

One ne peut pas se satisfaire du mode de fonctionnement - et sans doute de la composition des Conseils scientifiques et pédagogiques qui, depuis l'origine des instituts n'ont en général que très mal joué le rôle qui devait être le leur dans les instituts.

Bref, il y a toute une série de mesures dans ces domaines qui mériteraient d'être très rapidement engagées.

Mesures :

  • 1/ Définir le potentiel nécessaire de personnels enseignants pour assurer tous les actes pédagogiques : formations, coordinations, animations, suivis...indispensable au développement de la formation.
  • 2/ Porter à au moins 30% la proportion d'enseignants-chercheurs parmi l'ensemble des formateurs en poste ou associés en IUFM. Donner à chaque IUFM une masse critique d'enseignants-chercheurs capables de participer positivement au travail d'équipes pluricatégorielles tant en formation qu'en recherche.
  • Développer les échanges de service entre les IUFM et les universités.
  • Prendre en compte dans la carrière des enseignants-chercheurs l'activité en formation d'enseignants et permettre aux enseignants engagés dans des recherches de valoriser leur travail en termes de carrière et de statut.
  • 3/ Poursuivre le recrutement et la formation d'enseignants, valider leur acquis, à temps partiel (formateurs associés) et d'enseignants à temps plein du second degré pour parvenir à l'équilibre pour tous les corps d'enseignement.
  • 4/ Renforcer le nombre d'enseignants du 1er degré dans les IUFM et définir leurs conditions de recrutement. Aligner le service des enseignants-formateurs du 1er degré sur celui des enseignants-formateurs du second degré.
  • 5/ Faciliter la participation des enseignants du premier et du second degré à l'activité de recherche en éducation.
  • 6/ Associer les conseillers pédagogiques à la mise en œuvre des formations, voire à leur conception. Mieux définir leur mode de recrutement et leur formation.
  • 7/ Construire de véritables formations initiales et continues des formateurs en mettant en réseau des potentiels régionaux et nationaux (IUFM, Universités, ENS, INRP).

Lier formation des maîtres et recherche

 

La participation des IUFM à la recherche est une de leurs missions inscrites dans la loi de 89. Près de 10 ans après la mise en place des formations initiales, le développement d'activités de recherches est un enjeu majeur pour ces établissements d'enseignement supérieur.

La politique d'ensemble du développement des recherches au sein des IUFM devrait être équilibrée entre trois axes :

  • a) Contributions aux recherches universitaires, et soutien à la participation d'enseignants-chercheurs des IUFM aux travaux des laboratoires universitaires ;
  • b) aide aux recherches doctorales et autres études institutionnelles menées par des personnels enseignants non chercheurs ;
  • c) développement d'innovations, d'études et de travaux de recherches spécifiques en éducation, sur l'enseignement et en didactiques des disciplines, propres aux IUFM ou en liaison avec l'INRP.

a) Contributions aux recherches universitaires :

La poursuite de recherches universitaires par des enseignants-chercheurs en poste en IUFM, engagés dans l'activité d'un laboratoire universitaire, doit être encouragée (aménagement d'emploi du temps, accès aux moyens logistiques, autonomie d'organisation, moyens de déplacement, ...). C'est une condition importante pour que les liens entre les IUFM et les communautés scientifiques ne se distendent pas et que ces instituts puissent assumer leur statut d'établissement d'enseignement supérieur, avec la composante de culture professionnelle spécifique que cela suppose.

Les IUFM doivent pouvoir diversifier les tâches et missions confiées à chaque personnel enseignant, chercheur et formateur. L'accomplissement de ces tâches et missions doit être considéré comme une affaire collective, pour laquelle les enseignants-chercheurs tiennent une place spécifique. La répartition du travail en IUFM doit tenir compte de cette spécificité afin de ne pas disperser les efforts de ceux d'entre eux qui, dans des conditions difficiles, partagent aussi la vie d'un laboratoire. L'appartenance souhaitable d'enseignants-chercheurs des IUFM à des équipes universitaires ne permet pas en effet à ces collègues d'investir une partie suffisante de leur temps dévolu à la recherche pour encadrer et animer des équipes de travail de l'IUFM, ou pour gérer un plan de formation, ou pour d'autres tâches de suivi des enseignements. Elle ne leur permet pas non plus d'être associés de manière significative à d'autres recherches plus liées aux missions de formation des IUFM : recherches en éducation, sur l'enseignement, en didactique et en épistémologie des disciplines, au risque de se marginaliser de leur communauté scientifique d'origine et d'handicaper lourdement leur carrière d'enseignant-chercheur.

Les enseignants-chercheurs, maîtres de conférences et professeurs universitaires ont un rôle important à jouer dans les IUFM. Rôle de rattachement aux communautés scientifiques, rôle d'élaboration de connaissances et de production d'écrits, mais aussi rôle d'accompagnement des recherches spécifiques aux IUFM. Leur poids relatif actuellement (15 à 16 % des formateurs IUFM) doit encore croître, afin que l'ensemble de ces missions puisse être globalement assuré.

Nous demandons qu'un plan pluriannuel de création d'emploi d'enseignants-chercheurs dans les IUFM fasse l'objet d'une décision de niveau ministériel, afin de doubler leur nombre.

Mais il faut prendre les dispositions nécessaires pour garantir aux enseignants-chercheurs les conditions leur permettant de poursuivre normalement leurs travaux sans blocages de carrières.

b) Aide aux recherches doctorales et autres études institutionnelles menées par des personnels enseignants non chercheurs :

Les personnels enseignants en poste dans les IUFM, anciens professeurs d'écoles normales ou professeurs certifiés ou agrégés issus du second degré ou du premier degré, n'ont pas tous opté pour participer à des travaux de recherche.

Cependant, certains d'entre eux se sont engagés dans un doctorat. D'autres, titulaires de cette qualification, n'ont pas obtenu de poste d'enseignant-chercheur, mais poursuivent néanmoins leurs recherches à titre personnel, en sus de leurs obligations statutaires d'enseignements.

D'autres encore se sont joints à des équipes de travail associées à l'INRP et répondent notamment à des appels d'offres orientant une politique de travaux et recherches en éducation à objectifs spécifiques. Ces contributions sont précieuses pour améliorer notre connaissance du système éducatif et de son impact sur les conditions d'enseignement et d'apprentissage en France et ailleurs.

Les IUFM, par des décharges substantielles de service, devraient apporter un soutien significatif à leurs doctorants ainsi qu'à la poursuite des travaux réalisés par leurs personnels sous la direction d'autres organismes de recherche : aides pour la participation à des colloques, publications d'articles, actes et ouvrages, association institutionnelle à différents projets de recherches en éducation. Les IUFM devraient pouvoir réserver à cet effet une part non négligeable de leurs moyens horaires et de leurs crédits d'équipement et de fonctionnement.

Ces différentes aides pourraient faire l'objet chaque année d'appels d'offres et de demandes individuelles ou en équipes. Ces demandes peuvent être soumises à évaluation, puis examinées et coordonnées par les Conseils Scientifiques et Pédagogiques. Cette procédure par appels d'offres permet des demandes ponctuelles, à horizon limité et diversifié, comme la poursuite de plans de recherches pluriannuels. Ce contrôle a priori des intentions de recherches devrait être accompagné d'un dispositif tout aussi transparent d'évaluation des travaux et d'aides à leur diffusion.

Nous demandons que les IUFM aient réellement les moyens pour permettre aux formateurs sur postes de second degré ou de premier degré qui le souhaitent d'engager ou de participer à des recherches universitaires ou à des études et travaux en éducation et en didactique en liaison avec l'INRP.

c) Développement d'innovations, d'études et travaux de recherches spécifiques en éducation, sur l'enseignement et en didactiques des disciplines

L'axe le plus important dans l'état actuellement naissant des recherches propres aux IUFM est le développement de recherches en éducation et en didactique et épistémologie des disciplines. Ces travaux devraient intégrer des actions de recherches théoriques avec des objectifs d'études plus appliquées sur l'enseignement, allant jusqu'à la production d'ouvrages, d'aides logicielles et d'outils à l'usage des stagiaires en formation initiale et continue, et des enseignants.

Ce créneau de recherches est particulièrement délaissé en France, exception faite de recherches en sciences de l'éducation dans certaines universités, ou des travaux didactiques produits en mathématiques au sein du réseau des IREM. Les IUFM doivent davantage contribuer au développement des technologies éducatives, notamment par l'édition de revues professionnelles à l'intention des enseignants et personnels d'éducation, par l'exploitation des NTIC, notamment pour faciliter leur insertion dans des ingénieries didactiques. Sur la base de ces travaux, les IUFM pourront aussi apporter une contribution massive aux actions de formation continue.

Autour de ces objectifs pourraient se constituer au sein des IUFM des équipes assez nombreuses, si des moyens substantiels peuvent être dégagés. Pour cela, des structures de rattachement devraient être mises en place. L'implantation de départements disciplinaires dans tous les IUFM serait déterminante pour créer les structures accueillant ces équipes de travail, au sein desquelles pourraient se rencontrer des personnels motivés, quels que soient leurs statuts et leurs fonctions de recherche et de formation, dans l'IUFM ou provenant d'autres établissements, invités à participer à ces travaux par le biais d'appels d'offres.

Ces équipes pluricatégorielles et/ou pluridisciplinaires et les objectifs de recherches ou de productions qu'elles se donneraient, pourraient faire l'objet d'un suivi par l'INRP ou d'une coordination nationale chargée de suivre la politique des recherches en IUFM, de la stimuler et la réguler.

L'animation de ces équipes au sein de chaque IUFM devrait mobiliser des enseignants-chercheurs ayant une formation et un profil adaptés, sur une partie de leur service statutaire.

Les personnels qui le souhaiteraient pourraient s'engager pour une durée déterminée dans un tel travail d'équipe. Cela suppose qu'ils puissent être déchargés d'une partie de leur service d'enseignement. Pour cela, des moyens horaires conséquents devraient faire l'objet d'une programmation soumise chaque année au CSP et proposés par appels d'offres.

La constitution de fonds documentaires pour ces recherches, l'affectation de personnels techniques et des moyens de fonctionnement nécessaires seront indispensables.

Une partie des activités de ces groupes de travail, comme par exemple des séminaires réguliers, des rencontres inter-régionales ou des colloques nationaux, pourraient être accessibles aux stagiaires de deuxième année, et ainsi favoriser leur contact avec des recherches en prise avec leur formation professionnelle.

Ces équipes ne pourront vivre à long terme que si elles peuvent s'insérer dans des réseaux inter-IUFM, en liaison avec les secteurs correspondants des universités. Des coopérations de ce type devraient être formalisées au niveau des établissements et de tels réseaux, organisés nationalement, reconnus et soutenus.

Dans cette perspective se pose la question de la reconnaissance institutionnelle de ces travaux et de leur accession au statut de recherches diplômantes et contractualisables. Cette reconnaissance devrait permettre d'éviter que le développement de ces recherches appliquées à l'enseignement ne soient pas seulement l'affaire d'engagements personnels et de bonnes volontés s'exerçant gratuitement sur le plan des carrières des enseignants non chercheurs.

Cette orientation des recherches au sein des IUFM dans ces créneaux spécifiques en éducation et sur l'enseignement, suppose donc une politique déterminée d'investissements à long terme, accompagnée par des choix cohérents de recrutement des personnels formateurs issus du second degré et des enseignants-chercheurs.

Pour les premiers, répondant aux appels d'offres sur la base des objectifs définis par les équipes en place, leur intérêt motivé pour participer à ces travaux sur l'enseignement devrait être pris en compte lors de leur affectation à l'IUFM comme formateurs.

Pour les enseignants-chercheurs, il conviendrait d'afficher des choix déterminés de gestion des emplois, identifiant clairement les caractéristiques des postes mis au concours, afin que les commissions de spécialistes concernées ne les détournent pas des objectifs spécifiques que les conseils des IUFM leur auront assignés.

Concernant leurs missions de recherche, les IUFM sont placés à l'étape actuelle devant un choix déterminant. Nous demandons qu'ils optent résolument pour la création de secteurs disciplinaires ou pluridisciplinaires chargés de mener à bien cette mission de développement des travaux sur l'enseignement, et affichent une politique déterminée de soutiens significatifs aux équipes pluricatégorielles qui s'engageraient dans ce domaine de recherches. Nous serons à leurs côtés pour obtenir du ministère les moyens nécessaires pour mettre en œuvre cette politique.